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Billet de blog 3 décembre 2012

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La déesse des causes perdues?

 Elle a le charme d’un ange, l’oeil pétillant, des gestes d’une adolescente et un sourire à dissiper la brume de pessimisme et rendre l’atmosphère plus léger.

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 Elle a le charme d’un ange, l’oeil pétillant, des gestes d’une adolescente et un sourire à dissiper la brume de pessimisme et rendre l’atmosphère plus léger.

Je l’ai rencontrée par hasard au détour, non pas d’un regard, mais d’une étagère à Milan où je venais de prendre la chambre d’une Américaine, dans un appartement en colocation avec un Napolitain.  Voilà donc un week-end où j’avais envie de me plonger dans la lecture et « God of small things » était là. Le dieu de petites choses… « Le dieu de petits riens » m’attira donc l’oeil. Le sourire d’Arundhati Roy sur le dos du livre, m’a fait lire la première page.

 Le contenu n’était pas aussi léger que le sourire du l’auteur: une mère, Ammu, divorcée et ses deux enfants Rahel et Estha qui ne se séparent jamais depuis qu’ils ont partagé le ventre maternel en faux jumeaux. La mère est la honte de la famille. On sent le poids des traditions et l’héritage de la colonisation. Le lecteur est plongé dans le drame dès la première page. Et la tragédie de l’intouchable, le dieu des petits riens écrasé dans toute sa splendeur.

Dans les mailles de l’histoire, tissées magnifiquement par l’auteur, tous nos sens sont en alerte. La scène qui m’avais le plus bouleversé est où après le drame le jeune Rahel, seul dans le train, séparé d'Estha et de sa mère, est en partance vers une destination qu’il n’a pas choisie ni voulue. Il va retrouver son père.  Cela m’avait bouleversé car l’histoire me plongeait dans mon passé oublié. Je me revoyais seul dans l’aéroport en partance pour la destination inconnue; j’allais vers un autre monde. J’étais dans l’instant sans le passé ni l’avenir ; le non dit, le non avenu, le non vierge. Seul. Tout était inconnu. J’allais naître dans un autre monde. Le jour précèdent, en guise de au revoir, je m’étais endormi avec la main de ma mère que je n’avais pas quittée toute la nuit…les Déchirures de la vie.

Bref, j’ai donc rencontré Arundhati Roy à travers « Le dieu des petits riens » il y a huit ans. Au-delà de l’intrigue, je me rappelle des sensations plus que les mots. Des maux que le roman  m’infligea à travers les mots, les sensations, les couleurs, les bruits et odeurs sublimèrent l'expérience. C’etait une expérience sensorielle.

Roy je l’ai revue il y a quelques jours, cette fois-ci en image vidéo, défendre des causes autrement plus nobles que de promouvoir un roman. Elle parle de la faillite de la démocratie. Des élites de tous les pays du monde qui s’extirpent des règles communes. Ils jouissent de toutes les libertés sans visa ni passeport ni pays. Ils se sont créer un pays au delà des pays ; le monde leur appartient. 

Roy nous sort de nos doux rêves de la démocratie et nous alarme sur les dangers de la vie après la démocratie. Elle pose les questions suivantes:

Qu’avons nous fait de la démocratie? En quoi l’avons nous transformée? Que se passera-il lorsque la démocratie sera usée et abusée, évidée et vide de sens? Que se passera-il lorsque chacun des institutions aura « métastasée » en quelque chose de dangereux?

Que se passe-t-il maintenant que la démocratie en fusionnant avec le marché libre est devenue un organisme prédateur avec la vision étriquée, restreinte uniquement à l’idée de  maximiser le profit ? Est-ce possible d’inverser cette processus ?

Sur une note plus optimiste, elle crois qu' « un autre monde est non seulement possible mais ‘‘elle’’ est en marche ». Par une journée calme elle croit l'entendre respirer1.

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1-"Another world is not only possible, she's on the way and, on a quiet day, if you listen very carefully you can hear her breathe."From a speech entitled Confronting Empire given at the World Social Forum in Porto Allegre, 28 January 2003

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