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Billet de blog 6 mai 2014

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Un Blitzkrieg au bout de ma rue

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« L'Europe est en guerre contre un ennemi qu'elle s'invente » titre la campagne Frontexit. Mais cette guerre qui sévit aux frontières de l'Europe a aussi contaminé le cœur des villes. Exemple de cette fabrique belliqueuse ce matin, à Nantes.

Ce matin à l'aube, plus d'une centaine de CRS armés et munis de leurs casque, masque à gaz et bouclier ont encerclé le quartier de la Madeleine et pris d'assaut l'immeuble de la rue de Crucy dans lequel s'étaient réfugiés depuis plusieurs mois des hommes et des femmes à qui l'Etat refuse obstinément, tout simplement un toit. Plusieurs escadrons de police ont envahi les trois étages et fait table rase de tous les habitants de l'immeuble. Ils ont piétiné leurs lieux de vie, les ont empoignés et expulsés manu militari. Pendant plus d'une demie-heure, régulièrement, des corps d'hommes à la peau sombre étaient projetés à travers une barrière humaine de CRS et charriés sur le trottoir. Lorsqu'ils ont eu vidé l'immeuble de tous ses habitants, les CRS ont occupé massivement les escaliers et le hall d'entrée, baissé leur visière et brandi leurs boucliers. Peut-être cette mise en scène visait-elle à faire croire que les hommes et les femmes qu'ils avaient balancés à la rue comme des sacs poubelle étaient dangereux et susceptibles de les attaquer ? Mais, dehors, devant leur immeuble squatté par une centaine de policiers, les habitants évacués se sont relevés, regroupés et ont regardé longtemps, certains avec effarement, dans le silence, d'autres avec un sourire dépité, cette démonstration de force démesurée et cette ahurissante provocation que représentaient, dressés devant eux et contre eux, ces cent et quelques soldats aux ordres. Pourquoi s'attaquer avec autant de brutalité et de mépris à la dignité d'hommes et de femmes pacifistes qui expliquent calmement à qui veut l'entendre qu'ils ont fui les violences et l'insécurité d'un pays, souvent même risqué leur vie, dans l'espoir de trouver une vie meilleure en Europe? Pourquoi ici à Nantes déclarer la guerre, à ceux qui l'ont fuie? Est-ce ça, l'Europe ?  

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