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Billet de blog 23 juillet 2011

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Un petit coin de parapluie et quatre roues aussi

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Oui, je sais. J'ai tous les défauts. J'aime, dans le désordre le plus absolu, les femmes, le football, la bonne chère, le bon vin, les montres et les Davidoffs. Et l'automobile. Pour la plupart, et pas seulement sur Médiapart, je suis un pithécanthrope. Mais un pithécanthrope heureux. Homo erectus for ever...

L'automobile, ma passion depuis mes Norev, Majorettes, Dinky Toys et autres Matchbox. Je vais fêter dans deux semaines mes trente ans de permis...et l'achat de ma vingt-septième voiture. J'ai eu de tout. Des Italiennes aussi fougueuses que capricieuses, des V6 ronronnants comme des chats prêts à bondir dans une feulement sourd et d'emporter le décor sous leurs griffes, des Allemandes aussi rigoureuses que la dureté de leur suspension, des Anglaises qui m'ont couté le prix des joyaux de la couronne, des conglomérats improbables de carrosserie espagnole, de chassis italien et de moteur allemand qui faisait s'évanouir le train avant au moindre coup d'accélerateur, des Japonaises plus bardées de gadgets high tech que d'âme et d'une fiabilité à toute épreuve, des Américaines excentriques, des Suédoises pratiques et cosy comme un canapé de chez Ikea, des berlines, des coupés, des breaks, des citadines, des sportives, des grandes routières, des 4x4 capables de grimper aux arbres...

Des Françaises aussi. Aussi faciles à réparer qu'elles tombaient en panne, au confort toujours royal et à l'équipement chiche quand il n'était pas minimaliste.

Comme la Deuche. Celle que finalement je choisirais entre toutes.

"4 roues sous un parapluie". C'était le cahier des charges. Capable de traverser un champ avec un panier d'oeufs sans en casser un, pouvant transporter 4 personnes et 50 kg de bagages à 60Km/h et surtout sans aucun signe ostentatoire. Une merveille d'ingéniosité.

On n'imagine pas qu'il faille plus de talent et de malice pour créer une voiture aussi minimale que pour accoucher d'un bolide rutilant d'un rouge vif prometteur de sensations fortes.C'est pourtant le cas.

C'est pourtant le cas entre le V2 (Eh oui, le bicylindre n'est pas tout à fait à plat...) de 375 cm3 qui aurait pu équiper une moto avec son bordel de tirettes et de cables en tous sens pour actionner le démareur et le starter (les deux boutons marqué D et S encadrant le frein à main à cliquet en forme de canne qui calait les machoires des tambours de freins directement placés en sortie de boite). Ou avoir du chauffage, deux simples trous dans la carrosserie au niveau des pieds, occultés par un volet branlant et qui envoyaient l'air du moteur saturé de carbone en faisant gonfler les chevilles. Idem pour ce réglage en site des phares via une molette qui faisait pencher la barre transversale qui soutenait les yeux de crapaud.Un luxe que peu de voitures possédaient.

Caoutchouc, bout de ficelle et un génie de la simplicité

Comme ses essuie-glace sur les premiers modèles qui étaient actionnés par tachymètre placé à l'extrémité gauche contre la portière dite "suicide" qui partagait son axe avec son homologue de l'arrière à vitre fixe. Comme le carreau avant, qui relevé dans sa moitié inférieure, avait la facheuse tendance à se rabattre, autant inopinément que douloureusement, sur le coude négligeamment passé à la portière.

En général, vu l'épaisseur de la carrosserie taillée dans une boite de sardines géante, claquer une portière revenait à ouvrir les trois autres. Des défauts que l'on pardonnait vite quand on roulait la capote en toile ouverte ou qu'on enlevait les banquettes (encore de la toile tenue par des ressorts en caoutchouc) pour faire un salon improvisé. La décapotable la moins chère du monde et la voiture modulaire bien avant l'heure.

La polyvalence par la malice.

Afin de ne pas lasser avec la technique, je n'évoquerais que de loin les "jambons" cette supension à batteurs si caractéristique, comme les roues avant qui s'inclinaient (très pratique vu le rayon de braquage, pour se garer). Ni ce cerceau de camion directement sur les roues de 380 à flancs hauts, ni la boite à embrayage centrifuge qui mal réglée faisait tressauter à l'arrêt la voiture comme une puce.

Bien réglée toutefois, elle permettait de griller pour 20 mètres, et autant de secondes, les BMW et autres monstres de la route lors d'un démarrage pied au plancher, en voyant dans le rétro parkinsonnien le visage subitement empourpré de celui qui ayant à débrayer, passer sa première et embrayer venait de sa faire enfumer par une deux-pattes au futile grand prix des feux rouges.

Incommensurable plaisir

La mienne était de 1961. Avec ses pédales champignons, son pare-choc tubulaire rapporté qui faisait penser à un chasse buffle, ses clignotants au dessus de la portière arrière actionnés par un boitier translucide incongru.

C'est sur celle là que j'ai appris la mécanique, le rodage de soupapes, l'écartement des électrodes des bougies, le réglage du pointeau du carbu de Solex. C'est avec elle que j'ai appris la conduite, le frein pied gauche comme les pilotes scandinaves (la première fois j'ai quand même failli me retourner) , la trajectoire au cordeau. le plaisir de faire corps (autant que possible) avec la mécanique.

C'est aussi avec elle que j'ai appris l'amitié. Frimer avec un pote qui semblait sortie de "Happy days" avec qui on allait prendre des travers dans sa Dauphine entre les allées du parking du centre commercial entre deux cours en amphi.

Ou avec cet autre "Deuchiste" qui dans les cotes, et tandis que le moteur s'essouflait, passait la tête au dessus du pare-brise et armé armé d'un fouet tannait le capot à grands coups de "Hue ! mes chevaux" tandis qu'assis coté passager j'écrasais l'accélerateur de mon pied gauche. Nombre d'automobillistes venant en sens inverse ont failli terminer dans le décor en nous voyant...

Pour autant, je n'ai aucune nostalgie, j'ai même pris plaisir à évoquer pour toi, ami lecteur, cette voiture qui reste mythique à tous points de vue et qui j'espère t'aurais fait au mieux sourire et qui sait raviver quelques souvenirs.

Aujourd'hui, quand les portières se sont verrouillées automatiquement au démarrage, que les garde-fous électroniques (ABS, ESP, AFU et j'en passe) viennent m'empêcher de donner libre cours à mon plaisir de conduire, quand la clim régule mon air, que le régulateur me laisse juste le droit de tourner le volant selon les indications du GPS (la seule voix féminine que j'écoute), que les feux et les essuie glaces n'attendent plus mon ordre pour s'actionner, que le visco-coupleur transmet la puissance entre les essieux en quelques milli-secondes, et que je contemple le bloc surveillé en permanence par une myriade de capteurs et dans lequel je ne peux plus mettre les main, je n'ai pourtant pas de regrets.

On a changé d'époque c'est tout.

Et puis on l'avait tellement rêvée cette voiture de science-fiction à l'époque, qu'on ne va pas la renier maintenant.

Mais un petit coin de parapluie avec 4 roues en dessous, c'était pas si mal non plus.

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