Contexte
Les accusations d’antisémitisme sont portées contre les dirigeants de la France Insoumise sur des plateaux de chaînes de droite en France (appartenant à Bolloré et P Drahi). Elles sont reprises par des opposants politiques et les chaînes d’information générale quelques semaines avant les élections législatives provoquées par E. Macron alors que le RN a remporté des pourcentages de votes jamais atteints auparavant. Les accusations se gardent bien de donner des exemples et encore moins une argumentation sur le caractère antisémite. Le ministre de L’intérieur Darmanin répète l’accusation diffamatoire et va même jusqu’à dire que c’est au parti de démontrer le contraire.
Définition des termes
Le racisme est une idéologie qui, partant du postulat1 de l'existence de races au sein de l'espèce humaine, considère que certaines catégories de personnes sont intrinsèquement supérieures à d'autres.
Une personne sémite désigne selon le Robert « une personne appartenant à un groupe ethnique originaire d'Asie occidentale (de langues apparentées , voire sémitique). abusivement Juif. »
Le Larousse écrit « Qui appartient à un ensemble de peuples du Proche-Orient, parlant ou ayant parlé dans l'Antiquité des langues sémitiques. »« Antisémite » : Désigne une personne ayant des propos ou des actes antisémites. « l'antisémitisme est un délit, et renvoie à la haine des Juifs. »1
« L'antisémitisme, c'est le racisme contre les juifs. »2
« Sionisme »
Le Larousse stipule « Mouvement dont l'objet fut la constitution, en Palestine, d'un État juif ». Historiquement, le XIXè siècle voit apparaître l’émergence de nationalismes avec pour objectif la constitution d’Etat-nations comportant l’unité d’un peuple, dans un territoire, parlant une langue et pratiquant une religion. Des persécutions des juifs européens, des mouvements nationalistes, de la domination du monde par les puissances coloniales anglaise et française et un certain messianisme nationaliste s’organise un mouvement politique permettant le «départ» des juifs européens (certains dénoncent « l’antifrance ») tout en présentant une solution attrayante pour certains d’entre eux : le « retour » en terre sainte dans un Etat qui leur serait propre. L’organisation de congrès sionistes voit l’émergence de l’Organisation Sioniste qui souhaite donner corps à cette idée tandis qu’en parallèle de nombreux juifs fuient encore la persécution. Les habitants de la Palestine mandataire voient d’un mauvais œil l’arrivée en nombre conséquent des immigrés et l’Angleterre mandataire essaie de limiter l’immigration et promet une solution à 2 Etats, dont la Palestine qui devrait comporter 30 % d’habitants juifs au maximum. Des déplacements de population étaient à prévoir des 2 côtés des lignes discontinues de partage. Israël est fondé conformément au projet sioniste en 1948 mais ses frontières dépassent celles fixées par l’Angleterre qui abandonne la zone en proie à des violences devenues ingérables (organisations terroristes/paramilitaires Irgoun, Stern).
On peut établir que le sionisme moderne considère l’État d’Israël et les territoires qu’il occupe militairement (illégalement au regard du droit international) comme acquis, et qu’il cherche aujourd’hui à étendre ses frontières au détriment des Etats arabes voisins et de la Palestine qu’il refuse de considérer comme Etat.Antisionisme : Selon l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, «L 'antisionisme est une opinion qui s'oppose à l'existence de l'État d'Israël, ce qui revient à nier le droit du peuple juif à un État3 ».
Porosité, imprécision des termes
EN ce qui concerne la dénomination « sémite », la référence à la judaïté n’est mentionnée que par un des 2 dictionnaires de référence de la langue française, et pour préciser que le synonyme « juif » est un abus de langage car ce que définit en français le qualificatif « sémite » est avant tout un groupe linguistique et une unicité géographique aux contours très flous (proche orient ou asie occidentale). La très courte page wikipedia éclaire sur l’étymologie religieuse « Dans la Bible hébraïque, les différents peuples connus par les rédacteurs ont été répartis selon les descendants de Noé » dont un des fils s’apelle Sem et les 26 descendants de Sem correspondant à 26 peuples. Les approches « scientifiques » racialistes du XIXè siècle ayant été discréditées par les ethnologues et les récupérations politiques racistes européennes du XIX et Xxè siècle, il n’est en 2024 (avant les élections législatives anticipées en tout cas) plus acceptable aujourd’hui de parler de « race sémite » ou de « race juive » ni par les scientifiques modernes, ni par les politiques de quelque bord que ce soit. La zone géographique référencée dans les textes religieux diffère légèrement cependant de la zone géographique définie par les chercheurs en linguistique mais aucune des 2 définitions n’englobe uniquement les juifs.
Il est à noter que le mot « antisémitisme » dans son usage courant est utilisé uniquement pour dénoncer des agissements contre des personnes de confession juive alors qu’il est impropre de parler de personnes juives comme étant des « sémites » sans supposer que tous les juifs appartiennent à une race ou ethnie commune. C’est peut-être pour cette raison que la France distingue juridiquement le racisme de l’antisémitisme.
Historiquement, la majorité des juifs étaient plutôt contre l’établissement d’un Etat juif mais maintenant qu’il existe, ses dirigeants dénoncent l’antisionisme comme la volonté d’exterminer ou de d’évacuer tous les juifs d’Israël, alors que l’immigration massive4 (relevant de crimes de guerre) de personnes se disant juives vers les colonies continue encore5 dans un climat de grande tension et provoque de nombreux morts palestiniens et quelques morts Israéliens. Dans le discours d’officiels israéliens, la question « remettez-vous en cause le droit d’Israël a exister ? » est récurrent. Par là, les dirigeants assimilent toute critique de leur expansionnisme meurtrier6 à de l’antisionisme. Et ensuite, l’antisionisme à de l’antisémitisme.7 Cette dérive sémantique est particulièrement dangereuse car elle laisse entendre que tous les juifs seraient en faveur d’un nettoyage ethnique plus ou moins rapide d’une région dont ils se revendiqueraient les seuls habitants légitimes sur la seule base de leur croyance juive au mépris de toute autre considération légale, morale et éthique. Cette conclusion rentre directement en contradiction avec les principes d’universalité des droits humains et de laïcité si chers à la France, et elle est de nature à créer davantage d’antisémitisme au sens de haine envers les juifs.
Pourtant, les critiques envers Israël sont nombreuses : qu’elles soient pour dénoncer l’état d’apartheid8 au sein de ses frontières officielles ou ses atteintes graves aux droits de l’homme et à la vie des Palestiniens dans les territoires qu’il occupe, l’expansionnisme colonial et militaire, le racisme anti-arabe, voire la suprématie juive plus ou moins assumée de ses dirigeants qui ont infusé dans une partie de sa population9.
Elargissement et brouillage de la charactérisation d’« antisémitisme » en France : Israël s’invite dans la définition institutionnelle
Le 3 décembre 2019, Le parti LREM soutenu par M. Meyer Habib entre autres10, ont voté une résolution non-contraignante mais qui aura de grandes répercussions dans la société française, apparentant tout propos antisioniste à de l’antisémitisme11. Dans les discussions de l’hémicycle, les partisans de LREM se sont prévalus de défendre la liberté d’expression et de garantir la liberté de critiquer les actions du gouvernement israélien tandis que les partis de gauche alertaient sur la confusion sémantique entre l’étude et la critique des politiques publiques israéliennes, le mouvement politique sioniste et le nécessaire respect des personnes de confession juive en rappelant l’arsenal législatif existant déjà en France pour quiconque tiendrait des propos racistes(et antisémites). Les députés PS insistaient sur le risque d’essentialiser les juifs en les associant a Israël alors qu’Israël comprend 20 % de population non-juive, que les juifs israéliens ne sont pas forcément d’accord avec les actions de leur gouvernement et que l’existence-même d’un État-nation juif ne fait pas l’unanimité au sein des personnes juives dans le monde12. La résolution votée pâtit pourtant d’un manque de clarté, d’argumentation et de définition légale et contient le germe d’un procès d’intention en antisémitisme attribuable à quiconque pourrait dire du mal de l’État d’Israël.
La gauche internationaliste, anticolonialiste et le cas israélien
La France Insoumise se définit comme un rassemblement de partis de gauche profondément antiracistes, anticolonialistes pour la paix et l’égalité des peuples au nom d’un humanisme universel. Le parti de gauche dénonce régulièrement les changements institutionnels contraires au droit international et les répressions violentes et meurtrières dont sont victimes les palestiniens pacifistes. LFI et ses soutiens associatifs dénoncent plus largement les nombreux agissement d’Israël allant à l’encontre du droit international dont des arrestations arbitraires et détentions tout aussi arbitraires sans procès de palestiniens (dont des mineurs) en dehors de son territoire, de très nombreux meurtres impunis de palestiniens dans et en dehors de ses frontières, qu’ils soient commis par son armée ou des nouveaux «colons » qui se forment en milices, notamment en cis-jordanie. Ces civils bénéficient de la protection de l’armée israélienne et du ministère de la sécurité nationale qui se félicite du nombre croissant de demandes et d’autorisations du port d’armes dans la population juive13. Leurs crimes sont très largement documentés par de nombreuses ONG14 et ils sont corroborés par les institutions de l’ONU. Israël menant en effet une guerre de basse intensité qui dure depuis des décennies. Israël a récemment été condamnée pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et extermination en 2024 par l’ONU15, même en dehors de la guerre déclarée à la population gazaouie.
LFI dénonce avec force ces crimes de guerre, ainsi que le génocide en cours en train d’être perpetré par l’armée officielle d’Israël et a été parmi les premiers à les exhorter à cesser ces hostilités qui réduisent la bande de gaza à un vaste champ de ruines et ses habitants à devenir soit des cadavres écrasés sous des édifices écroulés ou des réfugiés sur leur propre terre. Cette prise de position précoce lui vaut aujourd’hui un rôle de pariah auprès de la classe politicomédiatique en France, et même des associations se revendiquant comme a gauche comme SOS racisme se gardent de condamner Israël en invoquant le « droit d’Israël à se défendre »16.
Diffamation par les médias français et l’opposition politique
Sur la base de la confusion entre critique des actions criminelles du gouvernement israélien et « antisémitisme », LFI entend bien se défendre de toute accusation d’« antisémitisme » et dénonce les diffamations perpétrées à l’encontre de ses cadres et de ses militants. Le gouvernement français déclare une hausse des actes antisémites en France en 2023 et 2024, mais on peut légitimement se poser la question sur la nature des actes que le gouvernement a comptabilisé en dénonçant cette hausse et si les critiques du génocide en cours en font partie. Pour rappel, le ministre Darmanin a essayé de faire interdire toutes les manifestations en soutien à la Palestine occupée et bombardée par l’offensive israélienne, mais des tribunaux administratifs ont annulé cette interdiction. De son coté, le premier ministre M. Attal a concédé que le ministère de l’intérieur allait devoir comptabiliser les actes antisémites réellement condamnés par la justice française puisqu’elle ne se base vraisemblablement que sur le nombre de plaintes d’antisémitisme déposées par les victimes supposées17 (procédé mis en doute pour comptabiliser les victimes de viol ou de tentatives de viol en 2020 par Dupont-Moretti, ministre de la justice aujourd’hui en 2024, rappelons-le18).
Hausse de l’« antisémitisme » en France en 2023-24
l’hypothèse d’une surestimation des actes antisémites peut en effet être faite au vu des plaintes émises à l’encontre des cadres de LFI par l’association OJE. Cette association française loi 1901 amalgame d’emblée la critique d’Israël à de l’antisémitisme19 et encourage quiconque (de juif) qui voit un contenu qui ne lui « convient pas » à le dénoncer comme étant un propos à caractère antisémite ! Cette absence de caractérisation précise basée sur la seule appréciation personnelle d’une personne se disant juive contribue à la plus fabuleuse perte de sens du mot « antisémite », en plus de criminaliser la pensée complexe. En ce sens, elle rejoint la propension absurde de premier ministre Israélien à traiter d’antisémite quiconque entend examiner ses actes d’agression envers les palestiniens de Gaza, même l’ONU et les institutions onusiennes.
Conclusion : Inversion du sens, inversion des valeurs, inversion de la culpabilité
A l’heure où le président Macron « ni de droite, ni de gauche » et qui a abusé de la rhétorique du barrage à l’extrême droite, vient de déstabiliser le pays après avoir ouvert la voie au RN, il est toujours aussi effarant que les accusations d’antisémitisme pleuvent sur les cadres et partisans de la coalition de gauche, alors que les condamnations pour antisémitisme touchent exclusivement des partisans d’extrême-droite et que notre ministre de l’intérieur écrit dans son livre sur Napoléon que celui-ci « s’intéressa a régler les difficultés touchant à la présence de milliers de juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. »20
Le 15 Octobre 2023, l’ancien ambassadeur de la France en Israël, M. Araud, alerte l’assemblée nationale sur « un nettoyage ethnique au détail » en Cisjordanie commis par « les colons israéliens, avec la connivence de l’armée ». Profitant du chaos déclenché sur Gaza, il dénonce 175 meurtres de palestiniens en 2 mois seulement. Meyer Habib, officiellement député des français à l’étranger nie la colonisation « jamais un juif ne sera un colon en Judée » au total mépris du principe de laïcité, du droit international et de la réalité dans les territoires occupés par Israël.21 A l’ancienne présidente de l’assemblée nationale, Mme Braun Pivet, il demande que la France fasse « confiance à Tsahal, l’armée la plus morale du monde », alors que les actes de torture, de viols, de déshumanisation, sont dénoncés par la population sur place22 et que l’ONU n’arrive pas à envoyer du personnel sur place pour continuer son enquête du fait qu’Israël n’épargne aucune zone à l’intérieur de gaza.23
1https://www.iris-france.org/179836-lantisionisme-est-il-un-antisemitisme/
2https://www.francetvinfo.fr/societe/antisemitisme/antisemitisme-antisionisme-quelles-definitions-derriere-ces-mots-les-reponses-d-un-historien_6530627.html
3https://www.iris-france.org/179836-lantisionisme-est-il-un-antisemitisme/
4https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/09/l-onu-considere-que-les-colonies-israeliennes-relevent-du-crime-de-guerre_6221002_3210.html
5Un ex-député d’extrême droite fondateur d’un institution religieuse et « d’auto-défense » recense mensuellement la croissance démographique des territoire occupés illégalement dans un objectif d’expansion territoriale d’Israël par l’implantation de colons : http://betelinstitutions.com/
6https://www.ochaopt.org/data/casualties
7https://www.nytimes.com/2024/04/24/us/netanyahu-israel-us-college-protests.html
8https://www.courrierinternational.com/article/opinion-israel-ressemble-de-plus-en-plus-a-l-afrique-du-sud-du-temps-de-l-apartheid
9https://www.lepartidegauche.fr/?p=4037
10https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/lutte_contre_antisemitisme
11https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0361_texte-adopte-seance#
12 https://www.syllepse.net/antisionisme-une-histoire-juive-_r_76_i_1053.html
13https://fr.timesofisrael.com/depuis-le-7-octobre-des-israeliennes-se-tournent-vers-les-armes/ Le 22 Juin 2024, selon le times of Israel et « depuis le 7 octobre, 549 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par des soldats ou des résidents israéliens, selon l’Autorité palestinienne, et 14 Israéliens y ont été tués dans des attaques ou attentats palestiniens, selon des chiffres officiels israéliens. »
14 https://www.amnesty.org/en/latest/campaigns/2022/02/israels-system-of-apartheid</
https://www.lacimade.org/faq/peut-on-parler-d-apartheid-en-israel/
https://www.vox.com/23924319/israel-palestine-apartheid-meaning-history-debate
des sources juives et sionistes mais également critiques :
https://www.shaularieli.com/wp-content/uploads/2022/06/Deceptive-Appearances-8.6-sm-1.pdf
Zeev Sternhell : une biographie courte : https://www.radiofrance.fr/franceculture/zeev-sternhell-historien-du-fascisme-et-militant-pour-la-paix-est-mort-5065256
https://www.lapaixmaintenant.org/categorie/articles/
https://fr.jcall.eu/qui-sommes-nous
et le projet de collecter un maximum de données objectives :
https://ecf.org.il/maps/topics/14#start
15https://www.ohchr.org/en/press-releases/2024/06/israeli-authorities-palestinian-armed-groups-are-responsible-war-crimes
https://www.youtube.com/watch?v=gyNZ-CmjUaw
https://palestine.un.org/en/271470-hamas-israel-committed-war-crimes-claims-independent-rights-probe
16https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-vice-presidente-de-sos-racisme-demissionne-pour-desaccord-sur-le-droit-d-israel-a-se-defendre-20231126
17https://www.info.gouv.fr/actualite/38eme-diner-annuel-du-crif-discours-de-gabriel-attal
18https://www.liberation.fr/france/2020/07/21/dupond-moretti-doute-des-chiffres-de-son-ministere-sur-les-viols_1794882/
19https://o-j-e.org/actions-antisionisme/
20Cité dans le nouvel obs, 23/03/2021
21https://www.youtube.com/watch?v=6Cbwh1zqMlM
22https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20240222-ex%C3%A9cutions-viols-des-expertes-de-l-onu-s-alarment-des-violences-contre-les-femmes-%C3%A0-gaza
23https://www.ohchr.org/en/news/2024/06/human-rights-council-concludes-interactive-dialogue-commission-inquiry-occupied