Séverine Mayer (avatar)

Séverine Mayer

Auteure

Abonné·e de Mediapart

57 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 février 2015

Séverine Mayer (avatar)

Séverine Mayer

Auteure

Abonné·e de Mediapart

Détournement de pouvoir.

Séverine Mayer (avatar)

Séverine Mayer

Auteure

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 5 février dernier, le Tribunal Administratif de Melun rendait un jugement favorable à un exilé, annulant un arrêté d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).  Ce qui est intéressant dans ce jugement, c’est qu’il y est établi que Monsieur Robin, ancien préfet du Pas-de-Calais, a commis un détournement de pouvoir…

J’explique.

Le 2 juillet 2014, un arrêté d’Obligation de Quitter le Territoire Français a été pris à l’encontre de 205 personnes, à la suite  des rafles liées à l’évacuation de l’ancienne aire de distribution de repas.  Cette OQTF (sans délai de départ volontaire) prononcée  par l’ancien préfet Denis Robin, était assortie d’un placement en rétention. Quelques personnes ont été renvoyées en Italie où elles avaient laissé leurs empreintes. Le préfet avait ensuite abrogée la rétention le 7 juillet 2014. Malgré tout, même libres,  les personnes concernées étaient toujours sous le coup de l'OQTF...

Ceux qui se trouvaient dans des CRA de région parisienne ont donc été libérés le 7 juillet, une heure avant l'audience au tribunal administratif qui se trouvait à plus de 60 kilomètres.  Ils ne pouvaient donc pas se présenter à cette audience.

Le Tribunal Administratif a été saisi par le représentant de l’une des personnes concernées.

Ce qui est dit dans ce jugement du 5 février 2015, c'est que  les OQTF ordonnées ce jour là ne l’ont pas été pour de bonnes raisons et dans le respect des procédures mais uniquement afin de permettre l’éloignement du lieu habité par plus de 600 exilés. Pour rappel, par une ordonnance du 27 juin 2014, le juge des référés du Tribunal Administratif de Lille a, à la demande de la commune de Calais, ordonné l’expulsion sans délai des occupants du terre-plein Darquer, situé rue de Moscou (ce que l’on appelait l’aire de distribution des repas) et autorisé la commune de Calais à requérir le concours de la force publique pour procéder à ces expulsions.

Une OQTF c'est une démarche qui sert à renvoyer les personnes vers leur pays et ça sous-entend des démarches spécifiques, ne serait-ce que pour vérifier si la personne est effectivement  originaire du pays vers lequel on la renvoie. Il est dit dans le jugement : « que l’intéressé ne détenait aucun document en provenance de son pays d’origine, ce qui imposait que son éloignement fût précédé de la reconnaissance de sa nationalité par les autorités afghanes et de la délivrance d’un laissez-passer consulaire ; qu’il ne ressort pas des écritures du préfet du Pas-de-Calais qu’une quelconque démarche ait été entreprise en vue de cette délivrance ».

Il est donc établi que l’intention n’était pas de renvoyer la personne concernée dans son pays d’origine mais de l’éloigner de Calais, ou plus précisément de l’endroit expulsé. Il est dit dans le jugement : « Considérant, dans ces conditions, qu’en l’absence d’acte révélant une volonté de procéder effectivement à un éloignement hors du territoire français, et compte tenu tant de sa proximité avec l’ordonnance du 27 juin 2014 […] la décision portant obligation de quitter le territoire litigieuse, ne peut avoir été prise que dans le but de procéder à l’expulsion de M. (...)  du domaine public géré par la ville de Calais, en même temps que les autres occupants sans titre du même domaine ; qu’en prenant, dans le cadre de ses pouvoirs afférents à la police des étrangers, une décision destinée à exécuter une mesure sollicitée par le maire de Calais dans le cadre de ses pouvoirs de police municipale et de conservation du domaine public communal, le préfet du Pas-de-Calais a donc commis un détournement de pouvoir ».

L’OQTF a donc été annulée par le Tribunal Administratif de Melun. Même si cette nouvelle tombe un peu tard, il est rassurant de constater qu’il existe des magistrats intègres et compétents qui savent encore voir clair dans les décisions prises par des élus et/ou hauts fonctionnaires.

Car le Préfet est supposé être exemplaire. Il doit agir de manière impartiale, juste et dans le respect de la loi. Un détournement de pouvoir n’est pas le respect de la loi…  C’est une forme d’abus qui est intolérable. Pourtant, je doute fort que ce détournement porte préjudice à la carrière de Mr Robin.

Parce que quand même, il ne s’agit que de migrants

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.