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Billet de blog 14 déc. 2011

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ETERNELLEMENT ESCLAVE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sentir la joie, rire et se projeter dans l’avenir n’est pas permis lorsqu’on est né autre part. Né quelque part, sur les terres brûlées lointaines. On est moins que rien, des citoyens de seconde classe, au mieux, et esclaves, des temps modernes, au pire. Rêver de se libérer, pour un esclave, est une provocation qui sera puni sévèrement.

Arrivé en France à l’âge de quatorze ans et pris en charge par la DASS (la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales), après qu’on ait brûlé ma terre natale à coup de Dollars, de Francs, Deutsch Mark et autres devises, en dressant les uns contre les autres dans une guerre froide, pour les, prétendument, défenseurs des droits de l’homme, mais infernal pour nous.

Je touche le sol Français, le début de la liberté rêvée, mais le prix à payer, pour se faire accepter des autochtones, n’était appréciable qu’au bout de quelques années, de déracinements, de rejet et d’amputation identitaire.

La douloureuse amputation été anesthésiée par l’espoir que représentait l’école et le nouveau départ en terre des droits de l’homme. Je me suis, alors, plongé à bras le corps et âme, dans la course à la réussite offerte par l’école; une chance inouïe comparée à ceux restés, derrière, dans l’enfer. Les années passaient et j’avançais vers mon but de regagner ma liberté et redevenir respectable en intégrant une communauté de valeurs, de droits et de devoirs où ma réussite à l’école légitimerait ma demande de liberté.

Au début de ma thèse, dans une université de renom en Allemagne, je me suis, enfin, senti digne de demander la naturalisation. Mais, l’impardonnable péché avait été commis; l’esclave endormi tout en rêvant et se croyant déjà libre. Je ne pouvais plus prétendre à la naturalisation car hors de France, bien qu’en collaboration avec mon université d’origine et une adresse permanente en France.

Par la suite, le hasard de la vie m’a mis en face des offres et des choix hors de la France. L’Oxford que mon orgueil de citoyen de seconde classe ne pouvait pas refuser. Mais esclave un jour, esclave toujours ; après cinq ans, patatras, le nouveau rebondissement, pressenti par la fragilité de ma situation légale, mon visa en Angleterre ne fut pas renouvelé. Je ne pouvais plus renouveler mes financements de recherche. Me revoilà tombé de haut et de retour en France.

Depuis six mois, je n’ai ni couverture médicale ni droits aux indemnités de chômage ni de travail à l’horizon. J’ai péché par l’orgueil de mes diplômes et réussites, que je croyais solide.

Le rêve devient un cauchemar. Si ca continue je me retrouverais, bientôt, dans la rue. Mais mon orgueil ne l’acceptera pas et ne supportera pas le poids du boulet.

Esclave un jour, fut l'esclave pour toujours.

‘‘Bagnard, je suis, chaîne et boulet

Tout ça pour rien,

Ils m'ont serré dans l'île de Ré

C'est pour mon bien

On y voit passer les nuages

Qui vont crevant

Moi je vois se faner la fleur de l'âge

Merde à Vauban’’1

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1-Merde à Vauban, Léo Ferré

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