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Lien 27 mars 2017

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Laurent est innocent.

Su les réseaux sociaux, il est Cuba Gianni. Dans la vie, c'est un homme ordinaire avec un coeur immense, qui ne sait pas fermer les yeux devant la détresse. Il risque 5 ans de prison. Pourtant, il n'est coupable de rien de répréhensible. La cerise sur le gâteau, c'est qu'il a interdiction de parler aux journalistes. Et bien ça tombe bien, je ne suis pas journaliste...

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https://www.change.org/p/pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-stop-au-d%C3%A9lit-de-solidarit%C3%A9-soutenons-cuba-gianni-et-tous-les-calaisiens-fraternels-e30e0631-0281-4ae9-9dfe-e0900853b305?recruiter=36444590&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=autopublish&utm_term=des-lg-share_petition-reason_msg

Laurent a 42 ans. Deux enfants de 13 et 14 ans, il est de Boulogne sur Mer. Il travaille dans le nettoyage industriel, il ne roule pas sur l’or.

A priori, Laurent est un homme comme des millions d’autres.

Sauf que Laurent risque 5 ans de prison pour avoir agi selon son cœur, sa morale, son humanité.

 Laurent, que la police avait tendance à appeler le « Zorro de la Jungle » intervient depuis 15 ans auprès des personnes migrantes. Une couverture, un hébergement, un peu de nourriture. Ce qu’il peut. Comme il peut. Depuis Sangatte…

 Mais il y a un an sa vie a basculé dans l’enfer.

Plusieurs iraniens s’étaient cousus la bouche en signe de protestation contre le traitement que leur réservait le gouvernement français. Laurent est resté à leurs côtés pour les soutenir.

Un jour, une femme, qui comme lui intervenait auprès des exilés, lui demande de l’aide pour stocker un bateau chez lui.  Car c’est décidé, les iraniens veulent partir, ils tenteront leur chance sur ce petit bateau, surtout, ils risqueront leur vie. Mais mieux vaut risquer sa vie que survivre comme un animal maltraité…

 Laurent fait donc de la place chez lui pour stocker ce petit bateau.

Les iraniens se sont fait envoyer de l’argent pour acheter ce bateau, comme le font la plupart des exilés, ils sollicitent leur famille qui envoie de l’argent via Western Union. Laurent n’a donc pas participé à l’acquisition du bateau. Il l’a seulement stocké.

Un soir, la femme qui l’avait contacté l’appelle pour lui annoncer « départ demain matin ». Elle a des raisons de vouloir que ce passage réussisse… Elle est amoureuse de l’un des exilés qui doit partir. Elle est prête à tout pour lui offrir la liberté, se disant qu’elle pourra lui rendre visite aussi souvent que  possible.

Laurent n’est pas enchanté par l’idée que ces hommes risquent leur vie sur ce bateau pneumatique… Mais ce n’est pas lui qui décide, il ne fait que donner son avis. On n’influence pas facilement des hommes qui ont parcouru des milliers de kilomètres et sont allés jusqu’à se coudre la bouche …

Il n’assiste pas au départ.

 Le passage est réussi. La remorque a été abandonnée sur la plage…

Sur les réseaux sociaux, la femme en question est trop heureuse d’annoncer que le passage est réussi… Elle attire donc l’attention des autorités. Le cauchemar commence.

 Elle apparaît dans plusieurs médias pour raconter sa belle et triste histoire d’amour, ses espoirs… Envisage d’écrire un livre.

 Laurent lui, a interdiction de parler aux journalistes, on ne lui a pas expliqué pourquoi. Il ne comprend même pas pourquoi, il a signé le procès verbal sans trop comprendre ce qui se passait, la fatigue, la pression…

 Il continue d’aider les enfants que l’Etat a abandonnés. Il ne peut pas fermer les yeux, oublier sa conscience.

Car récemment, il faisait -9° et des mômes étaient livrés à eux-mêmes. Vous vous souvenez des promesses de la Grande-Bretagne de prendre en charge les enfants pour les rassemblements familiaux… De belles histoires tout ça. Oubliées aujourd’hui.

Des enfants qui ont faim et froid et qui comptent sur des personnes comme Laurent pour survivre. Non, Laurent n’est pas le seul à aider ces gosses qui supplient de pouvoir passer un moment au chaud ou de manger quelque-chose avant de tenter de se glisser sous un 38 tonnes… Des gamins de 13 ans, que les Etats ont abandonnés.

 Mais Laurent est poursuivi pour  « avoir facilité le séjour irrégulier d’étrangers en France »…

 Combien de citoyens français pourraient être poursuivis pour les mêmes raisons ?

Quelle est la solution ? Laisser des êtres humains dont des enfants crever de faim et de froid sur nos trottoirs ?

Il existe pourtant une loi en France contre la non assistance à personne en danger. Mais il semble que la Justice et l’Etat français ne considèrent pas les « migrants » comme des personnes.

Laurent vit aujourd’hui dans le stress, son identité ayant été divulguée contre son souhait il est menacé par des groupuscules d’ultra-droite. Sa vie est donc aussi en danger.

Il n’a plus le droit d’aller à Calais. Il a été étiqueté « no border » et « antifa » alors qu’il n’a aucun rapport avec ces organisations.

 Si les autorités ont du mal à surveiller et empêcher des terroristes d’agir, elles savent parfaitement écraser la vie d’un homme dont le seul reproche qu’on pourrait lui faire est d’avoir stocké un bateau pneumatique qui a permis à des exilés de parvenir à leur but.

 Laurent attend. Il n’a pas peur pour lui s’il doit aller en prison, il s’inquiète seulement pour ses enfants. Des enfants qui disent : « Papa n’a rien fait de mal »…

Une pétition circule, le pseudo de Laurent sur les réseaux sociaux est « Cuba Gianni ». Signez pour lui, signez pour la justice et l’humanité. Signez parce que cet homme est innocent et que nous devrions tous pouvoir porter plainte contre l’Etat pour poursuites abusives et non assistance à personnes en danger.

La France qui a déjà été épinglée plusieurs fois pour sa façon de maltraiter les migrants en général et  les enfants en particulier.

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