« L’ai-je bien descendu ? ». C’est dit-on Cécile Sorel qui prononça cette phrase en s’adressant à Mistinguett. Les deux artistes se disputaient le même premier rôle dans la revue « Vive Paris » et Mistinguett se targuait d’être la seule à savoir descendre le Grand Escalier du Casino de Paris. La rivalité des deux divas tenait donc à leur capacité respective d’intégrer ce fameux escalier Dorian dans leur interprétation.
Mais ce n’est pas de cette performance chorégraphique dont je souhaitais vous parler. Je m’imaginais simplement ce que donnerait cette phrase (« l’ai-je bien descendu ? ») dans la bouche de Bernard Blier ou Jean Lefevre dans les « Tontons Flingueurs ». On est loin de l’escalier et il serait là plutôt question d’hécatombe comme Lautner savait les parodier. J’aurais pu, de la même manière, l’entendre dans la voix de Michel Simon avalant un verre de blanc dans « Boudu sauvé des eaux » ? Dans celle de Jean Claude Killy avant sa troisième médaille d’or aux JO de Ski en 1968, après une descente légendaire…
On peut puiser à l’infini pour donner à cette simple phrase, « l’ai-je bien descendu ? » toutes sortes de significations liées, vous l’avez compris, au cadre de référence. Ce contexte dans lequel la personne s’inscrit faisant ainsi varier presqu’à l’infini la perception et la lecture d’un même évènement. C’est, comme l’écrivent François Délivré et François Souweine (1) un fondamental de l’accompagnement en coaching : comprendre que le monde de l’autre n’est pas le sien et, par le recadrage, amener le coaché à admettre qu’il existe une autre façon de vivre les mêmes choses.
Cela nous renvoie au choc que la NASA a récemment provoqué en révélant la possibilité scientifique de vies extra-terrestres dans les sept planètes de Trappist…
Bref : savoir que le monde n’a pas la même image en fonction des lunettes que l’on chausse (Souweine) est le beau cadeau de compréhension de l’autre que nous fait le coaching. Clef d’accompagnement aboutissant au recadrage copernicien qui peut déclencher le changement.
Pour l’illustrer, j’ai trouvé ce merveilleux échange entre Belmondo et Gabin dans « un singe en hiver ». Les deux, bien avinés, dialoguent dans un duo sémantique où se mêlent leurs mondes face au même comptoir. Alfred Korzybski a popularisé à travers ses travaux et ouvrages la phrase qui résume cet écart entre fait et perception : « une carte n’est pas le territoire » … C’est précisément à cette phrase que renvoie ce formidable film où Bebel et Gabin font dialoguer deux cartes sur le même territoire.
https://www.youtube.com/watch?v=urHx4qVuV5
Après vous avoir laissé savourer ce numéro écrit par Blondin et réexposé par Verneuil dans ce chef d’œuvre cinématographique, retenons que le choc des cartes du monde de Bebel et Gabin ne les empêche pas de se retrouver avec génie sur le même territoire. Dans leur ébriété, coach et coaché se sont compris l’un l’autre, découvrant intuitivement leur proximité, l’un en Indochine, l’autre dans une arène de Corrida.
Merci à toutes et tous pour vos nombreux messages et réactions sur mon précédent texte « Le silence de Pompidou ».
René Siacci- Heora
(1) « L’intelligence de la Relation en Coaching » (F.Souweine-Interéditions) et « Le métier de coach » (François Délivré-Eyrolles).