Messieurs,
Je dis "Messieurs" parce que j'ai toujours trouvé un peu glauque cette familiarité qui pousse en ces temps incertains tout un chacun à fraterniser avec ses vedettes préférées le temps d'un spectacle, d'une chronique ou d'un émoi (légitime en ce qui vous concerne), avant de retourner vaquer à ses occupations.
Mais il parait que c'est ainsi dans cette époque ou la façade à plus d'importance que le bâtiment, ou l'on détruit des planchers, des cloisons encore bruissantes de ce qui fût une aventure humaine. Regardez "Le Monde" par exemple. On a gardé les lettres gothiques mais derrière il y longtemps qu'il n'y a plus que du vide. Et pourtant tout le monde (Tout "le Monde" ?) fait semblant de croire que le fantôme d'Hubert Beuve-Mery est encore dans les locaux. L'indignation n'a de durée que celle du souvenir...Après vous aurez beau faire et beau dire, chacun aura autre chose à foutre et pourvu qu'on lui assure son pain quotidien....Mais on vous regrettera c'est sur...au vouvoiement.
Et puis, sachez aussi que ma part, c'est une forme de respect. Par rapport au talent, à l'abnégation qu'il faut avoir pour recevoir de pleines pelletées de critiques acerbes et à tel point "Ah ! Serbes" qu'un génocide n'aurait pas dérangé certains. L'art et la manière sans doute de cultiver son ambivalence. Un coup défenseur des libertés, un coup oppresseur de ces même libertés au nom même de ce que l'on défend. L'ambivalence conduisant à la schizophrénie.
Un respect également par rapport à l'insoumission , là ou tant d'autres n'iront pas plus loin dans l'insolence que leurs déboires chez Ikéa, téléphone portable et belle-mère comprise dans le sketch, ou aux Grosses Têtes là ou des chansonniers issus de la IVème République ( et proches de la même place) font encore rire les vieilles dames à cheveux bleus et les chauffeurs de taxis, autre espèce en voie d'extinction dès lors qu'on en a besoin.
Je me demande d'ailleurs à la réecoute chronologique de vos chroniques si ce n'est pas ce même public manifestant sa solidarité aujourd'hui qui ne vous à pas envoyé inconsciemmment dans le mur en attendant toujours plus, plus loin , plus fort, plus méchant, ce que vous avez donné de bonne grâce. Une sorte de "Panem et Circenses" se terminant en "Vae Victis".
Peut-être que vos déboires sont là. Victimes du public plus que des politiques. Parce que ne serait-ce que pour s'oindre d'une once de liberté d'expression et d'un vernis de démocratie les hommes politiques ont le chic et le charme pour dire que cela leur déplait par rapport à leur travail, leur famille (politique s'entend) et bien sur la patrie...mais que pour rien au monde il n'adopteraient les principes de Vichy. En résumé, pas question de vous demander de mettre de l'eau dans leur vain.
Sauf que le fossé s'agrandit tout les jours entre ceux qui ont ou estiment avoir le pouvoir et les autres, les vulgaires, les justes bons à voter, à s'extasier, a brandir banderoles et oripeaux divers et variés. Les moutons.
Les moutons qui ne savent pas que bêler, mais aussi se rebeller...N'exagérons rien. C'est comme le tutoiement de fraternité évoqué plus haut. C'est par procuration et ensuite chacun ira retrouver sa bergère en disant : "T'as vu j'ai défendu Stéphane et Didier. C'est chié non ?". C'est la dessus que ça se joue. Leur vindicte est épidermique et tombera des lors qu'ils seront tondus une fois de plus. Ce qui représente pour certain une forme de libération. C'est aussi ce qui assoit le pouvoir des uns sur celui des autres et qui fait leur force. Hélas.
La Grâce ne vous à pas été accordée par les fantômes de l'ORTF et leur cohorte résonnante et trébuchante marmonnant "la voix de la France". Bref, le mur vous l'avez pris pleine poire. Inféodés aux marchands de la "réforme juste", acquis par la force de leur entregent à une cause qu'ils ont menacés de ne pas épouser avant de se soumettre, ces moutons tondus par avance n'ont gardé que leur hypocrisie qui leur sert désormais de cache-misère intellectuelle. Votre seul tort aura été, encouragés par les auditeurs à aller un pont trop loin, jusqu'à ce que vos chroniques fassent craindre que vous ne deveniez Aiguillon et Porte parole trop importants et que le vertige s'empare de ceux qui ne veulent pas regarder en bas du fossé qu'ils ont pourtant creusé entre le peuple et eux.
Nous vivons une époque ou il faut plus se méfier des agneaux que des loups.
Alors bien sur, on va se mobiliser. Mais après ?? Il ne faudrait pas qu'une fois l'excitation retombée et le nouvel épisode de la saga des Bleus paru, on rentre gentiment manger sa pâtée du 20h de TF1. Ce serait dommage..
J'espère que vous aurez la possibilité d'une manière ou d'une autre de continuer à émettre et de mobiliser vos auditeurs sur un projet, une station ou sur le web.
Je vous souhaite une bonne chance dans vos entreprises futures et sachez que vous aurez mon soutien.
Cordialement
Serval