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Billet de blog 13 décembre 2011

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Haro sur les fraudeurs !

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Le déplacement en Gironde, le 15 novembre 2011, consacré à la protection sociale, a été l’occasion pour le Président de la République d’esquisser ce qui sera l’un des thèmes phares de sa campagne présidentielle : la lutte contre la fraude sociale. De prime abord, rien de plus louable. Qui pourrait accepter la fraude ? Mais à y regarder de plus près, on peut légitimement s’interroger, sur ce qui se cache derrière un énième discours à la tonalité martiale. Quels seraient les véritables desseins de cette nouvelle marotte de la droite ? Les dernières mesures envisagées, un temps, par le gouvernement pour endiguer la fraude sociale, les prises de position de Laurent Wauquiez, du collectif « Droite Populaire » sur la nécessité de réformer la protection sociale, apportent un éclairage intéressant à cette question
En quelques semaines, sans concertation avec les organisations syndicales, le gouvernement a présenté tout un panel de mesures sensées juguler la fraude sociale. L’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires en arrêt maladie, le rajout d’un jour supplémentaire de carence pour les salariés du secteur privé, la modification du mode de calcul des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, faisaient partie du dispositif anti-fraude. Ces mesures devaient dissuader les pratiques frauduleuses au préjudice de l’assurance maladie.
Le gain escompté pour les caisses de la sécurité sociale a été estimé aux alentours de 220 millions d’euros par an.
Ce qui représente une goutte d’eau dans l’océan des dépenses sociales, évaluées à 400 milliards d’euros par an! Enfin, si l’on rapporte ce montant à la fraude sociale imputée aux assurés sociaux, qui est estimée à 2 milliards d’euros chaque année, on voit bien que l’on est loin du compte avec de telles de mesures.
Alors pourquoi un tel empressement ? La réponse est avant tout idéologique. Elle est à chercher dans le positionnement très à droite adopté par la majorité en vue des prochaines échéances électorales. Le discours officiel sur la lutte contre la fraude sociale, cache un double objectif, moins avouable celui-ci. Le gouvernement sans le dire, a décidé, de faire supporter par les français les plus modestes la facture de la crise économique. Ce qui permet de ne pas remettre en cause la politique fiscale menée depuis 2007 en faveur des classes socio professionnelles les plus aisées, qui en partie explique l’accroissement des déficits publics.
Enfin, il s’agit de stigmatiser une partie de la population en désignant un bouc émissaire : hier l’inactif profitant de la générosité du système social français aujourd’hui le fraudeur le menant à sa ruine ! La manœuvre n’a qu’un seul but : récupérer les voix des électeurs des classes moyennes inférieures durement touchées par la récession économique. C’est à cette franche de l’électorat que Nicolas Sarkozy doit son élection à la présidence de la République. Le salut en 2012 passera par la reconquête des suffrages des classes moyennes. Pour le Président, il est bénéfique de se positionner en protecteur « des petits gens », de ces français moyens, face à une crise qui n’en finit pas.
Le discours est simpliste comme souvent avec Nicolas Sarkozy. On oppose les français les uns aux autres. Ce qui compte c’est de présenter comme un fait établi ce qui relève de phénomènes marginaux. La majorité, à l’unisson du gouvernement martèle en boucle que la maîtrise de la dépense sociale, nécessite de mener un combat sans merci contre tous ceux qui volent l’argent des français. On reconnaît, ici, la sémantique guerrière si chère à une majorité parlementaire soucieuse de ne pas laisser le champ libre pas à Marine Le Pen.
Mais qui sont ces fraudeurs qui ont mobilisé l’ardeur du gouvernement ces dernières semaines ?
Qui se cache derrière les fraudeurs?
Dans son discours, Nicolas Sarkozy, a fustigé « ceux qui volent l’argent des français » pour justifier sa croisade anti-fraude. La manœuvre est évidente. Les responsables sont facilement indentifiables. Il s’agit de jeter l’opprobre sur la cohorte d’inactifs, éternels assistés du système de protection sociale à la française. Mais plus encore, de manière subliminale, le propos le laissait suggérer, le Président de la République visait les immigrés. Sans être accusés de céder à l’analyse exégétique des propos présidentiels, penser le contraire serait faire preuve de mauvaise foi. La perception de l’immigré profiteur a la dent dure dans une partie de l’électorat UMP. L’exemple communément et complaisamment diffusé dans l’opinion publique, est celui de l’immigré polygame, qui use et abuse des allocations familiales. On se souvient de « l’affaire Lies Hebbadj», ressortissant algérien, présenté comme fraudeur aux allocations familiales par Brice Hortefeux.
Claude Guéant n’est pas en reste dans la chasse aux fraudeurs étrangers. Le ministre de l’intérieur, propose le croisement des fichiers administratifs pour rendre plus efficace la lutte contre la fraude des étrangers. De la part du ministre de l’intérieur plus rien ne nous étonne même le pire…
Les parlementaires du collectif « Droite populaire » ambitionnent de faire revenir au bercail les électeurs de la majorité présidentielle séduits par le discours de Marine Le Pen. Ils haussent donc le ton sur ce qu’ils considèrent comme une menace pour la pérennité de protection la sécurité sociale. Ces élus ont demandé au gouvernement, que l’administration accentue ses contrôles sur les étrangers percevant leur retraite sur le territoire français. Par ailleurs, ils souhaitent que le minimum vieillesse versé aux retraités étrangers, ne concerne que les retraités ayant cotisés ou ayant combattus pour la France. Le doute n’est plus permis : que se l'on dise la chasse aux fraudeurs sera aussi la chasse « aux turpitudes » supposées du travailleur immigré ! D’ailleurs, Marine Le Pen ne dit pas autre chose quand elle proclame que la courbe de la fraude suit celle de l’immigration.
La fraude sociale permet à la droite de créer un clivage avec la gauche, qui elle, bien évidemment par idéologie serait laxiste face à la fraude sociale.
Mais ne nous méprenons pas, il s’agit d’une opération d’enfumage orchestrée depuis l’Elysée par le très droitier conseiller de Nicolas Sarkozy, M. Patrick Buisson.
Lutter contre la fraude sociale revient à lutter contre les pauvres…
Le chef de l’Etat ne veut pas se laisser dépasser sur sa droite par le discours de Marine Le Pen. On joue sur l’émotion, le symbole comme outil de communication. La volonté de la droite n’est pas de lutter contre la fraude sociale mais d’instrumentaliser ce thème dans une période pré électorale. Mener de front la lutte contre la fraude sociale obligerait le gouvernement à dénoncer sa clientèle électorale.
Si l’on regarde de plus près les chiffres, il en ressort que la fraude sociale s’explique, avant tout, par le fait qu’une partie significative des cotisations salariales et patronales échappe au budget de la sécurité sociale. La faute à qui ? Essentiellement aux entreprises qui embauchent sans déclarer leurs salariés. Ajouter à cela ces employeurs qui ne déclarent pas toutes les heures effectuées par leurs salariés. Montant du préjudice : 20 milliards d’euros !
Il serait plus judicieux de la part du gouvernement de durcir sa position à l’égard de ces patrons fraudeurs.
Mais comme pour la fraude fiscale qui, elle, représente au bas mot 40 milliards d’euros, la majorité ne prendra pas le risque de se mettre à dos son fonds de commerce électoral.
Pourquoi s’embarrasser ? Il est tellement plus simple de taper sur les pauvres ! Car les pauvres ne votent pas ou si peu. C’est un vieux réflexe de la droite conservatrice que de culpabiliser les pauvres. C’est bien connu les chômeurs préfèrent se prélasser à la maison et profiter de la générosité des actifs que reprendre une activité salariée. Depuis les années 80, le discours est bien rôdé. Souvenons-nous que déjà Ronald Reagan dénonçait, ce qu’il appelait la « welfare queen ». Cette femme qui symbolisait toutes les tares d’un système social trop généreux. Cette « welfare queen » fraudeuse patentée, menait le système de protection sociale américain à la faillite. Bien sûr tout cela s’est avéré faux…
Plus près de nous, c’est Laurent Wauquiez qui a enfilé le costume du néo conservateur de service, en déclarant vouloir en finir avec « le cancer de l’assistanat ». Ce protecteur, auto proclamé des classes moyennes, a pensé judicieux que les logements sociaux soient prioritairement réservés aux salariés, et d’imposer aux bénéficiaires du RSA sept heures hebdomadaires de travail.
S’il ne s’agissait pas d’un sujet sérieux, la proposition prêterait à sourire.
Après dix ans au pouvoir et plus de 4 millions de chômeurs, la droite ose encore décrier une protection sociale qui favoriserait l’assistanat.
Cette majorité oublie qu’elle est comptable de la situation économique et donc sociale du pays. Si tant de français subsistent qu’à l’aide de minimas sociaux, c’est à cause d’un marché du travail qui s’avère incapable d’intégrer durablement le plus grand nombre.
La droite ne pourra pas échapper à sa responsabilité. Ne la laissons pas s’attaquer à l’un des piliers de nôtre cohésion sociale hérité du programme du Conseil national de la Resistance! La fraude tout comme la nécessité de maîtriser les dépenses sociales est un prétexte fallacieux pour justifier une mutation de nôtre protection sociale. L’idée est simple : en finir avec un système de mutualisation du risque social. L’abandon des mesures du dispositif anti-fraude par le gouvernement n’est qu’un répit. L’approche des élections oblige la droite à plus de prudence face à un sujet aussi sensible. Oui la fraude sociale sera sans aucun doute l’un des sujets de la prochaine campagne électorale mais avant tout parce que le débat tel qu’il a été engagé augure du projet de société que la droite souhaite imposer aux français…
Dia-Moukori Harry

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