On nous parle des agressions, on nous parle des chauffeurs routiers, on nous parle des calaisiens qui en ont ras-le-bol. On nous parle de renforcer la sécurité du port. De mettre des murailles, partout. On nous parle des difficultés qu’éprouvent les policiers pour faire leur travail… Leur travail ? C’est quoi leur travail dans ce contexte ? Que sont-ils supposés faire ? Que peuvent-ils vraiment faire ?
Nous sommes fin novembre 2014, en France, on nous parle d’économie, de crise, de réformes… On nous parle d’hommes politiques véreux qui trichent pour gagner plus et s’abstiennent de payer leurs impôts… On nous parle de millions d’euros dépensés de manière ridicule et/ou inutile, de salaires de sénateurs qui sont rois de l’absentéisme, des frais de campagnes et de magouilles de partis politiques dont tout le monde se fout, des frais de fonctionnement de ministères ou de grandes administrations (pourtant aucune ne semble fonctionner correctement)… On nous dit qu’il faut faire des économies, que la France n’a pas les moyens…
15 millions d’euros pour des murailles…
3 millions d’euros par an pour la ville de Calais, pour un centre d’accueil de jour. Accueil de jour… Comme si l'urgence humanitaire n'existait plus après 18h...
On ne nous dit pas que ce sont les plus pauvres qui donnent. Que la solidarité vient toujours des mêmes personnes, que ce sont toujours les mêmes qui vident leurs poches, leurs armoires… Que c’est toujours aux plus pauvres qu’on demande de se serrer la ceinture pendant que le fossé se creuse entre les plus pauvres et les plus riches. Il y a de plus en plus de milliardaires dans le monde ! Pourtant on sait qu’il y a des familles qui chez nous en France vivent sous le seuil de pauvreté…
Il y a comme un malaise. Il y a comme une asphyxie qui s’abat sur le monde, sur la France et sur Calais…
Pendant que madame le Maire perçoit 12 mois de salaire de sénatrice pour un taux d’absentéisme record… On nous parle d’un Palais des Congrès qui sera un gouffre financier mais surtout le temple du ridicule, de l’absurde, de la vanité… Un palais des congrès dans une ville où des enfants vivent dans la boue parce qu’ils ont le mauvais goût d’être nés au mauvais endroit.
On nous parle de calaisiens en danger, à cause de migrants malfaisants… On oublie de préciser que tous les étrangers ne sont pas forcément des réfugiés. On oublie que tous ceux qui « ressemblent » à des exilés ne sont pas forcément des étrangers. On oublie de faire la différence entre un délinquant et un migrant. Parce que c’est pratique…
On oublie de nous dire que depuis quelques mois, des mafias se sont ancrées à Calais. Parce que depuis que le port est plus sécurisé, qu’il est plus dur de « passer », les mafias ont compris que la population migrante est dans un piège, fragile, et tellement détestée qu’il est facile de profiter de la situation…
Pendant que vous lisez ces lignes, il y a des femmes et des enfants en danger. Il y a des réseaux de prostitution qui tentent de s’implanter sur les lieux de vie.
Les femmes qui sont violentées, sur les camps, personne ne parle d’elles. Les enfants qui sont brutalisés, personne ne parlent d’eux.
Personne ne semble s’émouvoir qu’à la veille de 2015, en France, on ferme les yeux sur l’innommable, simplement parce que… Ces enfants, ces femmes, sont d’abord vus comme « des migrants »… Comprenez : comme des parasites.
J’ai même lu sur le mur Facebook de quelqu’un que la solution serait une bonne tempête de neige, qui en ferait « mourir une bonne partie ».
L’abject, c’est quand des êtres humains espèrent la mort d’autres êtres humains, uniquement parce qu’ils pensent leur petit confort menacé.
Et pendant ce temps là, les murailles poussent autour du port de Calais… Parce que dans notre société malade, il vaut mieux dépenser des millions d’euros à élever des murs plutôt que pour venir en aide à des êtres humains.