À l'heure des revendications politiques, je suis plus que jamais convaincue que soutenir les parents dans un accompagnement conscient et respectueux est un acte militant fort pour défendre et faire valoir les droits des enfants et des adolescents, et permettre un changement profond de la société vers plus de justesse, de solidarité, de paix, de dignité, d’Amour.
Pour cela, il y a un infinitude de voies, ou stratégies … je vais vous raconter un peu mon propre cheminement, j’espère qu’il sèmera quelques graines qui, si cela est pertinent pour vous, germeront le moment venu, tout comme certaines lectures-rencontres sur ma route m’ont permise d’être qui je suis en train de devenir, jour après jour, pas après pas.
En 2016, cela fait quelques mois que je me forme comme consultante auprès de Catherine Dumonteil Kremer. C’est une année décisive dans ma vie pour tellement de raisons, j’en évoquerai seulement 2 aujourd’hui : nous déscolarisons officiellement ma fille, avec son accord, et je découvre le Focusing, outil thérapeutique tellement puissant qu’il en paraît magique.
Je plonge donc enfin dans le vrai bain concret de l’unschooling, après des années de théorie lue et commentée avec d’autres mères (les pères restent encore très rares à cette époque sur le sujet), enfin surtout de vrai "deschooling", lâcher-prise et confiance inconditionnelle en mes enfants, versus toutes mes peurs, croyances limitantes à détricoter tout doucement. En parallèle, je suis soutenue par les futur-e-s consultant-e-s de ma promo, et lors d’un week-end de formation, nous faisons un nouvel exercice de ressenti corporel appelé Focusing, créé au siècle dernier par le philosophe experientiel Eugène Gendlin, disciple du thérapeute humaniste Carl Rogers.
Là je découvre quelque chose de tellement fort qu’il changera ma vie : je suis la détentrice malgré moi d’un secret de famille, je le porte en moi, et je ne veux plus fermer les yeux dessus. C’est mon corps qui garde cette mémoire organique et profonde, mon corps qui parle et moi qui prend enfin le temps et le courage de l’écouter, accompagnée avec douceur, empathie et — mes camarades.
Pourquoi ce flash-back de tant années en arrière ? Parce qu’aujourd’hui, plus que jamais, je sens que les adultes sont prêts à ouvrir les yeux sur les violences perpétrées sur les enfants dans les familles depuis des millénaires, et je sens que se lancer dans une parentalité sans école, ou s’en inspirer, selon ses envies, capacités, besoins, propres à chacun, peut-être une piste royale pour propager autour de nous, par l’exemple, des ondes de bienveillance, de tolérance, de —, vibrations nécessaires à ce nouveau siècle dont le challenge sera de ne plus nous couper de notre sagesse ancestrale, de notre instinct et de notre intuition profonde, et permettre aux adultes de demain de rester connectés à leur essence, aimer, apprendre, se relier.
Le lien entre tous ces sujets ? L’auto-determination ET le vivre-ensemble. L’individuel épanoui ET la vie harmonieuse en collectivité. Rester en équilibre sur ce fil ténu, subtil. L’unschooling est une belle opportunité pour se découvrir soi-même, avoir confiance en ses passions, ses capacités, ses apprentissages non dirigés voire autonomes, en tout cas libres de pression extérieure, de l’adulte, du regard de l’autre. Le focusing est un outil merveilleux pour confirmer cette impression, cette guidance, savoir ce que nous dit notre corps, si nous sommes sur notre voie, notre voix, intérieure, unique, personnelle. Travailler sur nos envies, notre consentement, sur les messages corporels si longtemps oubliés, surtout pour nous, les femmes, annulées et niées dans nos désirs et nos refus, tout comme les enfants le sont encore trop souvent, comme l’explique bien Christine Schull avec les douces violences, pour ne citer qu’un exemple, ou les violences sexuelles faites aux mineures, comme le montre le combat de Muriel Salmona avec son association sur la mémoire traumatique.
Offrir cela en conscience, en présence, nous amène logiquement à travailler dans le respect de l’individu accompagné, sans violence éducative illégale, ordinaire, comme frapper, crier, punir, sans violence subtile, comme manipuler, récompenser, vouloir éduquer l’autre (le guider hors de).
Travailler et vivre ces sujets dans ma chair (la déscolarisation, la mise en lumière des violences subies dans ma propre famille, mon engagement professionnel envers la non-violence éducative), m’a donc amené à approfondir le sujet du ressenti corporel et ses messages de l’inconscient vers le conscient, sur cette fine ligne de crête où la magie opère. Oser dire non à quelqu’un que l’on aime, pour oser se dire oui à soi-même.
Je suis désormais en formation de Focusing en Espagne avec d’autres coachs, thérapeutes, étudiants en psychologie. Lors d’un exercice, un des compagnon était persuadé, avec toute sa bonne intention (dont l’enfer est pavé), qu’il devait rester à m’accompagner sur un endroit de mon corps, alors que la sensation était partie. Il y a 6 ans, moins consciente, moins confiante, je l’aurai peut-être laissé me guider, je serais restée sur mes mains, alors que mon ressenti corporel m’appelait désormais aux épaules.
La comparaison avec l’unschooling pour moi est flagrante : je pourrais, de par mon conditionnement (mes études, mon éducation, la société, etc.) rester dans ce fantasme que le parent sait mieux que l’enfant, et manipuler mon fils pour qu’il participe aux cours d’arts martiaux dont je pense, comme beaucoup de mamans épuisées par moments, avoir besoin, pour qu’il puisse se dépenser et canaliser son énergie débordante du haut de ses presque 6 ans, en temps de covid et d’IEF en danger. Lui faire du chantage affectif, lui promettre monts et merveilles, le, -et me- convaincre que c’est pour son bien. Alors qu’il s’agit de mon besoin, qu’il aille se dépenser ailleurs, avec d’autres personnes. Et comme tout besoin (de repos, de tranquillité, d’intimité), il est légitime. Ce qui l’est beaucoup moins, est de le faire porter à autrui, en lui faisant croire qu’il s’agit de son besoin à lui (se dépenser), et surtout, qu’il n’existe qu’une stratégie possible à mettre en place, celle que moi, l’adulte, vais décider à sa place, par âgisme automatique et inconscient, intériorisé depuis des siècles de patriarcat adultiste soutenu par le pouvoir officiel en place.
Il s’avère que j’ai mis en place d’autres alternatives pour nourrir mes propres besoins, sans être intrusive ni contrôlante avec mon fils, et, tout vient à point, il vient de nous exprimer son envie de tester le fameux Win-tsun qui nous enthousiasme tant, mon conjoint, ma fille et moi, que nous avons commencé de pratiquer depuis quelques mois. Qui vivra verra :)
Revenons à nos moutons… pourquoi me suis-je lancée dans un collectif de soutien à l’IEF ? Non pas seulement parce que je suis heureuse et intimement SÛRE que vivre sans école, (telle qu’elle existe aujourd’hui en France et en Espagne), est un merveilleux cadeau pour de nombreuses familles, mais surtout parce qu’il s’agit d’une possibilité, d’un choix essentiel pour l’enfant, et ses parents, de choisir en conscience, de tester, quelles sont les modalités d’apprentissages et d’accompagnement qui seront le plus bénéfique au principal intéressé : l’enfant ou l’adolescent, l’apprenant. C’est une attitude de vie tellement proche des valeurs essentielles au développement sécure de son cerveau, de son corps, de tout son être et de son esprit. Il permet la liberté ET la sécurité, il permet ce à quoi tout être humain devrait pouvoir avoir accès : la permission de grandir à son rythme, à son échelle, à la mesure de ses rêves.
Alors bien évidemment, cette liberté ne nous soustrait pas aux autres inégalités et discriminations et dominations en tout genre : classisme, racisme, sexisme, et autres conditionnements intériorisés et légalisés sournoisement selon les différents valses de gouvernements et personnes au pouvoir du haut de leur privilèges, tellement éloignés de leur enfant intérieur et de cette joie, de cette motivation intrinsèque qu’ils ont tous eu un jour, bébé, bambin, et que leur corps a engrammé et encodé, et finalement oublié, au milieu des autres mémoires traumatiques de violences physiques, psychologiques, verbales, plus ou moins subtiles, plus ou moins pernicieuses, plus ou moins légales et tellement justifiées.
Je fais le pari que chaque famille qui ose s’informer sur, s’inspirer de l’unschooling, en scolarisant OU PAS les enfants, chaque parent qui ose travailler sur lui, non pas uniquement verbalement, mentalement, rationnellement, mais émotionnellement, sensitivement, corporellement, depuis sa vulnérabilité, depuis son authenticité et son lien avec ses souffrances enfouies, tapies, mais toujours là, qui n’attendent qu’à être accueillies et écoutées, pour pouvoir enfin disparaître, ou être transcendées, chaque famille est un battement d’ailes de papillon, et peut changer le monde sur les violences perpétrées aux personnes les plus vulnérables et invisibilisées sur toute la planète : les mineurs.