Clandestins, migrants, exilés, demandeurs d'asile... C'est quoi la différence ?
A priori, pour certains, peu importe le mot, ça désigne ceux qui sont là dehors, qui font peur, qui sont le danger, la cause de tous les maux...
Pourtant, un mot n'en vaut pas un autre.
"Les migrants": c'est l'expression qui permet de généraliser. On ne parle pas de personnes de différentes nationalités, d'hommes, ...de femmes ou d'enfants, on dit "les migrants" parce que ça permet de parler d'un phénomène et pas d'une population (ou plutôt de populations). "Migrants" c'est le mot idéal pour déshumaniser ceux qui vivent dehors. C'est une masse, une entité qu'il faut repousser.
Les "demandeurs d'asile": méconnus... On les ignore la plupart du temps parce qu'ils sont encore plus invisibles que les "migrants"... Quelle est la différence entre un migrant et un demandeur d'asile ? Le migrant, par définition "migre", il bouge, il n'est pas là pour rester... Ceux qui migrent sont de passage, les demandeurs d'asile souhaitent rester. Ils sont une toute petite minorité. On les identifie mal parce que très [trop] souvent ils sont contraints à vivre dans les mêmes conditions insalubres que les migrants. Bien que l'état ait l'obligation de loger les demandeurs d'asile, c'est rarement le cas, faute de place... Les demandeurs d'asile perçoivent 334€/mois le temps que leur dossier soit examiné. Si leur demande est rejetée, l'aide est coupée. 334€/mois ne permettent pas de se loger et de payer des charges, se nourrir. Les demandeurs d'asile ne sont pas des clandestins, puisqu'ils se sont faits connaître aux autorités pour entamer la procédure de demande d'asile. A Calais, des demandeurs d'asile ont été expulsés de camps ou de squats, parfois arrêtés et déplacés, comme s'ils étaient toujours des clandestins.
Les "clandestins", également appelés "clandos" par une partie de la population qui souffre d'un manque total de considération. Ce sont ces mêmes "migrants". Mais le mot "clandestins" revêt un aspect juridique, il fait référence à la loi, être clandestin c'est mal, c'est être en infraction. C'est un mot utile quand on souhaite criminaliser ceux qui ont besoin d'aide. Parce qu'on n' aide pas des délinquants, on les punit. En utilisant ce mot, les autorités justifient le fait de ne rien faire d'un point de vue humanitaire, mais permet à chacun de mesurer l'importance de l'action répressive: 1500 clandestins, c'est 1500 délinquants, c'est donc 1500 raisons de dépenser 15 millions d'euros pour poser des barrières plutôt que de dépenser 15 millions d'euros à l'aménagement d'aires d'accueil et de repos... Le mots "clandestins" est celui qui permet de justifier l'acharnement, je me souviens des mots du préfet Denis Robin: je ne vais pas aider des individus dont le projet est de violer la loi française"... Bah oui, c'est ça, les syriens dans leur salons s'emmerdaient en sirotant leur thé, alors ils se sont dit "tiens, et si on allait violer la loi française pour se geler les miches, faire caca dans les bosquets, avoir la dalle et se faire traiter comme des cafards"... C'est bien connu, 1500 personnes à Calais sont là pour le plaisir de faire chier les calaisiens... On en rirait si seulement il n'y avait pas des gens assez naïfs pour le croire. Les clandestins sont comme le croque-mitaine, la légende urbaine de Calais qui fait peur aux gentilles jeunes femmes, aux enfants blancs et aux vieilles dames...
Les "exilés"... Le seul mot juste pour définir ceux qui ont tout perdu et ont dû fuir leur pays, leur terre parce que le danger était trop grand de perdre la vie. L'exile revêt un caractère dramatique, c'est la détresse, le manque, c'est la déchirure, la douleur. L'exil c'est une contrainte insupportable et dangereuse. Les exilés sont des gens qui souffrent d'avoir tout perdu et d'être à des milliers de kilomètres de leur pays autant que de leur VIE. Mais voilà... On va pas parler des exilés, ça pourrait donner un aspect humain à la situation. Bah oui, ça pourrait justifier qu'on les aide, qu'on les soutienne. L'état serait obligé de réagir humainement et de respecter la dignité des exilés... Pas intéressant. Si le gouvernement voulait faire dans l'humanitaire, il y a longtemps que ce serait fait. Si la ville voulait faire dans l'humanitaire, il était possible de le faire, au lieu d'encourager la stigmatisation, la criminalisation et la ségrégation... Alors non, on ne dit pas "exilés", on ne veut pas savoir qui ils sont, ce qu'ils ont fuit ou ce qu'ils supportent de douleur.
Ah oui, il y a un mot encore qui est fréquemment utilisé: "Kosovars"... Les imbéciles qui n'ont toujours pas compris que Kosovar est relatif au Kosovo (non, c'est pas une maladie ni un gros mot)... Des imbéciles pour qui un noir est forcément étranger et un "migrant" forcément un "Koso"... et un chômeur, un "cassos" ? Ils sont cousins Koso et Cassos ? Oui, là aussi, mieux vaut en rire... Hélas, c'est de plus en plus difficile de rire de ces âneries.
Les mots qu'on utilise ont toujours un sens qui peut être lourd de conséquences. Si l'on continue d'utiliser le mot "migrants" pour parler de l'ensemble de la population migrante parce que c'est plus simple, il ne faut pas oublier le sens de chaque mot qu'on utilise pour parler d'une personne.