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— « Mais, comment fais-tu pour pleurer encore et encore, si facilement, comme si de rien n’était ? »
— « Je pense à mon enfance », répond Nellie (Margot Robbie).
Quand les traumas donnent vie au cinéma, celui-ci devient aussi horrible qu’honorable.
Les mots d’ordre : ivresse et hallucinogène
Le spectateur est pris de court, dès l’entrée en scène de Manuel (Diego Calva), les symptômes hallucinogènes font effet. Une grande fête est organisée dans le fin fond des contrées californiennes, Manuel est chargé de s’occuper de la tête d’affiche de celle-ci, et de son bon fonctionnement. Alors, quoi de mieux qu’un mammifère de 4 tonnes, produisant 100 kg d’excrément par jour ? Autrement dit, quoi de mieux qu’un éléphant pour ponctuer cette fête ? Un éléphant ! Pas rose, certes, mais déjà loufoque pour une première séquence. 5 minutes chrono depuis le lancement du film : le spectateur est déjà dans le bain, un bain à l’eau-de-vie spiritueuse atteignant les 40 degrés.
Toutefois, l’hallucination va de pair avec l’exaltation. Trois heures d’euphorie visuelle dominées par un rythme soutenu et ardent, une Margot Robbie rêveuse et merveilleuse qui s’incruste dans la fête ; elle danse, fume, se drogue (il neige souvent dans la Californie des années 20), elle rit et pleure, le rythme, c’est elle. Touchante et intimidante, elle donne le rythme au film, jusqu'à accélérer celui du cœur du tendre Manuel. Cette frénésie s’entremêle à des séquences plus « raisonnables », où l’émotion arrive à faire de l’ombre à cette folie sans limites.
Entre transgressions et digressions
Ce qui est admirable, c'est que, outre l’aspect satirique de l’univers hollywoodien, le récit est centré sur… les personnages secondaires. Des protagonistes modestes, au passé abîmé, des enfants d’immigrés, afro-américains et mexicains utilisés à des fins commerciales. D’autres, à l’image de Jack Conrad (Brad Pitt), sont avides de succès et d’argent : des caricatures qui en veulent toujours plus allant même jusqu’à tourner dans des films qu'on qualifierait aujourd’hui de « daube ». Ils sont prêts à tout, et finissent par n’être plus rien.
Une réalisation cosmopolite
L’acting est évidemment remarquable, le scénario également, qui nous tient en haleine pendant 180 minutes. Le clou du spectacle, car oui c’en est un, c’est la réalisation. C’est un film américain réalisé par un Français, naturellement, le film est grandiose. Des scènes et des plans inutiles, superflus, contemplatifs, autrement dit une touche de cinéma français style
Nouvelle Vague, que Damien Chazelle accorde harmonieusement à cette masterpiece : un blockbuster magnifique, mais pas mainstream. Alors oui, je déclare avec certitude que notre Français a su mettre à l’honneur l’esthétique californienne faite de couleurs chaudes, de couchers de soleil et de décors monumentaux, et qu’en parallèle, notre Français a su rendre hommage à l’horrible richesse que nous livre divinement et perpétuellement le grand écran.
Shiryne Martinez