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Billet de blog 8 décembre 2011

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Je vous le certifie!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour!

En préambule à cet articulet, permettez-moi d'évoquer les vertus d'Excel et autres casiers à homards

Préparant mon billet, je m'avise que les rubriques titre, mots-clés, vidéo, contenu, sont dans des petites cases non reliées entre elles par une continuité, même au niveau des pédales du clavier. Elles sont isolées; et pour cause, on appelle ça des cellules. Signifiants incarcérés...

C'est ordonné, propre et net; pas comme la langue vulgaire et les multiplies caténations de la parole dite...

Ceci étant, voilà: ces jours-ci, je suis pris, au sein de mon institution, dans les rets de la certification d'icelle.

Pour les heureux béotiens, étrangers aux instances des diverses hautes autorités et agences diverses créées à dessein par l'Etat pour ordonnancer tout ce qui pourrait bouger hors des axes univoques et bénévolants de la gestion unique, il me faut expliquer: "la certification, comment ça marche?"

A l'étude primaire du certificat, on voit bien qu'il s'agit de permettre aux gens du "vulgaire", entendez les professionnels (dans mon cas, de santé, mais ça vaut dans tous les domaines), d'accéder au saint des saints des bonnes pratiques, des bonnes pensées, grâce et sous la houlette "ferme mais juste" d'experts fabriqués et formatés par les tutelles étatiques. Produits marchands enfin normalisés iso9023...

Dès lors, on vous demande, dans un langage digne d'un état-major de campagne, et grâce aux petites cellules (blanches, pas grises...) évoquées plus haut, non pas de raconter ce que vous faites, mais de valider, en termes et formes exigibles, comment vous évaluez, comment vous méthodologisez, comment vous renseignez, comment vous documentez, comment vous analysez, comment vous procéduralisez et protocolisez.

Ouf, je l'ai échappé belle; hier à la brune, j'ai appris d'une excellente consoeur italienne dûment bombardée experte visiteuse (en français EV1) que j'étais une crétin myxoedémateux des hautes vallées vosgiennes, en ce que nous pratiquons l'art archaïque des écrits pour nos transmissions internes. Heureusement, et grâce lui soit rendue, elle a pris un bon quart d'heure pour m'enseigner que les cases de l'ordinateur sont de bien meilleure efficience.

Pour preuve, elle énonce que maintenant, tous les psychiatres -sauf moi- pratiquent la prise de notes en direct devant les patients. Mon cucq, père UBU, ça ne passera pas par moi; à moins que Freud revienne et m'explique comment le lien transférentiel s'institue avec un Mac ou un PC...

Ouf derechef, elle me traite de demeuré (je n'ai rien compris à la novlangue administrativo-expertale) et de présumé menteur (je n'ai pas apporté la preuve de ce que je dis); m'inspirant ce jeu de mots osé: "on n'est pas là pour se narrer, on est là pour ça-prouver". Ca me ferait juste rigoler, si cela ne risquait pas de faire chuter, de par mon imbécilité crasse, la note AAAAAA (suis-je une andouille?) de l'institution.

Pour en finir, ce que je ne lui dirai pas: nos rencontres quotidiennes entre soignants, nos rencontres régulières avec les gens de notre institution et nos partenaires extérieurs, notre lien continu avec les patients, et les bilans semestriels qui leur sont proposés, ne sont-elles donc pas des temps d'appréciation de l'état des gens, de leur parcours, de leurs difficultés, de leurs moments de bien-être, de leur capacité à se soigner, de l'éveil de leur désir de vivre, de s'insérer...?

Notre langue, qui est outil de lien et de rencontre, notre humainté, qui accepte et reprend les accrocs du suivi et les problèmes qui se posent, notre savoir-faire, qui ne peut être soumis à évaluation autre que qualitative, notre art du racontement, qui vitalise les échanges, est-ce de la merde au motif que ça refuse d'entrer dans des "cellules"?

Je suis convaincu depuis des décennies qu'il est essentiel d'évaluer ce que nous faisons dans notre dispositif de soins. Mais pas comme ça, et pas pour ça Vae victis?...

JCD

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