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Billet de blog 13 octobre 2014

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis plusieurs mois, je suis amenée à regarder en face une réalité dérangeante, un phénomène qui me met mal à l’aise.

Je constate que des personnes, qui sont de plus en plus nombreuses, se sentent obligées de poser une étiquette sur chaque pensée, chaque conviction, chaque cause et pire, chaque personne.

Nous ne serions donc que ça, des produits avec une étiquette sur le front… Pas des êtres humains avec une multitude de pensées, de qualités, de défauts, de talents, de compétences, de manques… Non, des produits étiquetés à la va-vite.

On commence avec les migrants : ils sont soit gentils soit mauvais. Pourquoi ? Pourquoi est-il si difficile d’admettre que « les migrants » sont avant tout des personnes uniques comme n’importe quel être humain ? Pourquoi considérer que « les migrants » sont une seule est même entité que l’on doit soit soutenir soit rejeter ? Pourquoi ne pas se dire que l’on peut avoir des affinités avec certains et pas avec d’autres ? Que comme dans toute population, tout groupe d’individus, il y en  a forcément qui peuvent être stupides, menteurs, voleurs ou même violents ?  « Les migrants » devraient donc être soit gentils soit mauvais, c’est faire abstraction de leur humanité, de leur parcours, de leur vie.

Tous les policiers sont-ils tous violents gratuitement, prennent-il plaisir à frapper des migrants ? Pourquoi considérer que « la police » est elle aussi une seule et même forme de pensée ? C’est une institution, et en tant que telle elle est soumise à des règles. Mais ceux qui composent la police sont des personnes, pas des machines…  Et oui, il y en a des abrutis, et il y en a de formidables.  Je sais de quoi je parle, il y a dans ma famille des gendarmes et des commandants de police…  Pourquoi faut-il donc que la police soit parfaite ou pourrie ? Il n’y a pas de juste milieu, il n’y a pas un aspect humain ? Il n’y a rien sous les uniformes ? C’est idiot, c’est l’humain qui fait le policier. S’il est bon de nature, il sera un bon policier, si c’est un crétin il sera mauvais policier. Mais un policier, dix, ou cent ne sont pas « la police »

Les « anti migrants », sont-ils tous racistes ? Bien sûr que non ! Il y a des personnes d’origine étrangère qui se revendiquent « anti migrants ». La peur du migrant, ou simplement l’envie de ne pas être confronté à la misère, à la détresse, ça peut se comprendre, c’est humain. Chacun réagit avec sa propre sensibilité, son vécu, ses valeurs. On n’est pas forcé de ressentir de la sympathie pour ceux qui sont « les migrants ».  Cependant il est possible de l’exprimer sans pour autant sombrer dans la caricature et la stigmatisation. Et se souvenir d’où l’on vient, quand on est issu de familles italiennes par exemple, on sait comment nos parents ou grands-parents ont été traités à leur arrivée. Aujourd’hui on dit « oui mais c’était une immigration de travail »… oui, enfin les noms d’oiseaux fusaient quand même…  Et on les accusait de venir prendre le travail des bons français…   Alors non, ils ne sont pas tous racistes les « antis », mais  certains le sont, et ne s’en cachent pas. Il y a des racistes sur tous les continents et de toutes les couleurs…

Ceux qui soutiennent les migrants sont taxés de gauchos… Et même d’extrémistes. Bon.  Pourquoi faut-il forcément être de gauche pour être humain ? J’ai voté Chirac il y a quelques années, puis j’ai préféré ne plus voter, puis j’ai voté Hollande parce que je pensais « tout mais pas Sarkozy »…  Aujourd’hui je penserais presque « tout mais pas Hollande »… Peut-être que je ne voterai pour personne. Je n’en sais rien… Suis-je de gauche ? A priori si défendre les valeurs humanistes c’est être de gauche, alors oui. Si être de gauche c’est soutenir le gouvernement actuel alors non.  Mais le fait est que quand je vote, c’est pour des idées, des propositions pas pour un parti. Un parti c’est une étiquette, c’est réducteur, c’est l’inverse de l’ouverture d’esprit que j’aimerais défendre… Je connais des gens qui votent FN avec qui je m’entends très bien sur certains sujets, et moins sur d’autres. Je connais des gens chez EELV qui ne sont que des opportunistes prêts à tout pour faire marcher leur petit commerce bio. Je connais des communistes radins qui préfèreraient laisser leur môme à la rue plutôt que de mettre la main à la poche. Des gens de droite très généreux qui n’hésitent pas une minute à donner de leur temps et de leur personne en faveur de ceux qui vont mal. Alors je suis une gaucho paraît-il, soit. Et après ? Je ne suis que ça ? Ne suis-je pas une personne, une femme, une maman, une amie, avec des compétences, des goûts, des ambitions qui vont au-delà de l’engagement auprès des migrants ? Quand on aide un migrant, ce n’est pas par préférence de l’étranger, c’est juste par préférence de l’humain. La solidarité se fout de la nationalité, la solidarité est une chaîne, quand on y entre, on ne sait pas qui on va aider et qui nous aidera un jour.  Si  l’on doit refuser son aide à un étranger parce qu’il est étranger, et qu’on prétend que seuls les sdf français doivent être secourus, on n’a pas l’esprit de solidarité mais l’esprit de récupération : récupérer la misère pour s’en faire un cheval de bataille… Mais il faut l’assumer.

Quand on a du cœur et des tripes, n’importe quelle misère nous fait mal, n’importe quelle détresse… On ne ferme pas les yeux sur un enfant qui a faim sous prétexte qu’il n’a pas la bonne couleur , c’est pas possible, pas humain, c’est tout sauf de la bienveillance. Un enfant est un être à protéger d’où qu’il vienne. On n’a pas le droit de coller une étiquette de produit avarié ou défectueux sur un enfant.

Pourquoi doit-on être réduit à ces étiquettes ?  A quoi cela sert-il ? Le seul résultat qui en sort, c’est la division.  On réduit les individus à l’état de produits, de pions, et on les déshumanise. Un produit ne pense pas, il s’achète. Un pion ne décide pas, il se fait déplacer.

On doit être blanc ou noir, bon ou mauvais, de gauche ou de droite, tolérant ou raciste, con comme un âne ou doué comme Einstein ? Etre humain c’est avoir droit à l’erreur, c’est avoir un libre-arbitre, la faculté de penser, de se remettre en question, d’évoluer… Nous sommes supposés être l’espèce évoluée de cette planète, et qu’en faisons-nous ?

Les étiquettes ne sont que des outils de stigmatisation, de ségrégation. Ce n’est pas une méthode bienveillante que de mettre des étiquettes sur des gens.

Par contre, ceux qui se collent eux-mêmes une étiquette en se tatouant des symboles nazis sur la peau, ceux –là doivent assumer leurs idéologies nauséabondes.  Ils se collent une étiquette qui semble idéale : ils sont les gentils, les héros, les sauveurs… Ils ont des étiquettes flambant neuves pour rappeler quelles étaient les valeurs  de leurs aînés : coller des étiquettes criminelles sur des gens, des étoiles jaunes pour montrer qu’ils étaient « le mal »… 

Faut-il vraiment qu’on en revienne à coller des étiquettes sur des êtres humains ?

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