Qu'on m'apporte un stylo. Un clavier. Qu'on me mette devant un micro. J'ai besoin de ma dose. Et toi aussi tu as besoin de ta dose. De ta dose de moi. Moi, ton Jésus personnel rien qu'à toi.
Peu importe comment je m'appelle. Keith Richards, Zinédine Zidane, Claude François, Martine, Ségolène ou Edwy Plenel. Quoi que je fasse, quoi que je dise, tu m'applaudiras. Les mains jointes, tu m'enverras des messages de remerciements, mouillés de ton amour. Tu me Panthéoniseras. Tu guetteras mes apparitions tu te passeras le mot, tu me liras et me reliras, tu auras sur tes paumes les stigmates de ta dévotion à force de toucher et retoucher ce que j'aurais béni de mes actes, de mes musiques ou de mes mots.
Tends les mains et touche la foi.
Je suis celui qui te comprends, qui t'écoute, qui traduit tes frustrations. Qui dit, qui écrit, qui chante ce que tu penses tout bas. Je suis celui que tu associeras aux bons moments pour une chanson écoutée et je suis celui auprès de qui tu te réfugieras dans les mauvaises passes pansant tes plaies par mes paroles, mes écrits. Je suis celui qui te fait vibrer quand je rentre dans le stade, que je monte sur la scène, que mon livre parait ou que mon article fait la Une.
Je suis en toi. Inside et insidieux, Ainsi Dieu. Ton propre Jésus personnel rien qu'à toi.
Je rythme ta vie, je lui donne un sens , une couleur. Celle que tu cherchais. De falôt, je te rends monochrome. La différence n'est pas bien grande, mais c'est toujours un progrès.
Je suis ta personnalisation et ta dépersonnalisation. Tu me citeras et tu me réciteras. Tu me pardonneras tout, tu trouveras un sens caché à mes propos les plus flagornateurs, tu inventeras un second degré que seul les initiés comme toi peuvent comprendre. Rejetant les autres. Ceux qui adorent un autre Dieu personnel rien qu'a eux. Cela tu les exècreras, tu les renieras, tu les conspueras devenant toi même le chantre de ce que je ne t'ai jamais enseigné.
Tu te défendras aussi parce que si on m'attaque, c'est toi qu'on attaque. Tu crieras à la machination, tu lèveras des armées d'autres inféodés pour me protéger. Comme si j'avais besoin de toi. Sauf par procuration, par procuration seulement. Et tuer Moi, c'est tu et Moi, c'est tuer Toi et pas tu es Toi.
Tu me pardonneras disais, je comme moi je te pardonnerais tout. Enfin le Moi qui est en toi te pardonneras tout. Moi parfois tu m'effraye. Tu me donnes le vertige, et les ivresses. Les deux. Celle qui te rend euphorique et l'autre. Celle des profondeurs quand l'oxygène ne t'atteint plus et que je perds mes repères dans tes méandres. Parce que tu es un fidèle versatile. Demain tu peux te détourner de moi sans que j'en comprenne la raison.
Parce que l'adoration, ce n'est pas la raison.
On est deux à avoir peur du désamour. Mais moi, j'ai un avantage. Je trouverais toujours d'autres adeptes. Ailleurs, autrement.
Alors que toi, vers qui te tourneras tu ? C'est moi qui t'ai fait à mon image, ou plutôt c'est toi qui a calqué mon image sur toi, sur mes faits et mes gestes, qui a remplacé ta pensée par ma pensée. Qui m'écris tous ces témoignages pour me montrer que tu es là. Parfois je deteste ton amour visqueux.
Mais je reste là. A cause de toi. Parce que tu as besoin de moi, Parce que je suis toujours présent et que j'ai fait detoi un croyant. Parce que j'ai besoin de ma dose d'amour aussi.
Tends les mains et touche la foi.
Je suis ton Jésus personnel, rien qu'à toi.
Insidieux et ainsi Dieu