Suite à la diffusion de notre appel à témoignages, les premiers arrivent... en provenance de l'Education nationale :
Je suis enseignant en Lycée professionnel et j'ai actuellement 25 ans d'ancienneté dans le métier.
J’ai été démarché fin octobre par le chef d’établissement qui pilote le Bassin d'Éducation et de Formation (BEF) de mon département pour prendre le poste de chargé de mission/référent de bassin suite au départ du précédent titulaire. Je n’ai pas candidaté pour ce poste, j’ai été démarché pour répondre aux besoins du BEF de mon département.
J’ai accepté cette mission et pris le demi-poste début novembre.
Je crois avoir rempli cette fonction du mieux que je pouvais en m’impliquant dans les travaux du bassin, en étant à l’écoute des besoins des chefs d’établissements sur les dossiers du moment (organisation du forum des lycées, gestion des supports médias, collecte et diffusion des informations, création de supports de communication) et en proposant des solutions aux problématiques rencontrées.
Cette mission m’a été présentée comme une mission sur 3 ans minimum qui pourrait être reconductible.
J’ai été averti par ma cheffe d’établissement par téléphone le mardi 4 février à 10h que ma décharge était supprimée. Elle venait de recevoir cette information à quelques heures du vote du Tableau de répartition des moyens (TRM : le tableau qui répartit les services de chaque enseignant). Ceci a entraîné une réunion en urgence des enseignants du lycée professionnel car les répartitions étaient déjà faites et prêtes à être votées. La raison de cette suppression est budgétaire. Le rectorat récupère (supprime) les postes qu'il peut pour faire des économies.
Voilà aussi ce qu'est l'austérité La mission de coordination des bassins d'éducation et de formation ne sera plus assurée. Les chefs d'établissements se débrouilleront pour gérer cela eux-mêmes mais ils savent déjà qu'ils n'en ont pas le temps.
Je n’ai reçu aucun appel de la DSDEN (direction des services départementaux de l'Education Nationale) ni d’un quelconque responsable. Le comité de pilotage du BEF n’a jamais été averti de la suppression du poste. La référente de l'École Académique de la Formation Continue (EAFC) avec qui je travaille n’a jamais eu d’informations sur la disparition de ce type de missions qui permettaient le lien avec les chefs d’établissements. Le budget de la formation continue va aussi baisser de 30 à 40% à l'Education Nationale en 2025.
Cette façon de faire ,devenue récurrente, est au-delà du manque de bienveillance envers les personnels. Une forme de maltraitance s’est installée par la répétition du message que nous, enseignants, sommes « remplaçables », « déplaçables » au bon vouloir des hiérarchies. Nous sommes des blocs de « moyens », des numéros sans identités propres. Cette façon de faire, de déshumaniser fait partie de l’arsenal que nous subissons chaque année et qui, quand il s’agit des élèves, porte un nom précis.
Une réelle violence institutionnelle malmène les personnels.
Je suis fatigué de vivre cela chaque année, de savoir quels moyens humains seront enlevés, quels budgets seront amputés, quel niveau de mépris sera affiché. Dans mon lycée, nous avons refusé de voter le budget 2025 qui divisait les crédits pédagogiques par 3 pour la rentrée prochaine. Imaginez des lycéens en bac professionnel qui ne peuvent plus faire de travaux en ateliers car nous ne pourrons plus acheter de fournitures pour cela.
Officiellement (dixit le 1er ministre), les 4 000 postes dans le secondaire (pour cause de baisse démographique) ne devaient pas être prélevés cette année. Mais, en académie, des milliers de postes et classes sont supprimés pour cause de BAISSE DEMOGRAPHIQUE. 5 000 classes dans le 1er degré sont à la fermeture quand , officiellement (lors des allocutions TV de nos dirigeants), seuls 470 devaient fermer.
Les classes, dans mon lycée, vont être surchargées suite à la fermeture de deux classes (37 par classe de terminale l'an prochain....., belle préparation pour le bac et parcoursup). Le discours lénifiant sur la conscience professionnelle qui permettra de trouver des solutions locales devient insupportable. De nombreux postes (y compris le mien) sont sur la sellette voire sur le départ et ce n’est pas à cause d’une légère baisse démographique mais bien en raison des réformes destructrices successives et d’une volonté de casse de l'École Publique.
Techniquement, peu de gens le savent mais la dotation des établissements en heures d'enseignement dépend des prévisions d'effectifs de la DSDEN. Or, et c'est là le subterfuge, ces prévisions sont TOUJOURS amputées de 10 à 15% d'élèves. Les moyens ne sont donc pas donnés et, quand la réalité des inscriptions arrive, il est trop tard pour donner davantage de moyens ou juste quelques heures de compensation. Le tour est joué et nos administrations nous demandent alors solennellement de faire preuve d'innovation pédagogique pour faire au moins comme avant mais avec toujours moins.
J’appréhende aussi chaque année ce moment de l’arrivée de la dotation horaire devenue l’épée de Damoclès pouvant s’abattre aveuglément sur les derniers « arrivées » dans l’établissement. Une perte de classe se traduit souvent par le fait de devoir enseigner sur deux établissements différents voire perdre son poste. C’est stressant, usant et cela impacte la vie professionnelle et personnelle.
C’est surtout révoltant car cela provient très majoritairement de choix politiques. Le système arrive au bout, je suis à bout de ce système méprisant, irrespectueux et parfois malveillant envers les personnels.
 
                 
             
            