Sur Mediapart, les billets défilent rapidement. Sérieux ou non, ils sont poussés vers la sortie par un flux continu. Certains ont des commentaires, d'autres non. Sont-ils lus? l'auteur n'en sait rien. J'ai posté hier un billet que j'estime spécialement important puisqu'il s'agit d'un moyen d'augmenter la production industrielle en France. Les Romains disaient "bis repetita placent" ce qui veut dire: "il est agréable de recommencer". Alors je recommence. Vous noterez qu'il n'est pas question d'une invention farfelue, mais d'une innovation dans la façon de diriger une société qui fait toute la différence entre les sociétés asiatiques et les sociétés occidentales. Pour en savoir plus, voir le site http://www.fr-deming.org
En juillet 1980, des millions d'Américains regardent une émission de télévision "Si le Japon peut le faire, pourquoi pas nous?" Ils apprennent que l'invasion sur le sol américain de produits japonais (voitures, téléviseurs, etc.) moins chers et de meilleure qualité est due à de nouvelles méthodes de conduite des entreprises que les dirigeants des grandes entreprises japonaises ont apprises auprès d'un... Américain.
Cet Américain, c'est William Edwards Deming, né en 1900 dans l'Iowa. Surdoué, il fait de brillantes études, entre comme chercheur au ministère de l'Agriculture, puis comme statisticien au bureau des statistiques économiques (Bureau of the Census). Il comprend vite que les méthodes américaines de management sont aberrantes. Il se lie d'amitié avec un autre Américain, Walter Shewhart, chercheur aux Bell Telephone Laboratories, qui a inventé de nouvelles méthodes de management. Puis la guerre arrive. Après la guerre, il est envoyé au Japon en 1945 pour participer à une opération de recencement sous l'autorité du général Mac Arthur. Fortuitement, il rencontre un fils du président de la fédération patronale, le jeune Kaoru Ishikawa, ingénieur chimiste, qui n'a qu'un but: reconstruire l'économie japonaise sur de nouvelles bases. Rendez-vous est pris pour une tournée de conférences en 1950 devant des dirigeants d'entreprises japonaises. Le directeur général de Toyota, par exemple, en fera partie.
Les Japonais qui ont écouté Deming mettent aussitôt en pratique ses leçons, et c'est une réussite. Un an plus tard, en octobre 1951, ils constatent déjà que les coûts de production ont diminué de 30 pour cent. Kaoru Ishikawa lance un vaste programme de formation pour ingénieurs et contremaîtres. Pendant ce temps, les patrons américains, qui ne se doutent de rien, continuent à diriger leurs entreprises avec de vieilles méthodes héritées de Taylor. Ils ne découvriront Deming que trente ans plus tard !
Les patrons français ne sont pas en reste. Un fait incroyable s'est produit en 1953. Deming est venu à Paris, invité par l'AFNOR (Association Française de Normalisation) à une conférence internationale. Les principes du nouveau management selon Shewhart ont été publiés dans le "Courrier de la Normalisation", la revue de l'AFNOR. Indifférence générale !
L'émission de télévision de 1980 a produit un choc chez les Américains. Deming est invité partout. Mais malgré quelques succès chez Ford et General Motors, il ne parvient pas à convaincre les hauts dirigeants. Il multiplie les conférences et les séminaires dans les entreprises. Il donne des séminaires publics pour ingénieurs et cadres supérieurs, quatre jours, deux fois par mois, qui rassemblent chaque fois plus de 500 personnes. Quand il meurt en 1993, les Américains n'ont retenu de lui que des méthodes simples à l'usage des ingénieurs, par exemple le "cycle PDCA" qu'on trouve dans tous les manuels qualité. Mais ce n'est que la partie émergée d'un iceberg. Les méthodes les plus importantes sont destinées aux directeurs généraux.
Les Japonais ont fondé le "Deming Prize" qu'ils considèrent comme le Prix Nobel du management. Deming a été décoré en 1960 par l'Empereur du Japon en personne.
Deming laisse deux ouvrages fondamentaux sur le nouveau management, traduits en français: Hors de la crise et Du nouveau en économie. A lire et méditer.