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Billet de blog 10 janvier 2015

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Si nous sommes tous Charlie, dénonçons !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Notre pays  vient de vivre un drame particulièrement difficile.  D’abord parce que des hommes et des femmes sont morts, dans des circonstances insupportables et que rien ne justifiait ces morts, que ce soit dans les locaux de Charlie Hebdo ou dans cette épicerie.

Ensuite, parce que ce drame interpelle la conscience de chacun de nous. Au-delà  des morts, au-delà de la violence, il y a le symbole de ce qui a été atteint : la liberté d’expression,  la démocratie, la culture, la tolérance.

Ceux qui ont commis ces actes barbares semblent avoir été affiliés à des réseaux terroristes proches d’Al Qaida.

Et c’est là qu’il faut commencer à penser universellement.

On ne lutte pas contre son ennemi en détruisant la partie visible de l’iceberg. Il faut aller plus loin.

Il est temps de prendre conscience que ces ennemis de notre république sont les mêmes que fuient bien des exilés échoués à Calais. Il est temps de se demander les conséquences du laisser-aller dont nos gouvernements sont en partie responsables en laissant, par exemple, les syriens se faire massacrer chez eux.  Que faisons-nous, concrètement, pour empêcher les barbares de devenir plus forts ? Quand on sait que pendant que des populations sont massacrées par des monstres, l’Europe achète du pétrole à DAESH (l’état islamique)…  Comment ne pas être à la fois stupéfait et en colère ? On donne de l’argent à des barbares pour qu’ils aient les moyens de s’armer plus lourdement. Et donc ils ont les moyens de terroriser encore plus, de massacrer encore plus et de se préparer encore plus à semer le trouble chez nous. On leur offre la possibilité de s’organiser pour terroriser les populations !

Car il ne faut pas se tromper : nous sommes tous les suivants.  Partout dans le monde.

Les trois tueurs sont les exemples de ce qui se passe quand l’intolérance et la haine s’emparent des esprits égarés.  Et c’est un cercle vicieux qu’il est temps de rompre.

Depuis quelques années, des politiques opportunistes se sont fait un devoir de stigmatiser la population musulmane.  Parce que certains politiques ont si peu de choses à proposer que pour obtenir des voix il leur faut entretenir un climat de peur afin de se poser en héros, en sauveurs de notre bonne société française…  Montrer du doigt l’Islam est à la fois irresponsable, injuste, insultant et provoquant. Car oui, il existe des jeunes fragilisés qui en se sentant stigmatisés, mis à l’écart vont devenir les proies faciles pour les djihadistes. Ils vont se faire embarquer dans la barbarie parce que les manipulateurs assassins leur diront « on vous traite comme de la merde, il faut vous venger ».  Et ce sera le début de la fin. C’est ce qui semble s’être passé pour les 3 tueurs de ces derniers jours.  C’est ce qui se passe régulièrement, on sait que de nombreux français (et pas forcément d’origine arabe) cherchent à rejoindre le Djihad…

L’intolérance nourrit l’intolérance. La haine en nourrit une autre. Et la violence nait de ces dérives.

Non, les musulmans ne sont pas un danger pour la France, ils sont citoyens français. Ils ne devraient pas avoir à se justifier aux yeux du monde de ne pas cautionner ces attentats, pas plus que n’importe quel citoyen français.

Il est temps de regarder les choses telles qu’elles sont et commencer à faire tomber ces barrières érigées de toutes pièces par des politiques ou des pseudo intellectuels d’extrême droite pour emmener la France droit dans le mur, l’enfermer en autarcie et la détruire à petit feu à coups de mensonges et de discriminations.

Nous devons lutter contre le terrorisme, ensemble car nous en sommes tous les victimes.

Nos ennemis sont en réalité ces idéologies extrémistes qui ne cherchent qu’à diviser la population et à nous élever les uns contre les autres.  Aimer son pays est noble, mais quand le nationalisme devient une idéologie dangereuse qui incite à la haine de l’autre et à la violence, ce n’est plus noble, c’est criminel. La religion est un choix personnel à respecter, mais quand une croyance devient une idéologie qui sert de justification à la violence et au meurtre, ce n’est rien d’autre qu’une insulte à cette religion. D’ailleurs, des actes de violence de la part d’intégristes catholiques ça existe aussi, c’est la preuve que ce n’est pas spécifique à l’Islam, c’est spécifique à des déséquilibrés qui se cherchent des mobiles. 

La France est un pays qui symbolise la liberté, l’égalité et la fraternité. Depuis quelques années, ces valeurs deviennent désuètes. Pourtant elles sont l’essence même de notre société. Elles sont à l’origine de ces luttes qui nous ont permis d’obtenir des droits que d’autres pays nous envient.

Un jeune irakien de ma connaissance qui avait 4 ans lors des attentats du 11 septembre m’a dit qu’il avait conscience que personne n’est à l’abri de l’état islamique, d’Al Qaida et de tout ce qui s’en rapproche. Mais il n’imaginait pas que des hommes armés nés en France pouvaient assassiner froidement des journalistes, des policiers, des citoyens dans leur quotidien.  Les  explosions, les tirs sur les civils il connait, son corps en porte les stigmates. Il n’imaginait pas que cette violence pouvait nous frapper de cette manière. Il a repris ses études en Angleterre, il souhaite un jour retourner en Irak, y participer à son avenir. Mais quand ? Quand son pays sera-t-il vraiment libéré des barbares ? Et désormais, dans quel pays peut-on dire que l’on est en sécurité  pour longtemps ?

Que dire à ces exilés échoués à Calais qui subissent à la fois la déchirure, l’exil, le deuil, la faim, le froid, le doute, la peur… Comment leur expliquer que non seulement nous ne faisons rien pour aider leur population dans leurs pays respectifs, mais qu’en plus nous les mettons en danger en les stigmatisant chez nous, en les assimilant à la violence qu’ils ont fuie ?  Comment leur expliquer que des citoyens français rejoignent le Djihad ?

Nous avons tous le devoir de prendre du recul sur les évènements de ces derniers jours, de nous poser les bonnes questions et de réagir au quotidien en commençant par ne pas oublier que la tolérance et la solidarité sont des forces et pas des faiblesses.

Ils ont voulu tuer le rire, ils ont voulu tuer la liberté de se moquer, de dénoncer, de critiquer : ils ont voulu tuer notre libre arbitre. Ils ont voulu nous atteindre dans nos consciences, en réalité, ils nous ont rendus plus lucides.

En mémoire de tous les morts, restons dignes, continuons de dénoncer les idéologies qui empoisonnent notre démocratie par tous les moyens.

Nous sommes Charlie, Ahmed, Franck, ou Clarisse… Nous sommes ces citoyens ordinaires qui défendons nos libertés, la liberté des autres, et qui restons debout. Sinon… Un jour nous serons les migrants, à la recherche d’un pays d’accueil pour fuir la barbarie.

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