Alors que chaque jour, les bénévoles peinent à venir au secours des exilés, on constate une importante augmentation des faits de violences dont les victimes sont les exilés eux-mêmes.
Les violences policières, dénoncées par Human Rights Watch (HRW) dans un rapport détaillé sont tout simplement niées par les autorités, (à commencer par le ministre de l’Intérieur) qui estiment que ce rapport n’est pas crédible, car il n’existe pas de plainte d’exilé et que Human Rights Watch aurait dû faire part de ses observations aux autorités…
On en rirait si le sujet n’était pas aussi grave, aussi sérieux, aussi insupportable.
Donc, il n’y a pas de plainte ? C’est faux, une plainte a été déposée par un exilé érythréen le 16 juillet 2014 à Calais avec l'aide du Secours Catholique. Cette plainte était tombée aux oubliettes, c’est le journal Libération qui l’a mise sur le tapis et ainsi incité le parquet à réagir. Une plainte. Pourquoi pas d’autres ? Parce que c’est quasiment impossible pour un exilé de franchir la porte d’un commissariat pour déposer plainte contre… des policiers. Je crois qu’un enfant de cm1 comprendrait ça, on ne peut donc pas considérer que les autorités ne comprennent pas. C’est de la mauvaise foi, du déni donc une certaine forme d’incompétence de la part de ceux qui sont garants de la sécurité…
HRW aurait dû transmettre son rapport à ces mêmes autorités ? C’est-à-dire à ceux-là mêmes qui ferment les yeux quotidiennement ? Parce que quand même, ces violences sont dénoncées par les militants, les bénévoles et certains médias depuis si longtemps que le bon sens aurait voulu que le ministre de l’Intérieur exige une enquête approfondie sur ces violences, même s’il les considère comme hypothétiques !
Intéressant cependant de voir que plutôt que de se prononcer fermement sur ces violences et faire la lumière sur les faits dénoncés, le ministre préfère supposer que HRW n’a pas agi comme il le fallait [selon lui]… C’est un procédé utilisé quand on est bien embêté, ça s’appelle « noyer le poisson »…
D’autres violences sont cependant à déplorer.
Ceux qui n’ont de cesse de s’indigner du comportement intolérable des migrants, qui les accusent de tous les maux, qui les accusent d’au moins 3 viols par semaine et de pillages de magasins (sans jamais pouvoir démontrer le moindre fait ou au mieux en exagérant très largement un fait divers…), ces gens-là s’autorisent à des agissements pour le moins douteux et répréhensibles.
Plusieurs tirs (avec de fausses balles) ont été observés en direction d’exilés, d’individus circulant dans un van, ce à plusieurs reprises sur plusieurs jours. Il semble qu’un individu ait été arrêté hier, le 28 janvier après avoir blessé un jeune garçon avec ces « fausses balles ».
Quotidiennement, des exilés sont insultés, provoqués, bousculés. Quand ils se rebiffent, ceux qui les ont provoqués prétendent être victimes d’agressions de la part de migrants.
Voilà un commentaire laissé ce jour, 29 janvier sur la page Facebook de Sauvons Calais : « défiler, ou se plaindre, ça ne sert absolument à rien. Si vous voulez vraiment agir, claquez des gros pétards près des squats la nuit, klaxonnez en passant, utilisez une sirène de stade. Si une dizaine de calaisiens s'amusaient à répéter ça chaque nuit, les clandestins dormiraient encore plus mal, et se taperaient vite entre eux, et bien plus souvent que d'habitude.. ». C’est ce qu’on appelle du harcèlement, de la provocation, voilà les méthodes de ces gens qui estiment avoir le droit de se défendre de l’invasion de migrants…
Porter plainte là encore ?
Mais porter plainte pour quoi faire ?
Des exemples de l’inaction de la justice ? En plus du cas de ce jeune érythréen cité plus haut ?
La plainte que j’ai envoyée au procureur de la république de Boulogne sur Mer le 29 juillet 2014 (suite à l’agression dont j’ai été victime de la part de ceux que je qualifie de fachos bêtes et méchants) est restée sans réponse jusqu’au 27 janvier 2015. On m’a enfin appelée pour être auditionnée, sauf que… Ayant déménagé, je ne peux me rendre au commissariat, mon dossier va donc repartir chez le magistrat qui décidera s’il faut que je sois entendue au commissariat de mon domicile, ce qui n’est pas certain. Et la policière que j’ai eu au téléphone m’a indiqué que de toute façon ça ne donnerait rien, puisque mes agresseurs ne sont pas identifiés. Je pourrais parfaitement reconnaître l’un d’eux pourtant. Mais 6 mois après… 6 mois pour que quelqu’un s’intéresse à une tentative d’enlèvement. Il faut savoir qu’en novembre, j’apprenais par une journaliste de l’AFP que le procureur prétendait n’avoir aucune trace de ma plainte. Etonnant, non ?
La plainte déposée contre Sauvons Calais est en cours d’enquête… Depuis septembre 2014. Le dépôt de plainte a été fait avec des pièces justifiant la démarche : captures d’écran, film… Il suffit d’aller sur le site ou sur la page de Sauvons Calais pour y voir des incitations à la haine et à la violence quasiment tous les jours. Pourtant, voilà 4 mois que l’enquête est en cours… C’est long. Alors qu’au lendemain des récents attentats à Paris, des personnes ont comparu pour apologie du terrorisme pour des mots sur les réseaux sociaux, doit-on considérer que l’apologie du nazisme est moins grave ?
Qui oserait dire que porter plainte sert encore à quelque chose ? Si la justice n’est pas prête à faire son boulot de manière claire et objective, à quoi servent les plaintes ?
Alors, un exilé peut-il vraiment espérer quoique ce soit en portant plainte contre ses agresseurs, d’autant plus quand ils sont policiers ?
C’est hélas ce qu’il convient d’appeler un foutage de gueule en bonne et due forme.
Mais soyons clairs : il ne s’agit pas d’accabler l’institution de la police. Ce n’est pas La Police qui est en cause, mais des policiers qui ne respectent ni les droits de l’homme, ni la loi et encore moins la justice…
Je vois d’ici les intolérants de tous bords dire « oui mais les clandos ils respectent pas la loi en premier », mais les exilés, les clandestins ont des raisons de ne pas respecter la loi qui sont de survivre et fuir la barbarie, les policiers eux sont supposés faire respecter la loi, pas laisser s’exprimer leurs instincts les plus bas…
Il ne s’agit pas non plus de dire que tous les Calaisiens qui vivent mal la présence d’exilés sont des gens dangereux ou malveillants. Car en réalité Sauvons Calais ne représente qu’une petite minorité de Calaisiens, en témoignent les échecs successifs de leurs appels à mobilisation. Une minorité de jeunes désœuvrés et quelques personnes adeptes du négationnisme et d’idéologies arriérées.
Mais ces agresseurs, ces personnes malveillantes existent. Ils sont protégés par le déni et le mépris des autorités.
La première violence qui est faite aux exilés, c’est justement de considérer que leur façon d’entrer sur notre territoire fait d’eux des personnes sans aucun droit à la dignité et au respect.
C’est sans doute par là qu’il faudrait commencer pour que cessent les violences physiques et psychologiques.