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Billet de blog 29 août 2014

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Une rentrée mouvementée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est la période des annonces, des  projets, de la reprise du boulot ou des affaires…

Et là, on commence fort !

D’abord avec l’annonce de Madame Bouchart… Etonnant !  Madame Bouchart qui depuis octobre 2013 revendique une politique de répression et refuse tout projet d’accueil  à Calais nous annonce qu’elle veut la création d’un centre d’accueil à Calais ! Qu’en penser ?

Que, comme d’habitude, Mme Bouchart  aime les effets d’annonces, elle aime le Buzz et ça marche, tout le monde en parle. Sauf que… Un accueil de 400 migrants ? Formidable, on fait quoi des 1000 autres ? Elle se l’est d’ailleurs demandé le 23 août dernier lors d’un entretien avec la Voix du Nord : « On les tue ? On les noie ? »… Ce que je trouve formidable dans ces deux questions, c’est surtout le fait d’oser le penser. La maladresse de Mme Bouchart est parfois dévastatrice, car tout le monde ne sait pas faire la part des choses, de tels propos peuvent être très mal interprétés, un responsable politique se doit de mesurer ses paroles. Alors donc, les 1000 autres migrants, que deviennent-ils ? Il semble que personne ne souhaite se poser la question…

Autre annonce de taille, Monsieur Cazeneuve s’oppose à l’ouverture d’un centre d’accueil pour les migrants à Calais… Il paraît même que deux hauts responsables sont en charge de mettre en place des solutions humaines…

Alors ça veut  dire quoi tout ça ?

Mme Bouchart fait cette proposition de centre d’accueil en insistant sur le fait que ce sera à l’Etat de gérer cette structure.  Parce que les calaisiens n’ont pas à supporter le poids de la présence des migrants à Calais. Et puis elle insiste aussi sur le fait qu’elle veut créer cette structure car les calaisiens ont droit à un peu de tranquillité… Donc, dans l’absolu, elle veut ouvrir un centre pour montrer qu’elle prend soin des calaisiens et de leur tranquillité, pas pour aider les migrants. Elle affirme que l’Etat ne fait rien, que ses adversaires aux municipales ne proposaient rien… Elle serait donc la seule à se battre contre tous dans l’intérêt des calaisiens.

J’aimerais rappeler toutefois qu’ en 2007  sous le mandat de Monsieur Hénin,  la municipalité et  les associations étaient tombées d'accord pour un lieu situé vers la zone Marcel Doré, attribué aux migrants et qui aurait rassemblé toute la logistique au service des migrants : douche, repas, vestiaire, accueil,  soins… Tout était prêt, les plans étaient établis, les associations avaient visité le lieu avec l'architecte de la ville et le conseil régional subventionnait l'ensemble. Le lieu  se trouvait en périphérie de la ville, sans voisinage. En 2008, Madame Bouchart prenait la tête de la municipalité  et au premier conseil des migrants, elle annonçait l'abandon du projet.  Et à présent, elle propose quasiment le même projet sauf qu'il  serait confié à l'Etat. Mais elle exclut les associations locales, qui sont pourtant expertes sur le terrain et sont à même de savoir évaluer la cohérence du projet…

Cette annonce arrive tard, car la situation est devenue tellement critique qu’elle ne suffit pas et ne correspond pas aux besoins humains et matériels. Elle a certes le mérite d’exister et de mettre en évidence le besoin de gérer la présence des migrants par un accueil digne.  Mais elle n’est pas réfléchie, pas cohérente. Et surtout, il est difficile de pouvoir faire confiance en celle qui a appelé à dénoncer les squats et donc légitimé une forme de haine qui grandit et se décomplexe… L’avenir nous dira si Mme Bouchart a de sérieux projets ou si cette annonce est un nouveau stratagème électoraliste… Ces derniers mois ont démontré que la volonté de Mme Bouchart n’était pas de venir en aide aux migrants (je rappelle qu’elle n’a pas hésité à demander l’expulsion du camp de Salam qui aurait pu être aménagé de manière à devenir organisé et fonctionnel, elle a également demandé la destruction des effets personnels), comment justifier ce retournement ? La manifestation massive de solidarité de la part des calaisiens fait-elle réfléchir la maire de Calais ? Le fait que Bartabas et des artistes en résidence au Channel participent à la solidarité donne-t-il à Mme Bouchart un sentiment un peu honteux quand à sa propre attitude ?  On est en droit de se poser beaucoup de questions…

Mais quoiqu’il en soit, l’annonce de Mme Bouchart ne répond pas à l’urgence qui est pourtant simple : arrêter les expulsions sans solution de relogement, respecter les besoins fondamentaux des populations migrantes présentes dans le Calaisis qui sont de manger, boire, se laver, s’habiller, se soigner. Faire en sorte que ces populations ne soient plus livrées à la rue, que des enfants ne soient plus traités comme quantité négligeable au motif qu’ils ne sont pas nés au bon endroit.

Le projet de Mme Bouchart  risquerait de reproduire les mêmes effets désastreux que ceux vécus à Sangatte. Un accueil ne doit pas exclure de la vie sociale les migrants qui y vivent car c’est le meilleur moyen de les stigmatiser, sans compter les risques que représentent toutes les formes de ghettos…

Les solutions pour le long terme existent. Elles sont simples : de petites structures à taille humaine, permettant de garder une forme de vie sociale, d’accéder à l’information, aux soins, aux besoins fondamentaux… Ce projet existe sous un intitulé déjà connu : « les maisons de migrants ». Ce projet a été travaillé par les associations, un cahier des charges a été présenté au Directeur Départemental de la Cohésion Sociale (Mr Szarzinsky) et au Préfet du Pas-de-Calais (Mr Robin). Ce cahier des charges avait été validé par ces deux hauts fonctionnaires et attendait la validation par la DIHAL pour pouvoir commencer à se mettre en œuvre.

Et c’est là que j’arrive à l’annonce de Monsieur Cazeneuve… Il balaie d’un revers de la main la proposition de Mme Bouchart et dit que deux hauts fonctionnaires travaillent déjà avec les associations sur un projet humain…

Mais c’est une blague ? Il oublie de préciser que ce travail a cessé depuis le 21 mai 2014, date à laquelle le Préfet a annoncé la destruction des camps et des effets personnels au prétexte d’une épidémie de gale fantôme !  Que le travail effectué par les associations et les No Border en collaboration AVEC l’état par le biais de Mrs Szarzinsky et Robin a été ruiné en une déclaration de Mme Bouchart : quand le projet mis en place pour le relogement des femmes et enfants du squat Hugo s’est vu anéanti car Mme Bouchart a estimé qu’il ne lui convenait pas… Le résultat : le lieu choisi à l’origine et pour lequel un bail avait été signé a été abandonné au profit des locaux dans lesquels travaillait le Secours Catholique et qui est largement insuffisant aux besoins en plus d’être inadapté !
Monsieur Cazeneuve connaît-il son dossier où préfère-t-il faire dans le sensationnel pour contrer une élue d’un parti adverse ? Là aussi, on peut se poser la question !

Et il est là le problème : en réalité, ni l’un ni l’autre n’a la volonté d’agir et de faire en sorte que les migrants retrouvent leur dignité. Ils préfèrent se cantonner à leurs rôles, dénigrer leurs adversaires, faire traîner… Et flatter leurs électeurs potentiels respectifs, au cas où…

Sans oublier que prochainement, ce sera le tour du Squat Galoo et du camp de Tioxide d’être expulsés, une fois encore sans solution.  L’urgence, pourtant,  n’est pas l’expulsion et la seule chose qui avance réellement ce sont les moyens mis en œuvre pour lutter contre les mafias de passeurs… Mr Cazeneuve avec son homologue italien veut mener un vrai combat contre ces mafias. Il ignore une chose simple : il y a des mafias parce qu’il y a des migrants livrés à eux-mêmes, et que c’est facile de profiter de la faiblesse d’être humains désespérés. L’urgence, même pour lutter contre les mafias, c’est de ne pas laisser les migrants à la rue sans aucun moyen de survivre. De ne pas laisser les associations gérer seules les tensions qui peuvent naître des conditions de vie insupportables  dans lesquelles sont enfermées des centaines d’êtres humains.

Mais parler de mafia, de profits, de troubles de la tranquillité des calaisiens, d’argent du bon contribuable gaspillé, de violences entre migrants du fait de leur cohabitation difficile, c’est stigmatiser encore et donner des raisons de ne rien faire, car vous comprenez, les héberger c’est en faire venir d’autres… Combien de fois encore faudra-t-il expliquer à nos responsables politiques que les migrants n’ont pas quitté leurs pays pour avoir le bonheur de profiter de sanitaires collectifs et de la soupe populaire ? Faut-il être sourd, aveugle ou idiot pour continuer de tergiverser toujours sur ce même discours ridicule ?

Des annonces de rentrée donc, de quoi faire parler, de quoi faire penser qu’on travaille sur le sujet… Nous verrons qui travaille et comment, je crois que le bilan ne sera pas fameux au rythme où vont les choses… Quand à menacer les anglais de laisser passer les migrants pour les forcer à prendre leurs responsabilités... Je pense que les choses doivent se résoudre par la concertation et les échanges plutôt que par la menace et la force. Mais que voulez-vous, je suis incorrigible… Ceci dit, dire dans la presse qu’il faut menacer, c’est une chose, ce qui m’impressionnerait c’est que demain, Calais et la France cessent de retenir les migrants, et que l’Angleterre soit effectivement contrainte de réagir. Et là, enfin, il serait possible de renégocier les accords du Touquet et de revoir les accords Dublin III.

Le pire de la rentrée, ce n’est  d’ailleurs pas les annonces de nos politiques…

Le pire de la rentrée, c’est le 7 septembre à Calais.

En minimisant la portée de son appel à délation, Mme Bouchart a laissé s’installer à Calais un sentiment de peur, d’insécurité en légitimant des rumeurs véhiculées par Sauvons Calais. Donc Sauvons Calais se sent légitime dans son combat contre une pseudo immigration violente qui serait la cause de tous les maux de Calais. Sauvons Calais appelle à manifester. Mais s’il y a des calaisiens exaspérés par le fait d’être confrontés aux conséquences de la présence de plus de 1000 migrants dans leur ville, un nombre important de personnes sont appelées à venir se joindre à la manifestation, de partout en France. Des personnes connues pour leur appartenance à des mouvements identitaires parfois (souvent) violents… Forcément, d’autres personnes viendront de partout pour s’opposer à ces idées extrémistes nauséabondes. Et forcément, il y aura des affrontements… Sauver Calais ? Je doute que ce soit le moyen le plus judicieux pour y arriver. Mais il appartient aux autorités d’évaluer les risques et la portée de cette manifestation… Une manifestation préparée avec soin depuis plusieurs mois qui rassemblera, n’en doutons pas, beaucoup de monde.

La rentrée va-t-elle donner le ton de l’année à venir ?

Si c’est le cas, ce sera une année bien sombre. Pour TOUS.

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