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Billet de blog 2 août 2014

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Une solidarité non selective, Calais tous ensemble !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Calais est une ville en souffrance sous bien des aspects.

Malgré les apparences trompeuses, Calais est  une ville qui se meurt.

Oui, elle est jolie comme ça, quand on passe vite fait et qu’on voit la belle place d’Armes, les pots de fleurs devant la jolie mairie et son  beffroi qui brille, une jolie rue Royale, avec de beaux trottoirs accueillants.

Mais pour accueillir quoi ? Accueillir qui ?

Pas des petits commerçants, qui ont payé cher ces travaux pour l’esthétique… Des commerces : il n’y en a plus. Ils meurent les uns après les autres.  Parce que la cité Europe a aspiré toute la clientèle à grands renforts de services qui rendent le consommateur plus fainéant et finalement moins exigeant. Un parking gratuit, une centaine d’enseignes nationales ou internationales qui embauchent mal et peu, à des salaires qui permettent rarement de faire vivre une famille. Des restaurants sympas, un super cinéma…

Mais ça reste un endroit clos, une cage de verre où tout est formaté, un centre commercial comme il en existe des centaines partout.

Pourtant notre ville a aussi des terrasses, tellement plus agréables, avec chacune son caractère propre. Un cinéma atypique et pas cher. Et des petites boutiques qui se battent pour tenir le coup. 

Ce qui fait le caractère d’une ville, ce n’est pas d’avoir de jolis trottoirs, mais c’est de les rendre accueillants avec des commerces, des activités, des gens qui vivent, se promènent, se font plaisir. Nos beaux trottoirs vides ne sont pas vivants, ce sont seulement des vitrines.

Combien de calaisiens arrivent encore à se faire plaisir ?

Il y a à Calais des familles qui vivent sous le seuil de pauvreté, comment pourraient-elles consommer, flâner, sourire ? Certaines familles vivent dans des logements insalubres, des enfants en tombent malades !

Pendant ce temps, des centaines de logements sont vides, murés, livrés à l’abandon.  Dans le lot, des logements qui appartiennent à la municipalité qui pourraient faire le bonheur des quelques familles à défaut de faire celui des migrants.

Les entreprises ferment. Des centaines d’emplois sont menacés.  Des salariés qui risquent de se retrouver sur le carreau, de plonger dans la galère.  Des salariés qui finiront par quitter la ville pour tenter leur chance ailleurs, dans le meilleur des cas…

Et puis Calais, c’est la ville que certains estiment salie par les migrants… C’est tellement facile de faire porter le chapeau à ceux qu’on ne connait pas. Il parait que les migrants sont sales, mais pas ces calaisiens qui crachent sur les trottoirs et laissent leurs chiens chier devant la porte des voisins… Il parait que les migrants détériorent les chalets sur la plage, pourtant quand je croise des calaisiens qui ont grandi ici, ils me disent que de tous temps les jeunes calaisiens ont squatté ces chalets pendant leurs week-end arrosés allant parfois jusqu’à y mettre le feu…  La présence des migrants permet de dire « c’est pas moi c’est l’autre ». Il paraît que les migrants sont des violeurs, des voleurs…  Faites un inventaire des faits divers, vous serez surpris de constater que les calaisiens ont leur propre lot de violeurs, de voleurs, de pédophiles, de malfaiteurs en tous genres… Les migrants sont vraiment des petits joueurs pour le coup… Les migrants comptent parmi eux quelques individus peu fréquentables, il y a forcément des faits inacceptables, dire que c’est coutumier c’est mentir, c'est de la stigmatisation.

 Calais devient une ville où les gens n'ont plus les moyens de rien et où l'on attise la haine à grands renforts de stigmatisation, de criminalisation et de déni. La ville a besoin d'une politique différente, d'une prise en charge des migrants, mais aussi d'une considération des familles qui vivent sous le seuil de pauvreté ou des commerçants assassinés par manque de soutien. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous devrions tous être solidaires... Manifester ensemble, commerçants, associatifs, familles, salariés des entreprises menacées...

Au lieu de défendre chacun sa cause, c'est ensemble, vraiment tous ensemble que nous devrions défendre notre ville et son avenir.

Malheureusement, il y a encore trop de personnes qui ne pensent qu'à "leur" cause, et l'union est difficile à construire. Pourtant, sans cette union, sans un véritable élan de solidarité les uns envers les autres, toutes nos causes sont vouées à l'échec ou au mieux à survivre sans espoir d'amélioration.

On ne peut pas faire de tri dans la détresse, on ne peut pas considérer une douleur plus ou moins importante qu'une autre, parce que chacun, à son échelle vit une situation qui l'empêche de penser sereinement à l'avenir...

Alors je souhaite qu'un jour, les calaisiens soient capables de manifester TOUS ensemble, main dans la main, pour réclamer à la municipalité et l'état d'enfin regarder vers eux et d'arrêter de foncer droit dans le mur. Ce qui me fait peur, c'est une montée de l'intolérance, de l'individualisme qui ne feraient que plonger la ville dans une forme d'enfermement suicidaire. La renaissance de Calais est possible, mais pas dans le "chacun pour soi".

Il y a à Calais des gens qui pensent que la générosité et la solidarité sont sélectives.  Ils pensent que la « préférence nationale » est importante.  Alors ils vont "aider des SDF français" disent-ils, seulement des SDF français. En ignorant le travail déjà effectué par des associations ou des organismes qui ne chôment pas.  Ils vont aider comment ? Les SDF devront-ils présenter leur acte de naissance ? Ou leur couleur de peau suffira-t-elle à justifier qu’on leur offre un pain au chocolat pour faire une photo souvenir  du jour où on a fait quelque chose de bien ?

Combien de familles à Calais sont issues de l’immigration récente ou plus ancienne ? Des polonais, des anglais, des italiens, des espagnols… Ces familles sont-elles  compatibles avec cette préférence nationale ?

Non, la solidarité ne doit pas être sélective, sinon ce n’est pas de la solidarité, c’est se donner bonne conscience pour avoir l’air de quelqu’un de bien.

Calais c’est une trentaine de SDF déjà aidés par des associations (dont des associations d’aide aux migrants). Calais c’est actuellement près de 1500 migrants sans aucun autre droit que celui d’être méprisés par les autorités.

Calais doit vivre et arrêter de survivre.

Calais c’est une ville frontière, une ville ouverte sur le monde et donc sur les échanges. Vouloir enfermer Calais dans une « préférence calaisienne » c’est lui ôter de son histoire, de son identité… Faudra-t-il aussi faire une différence entre les « vrais calaisiens » et ceux dont les familles étaient de « Saint-Pierre » avant la fusion en 1885 de ces deux villes pour n’en former qu’une ?

Calais doit redevenir une ville unie, une ville qui ne laisse pas ses quartiers délaissés; qui ne laisse pas mourir ses commerçants; qui ne laisse pas des êtres humains dans les rues qu’ils soient français ou non; qui ne laisse pas des familles vivre dans la pauvreté, qui ne laisse pas des salariés menacés se battre seuls pour sauver leurs emplois.

Pour sauver Calais de cette détresse et de cet état de survie, il faut relever la tête tous ensemble et appeler à un vrai rassemblement citoyen.

Tous ensemble pour être enfin entendus.

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