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Billet de blog 10 mai 2025

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Le moment Netanyahou de Modi

Les représailles de l’Inde contre le Pakistan depuis l’attentat du 22 avril au Cachemire indien suivent une logique semblable à celle d’Israël après les attentats du 7 octobre, avec une escalade militaire qui perd rapidement toute proportionnalité avec les événements déclencheurs. Mais il n'y a pas de vainqueur possible.

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Le moment Netanyahou de Modi

Le 22 avril, un 7 octobre indien ? 

Les représailles de l’Inde depuis l’attentat du 22 avril au Cachemire indien suivent une logique semblable à celle d’Israël après les attentats du 7 octobre, avec une escalade militaire qui perd rapidement toute proportionnalité avec les événements déclencheurs. Il semblerait que l’idée de provoquer une guerre totale sous prétexte de lutte contre le terrorisme, comme le fait Netanyahou, ait traversé l’esprit de Modi. Mais dans quel but ? 

Mis à part les inclinations politico-religieuses extrémistes similaires entre Modi et Netanyahou, la comparaison entre la situation actuelle au Moyen Orient et celle sur le sous-continent s’arrête là. En effet, il ne peut y avoir de vainqueurs dans un conflit total entre l’Inde et le Pakistan, et il est difficile de voir quels pourraient être les buts de guerre de l’Inde.

La donne internationale a peut-être changé, mais les réalités spécifiques au problème du Cachemire restent les mêmes depuis 1947 lors de la partition de l'Inde et de la création du Pakistan.

Récupérer la totalité du Cachemire et sa population hostile à l’Inde serait irréaliste. Même en mettant de côté, un instant, l’arsenal nucléaire du Pakistan qui empêcherait une telle tentative, il faut garder à l’esprit qu’une partie du Cachemire pakistanais revendiqué par l’Inde englobe les « Northern Areas » pakistanaises, avec la frontière chinoise et la Karakoram Highway, la route névralgique qui relie la Chine au Pakistan. Pékin ne pourrait jamais accepter que cette région stratégique pour ses routes de la soie et son accès à la mer d'Arabie passe sous contrôle indien. 

Pourtant, il est difficile de voir comment Modi pourrait s’arrêter sans perdre la face. Porté par son hubris après onze ans d’un pouvoir viril à Delhi, il se doit d’être vu en héros ramenant la victoire à "Mother India". Mais il n’y a pas de but déclaré à cette guerre, et ramener une victoire va être difficile. Une guerre classique qui s’éterniserait, comme celle entre l’Ukraine et la Russie, n’est pas une option, car dès lors que l’un ou l’autre des belligérants se sentirait acculé, la question de l’arme atomique se poserait. 

Essayer de mettre à genoux l’économie pakistanaise, déjà mal en point, notamment au vu de ses dépenses militaires faramineuses, est une autre possibilité. Mais pour l’instant personne n’a avantage à voir un Pakistan en banqueroute, et le déblocage hier par le FMI d’une tranche d’un milliard de dollars de fonds malgré les pressions indiennes le démontre. Le Pakistan peut aussi compter sur d’autres bailleurs de fonds : les monarchies du Golfe et, bien sûr, la Chine. Attaquer l’économie du Pakistan serait une politique de longue haleine et ne permettrait pas de clamer une victoire claire et rapide par Modi. 

Quant à la guerre de l’eau que l’Inde a mise sur la table en dénonçant unilatéralement le traité de l’Indus, elle risque aussi de se heurter à la Chine, qui contrôle certains fleuves indiens, notamment le Brahmapoutre. Le Pakistan a déclaré que le contrôle de l’eau serait interprété comme un acte de guerre. Elle risque d’amener les deux pays à une guerre classique rendue impossible par la menace nucléaire.

Israël est devenu un fournisseur militaire privilégié pour l’Inde et, maintenant que les États-Unis, désengagés du conflit afghan, ne protègent plus avec autant de zèle l'état-major pakistanais qu'auparavant, Israël ne verrait pas d’un mauvais œil l'affaiblissement de la plus puissante armée du monde musulman et de son arsenal nucléaire.

On ne sait rien des accords militaires entre l’Inde et Israël, mais si la guerre entre les deux cousins du sous-continent venait à durer, il est fort à parier qu’Israël suivrait cela de très près et pourrait aider l’Inde de Modi pour une opération spéciale, par exemple contre l’arsenal nucléaire du Pakistan. Mais ce n’est là que de la géopolitique-fiction.

Pour l'instant il est surtout difficile de voir comment Modi va pouvoir s'en sortir la tête haute en criant victoire, sans escalade et sans enlisement.

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