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Billet de blog 11 avril 2013

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Le sourire de la crémière

Je parle de ce sourire qui viendrait, en plus du beurre et de l’argent du beurre, remercier ceux qui se croient parés de toutes les vertus et attendent du bon peuple qu’on leur fasse confiance les yeux fermés...

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Je parle de ce sourire qui viendrait, en plus du beurre et de l’argent du beurre, remercier ceux qui se croient parés de toutes les vertus et attendent du bon peuple qu’on leur fasse confiance les yeux fermés...

Depuis qu’il est question de déclarer publiquement la réalité de leur patrimoine, les politiques de tous bords se répandent en plaintes, cris, protestations et grincements de dents,  de sorte que l’on se sent  partagé entre consternation et fou-rire devant le grotesque de ce triste spectacle.

Grotesque oui, à proprement dit : il fallait voir la tête de Copé, gesticulant et grimaçant sa panique à l’idée d’avoir à révéler publiquement son train de vie et ses revenus. Non pas le fait bien connu qu’il est blindé de thunes et aime l’argent et le luxe, mais à l’idée de révéler devant les français le nombre impressionnant de ses casquettes et de ses râteliers. Et des conflits d’intérêt annoncés qui pourraient le mettre en grande difficulté.

Grotesque tout autant la mauvaise foi de Bartolone, ci-devant président de l’Assemblée Nationale, plus soucieux de protéger les intérêts de sa caste que du bien public. Il se permet d’insulter les Français en les traitant de voyeurs, et prend un risque considérable en mettant publiquement en avant un signe d’égalité entre… richesse et corruption !

Grotesques encore, les vaines dénégations du millionnaire de Saint Cloud et de la maritorne du FN, qui seraient volontiers restés prudemment silencieux si Médiapart ( hé oui, encore Médiapart!) ne leur avait fourré le nez dedans !

On disait jadis en bon français, quant à ceux qui se sentent morveux : qu’ils se mouchent ! Et ce faisant – ils sont nombreux à compter les nasardes et les mouchoirs fleurissent au Parlement – ils se trahissent !

Car enfin, qui a parlé de « riches » alors qu’il n’était question de lutte contre… la corruption ?

Qui, sinon ceux-là mêmes qui se sentent visés, répond le bon sens populaire transformé en populisme pour les besoins de la cause !  

Et pour quelles raisons au juste ? Quelques idées se forment assez vite :

Parce qu’ils craindraient, étant riches eux-mêmes d’être aussitôt pris pour des corrompus et qu’il y aurait une confusion entre la corruption des élites – et la certitude populaire qu’on ne s’enrichit pas en faisant le bien. Ou bien parce que les rémunérations et le train de vie des élus en général et des parlementaires en particulier les gênent politiquement : en ces temps de pauvreté de chômage et de détresse sociale, de tels revenus ça la fout mal vis-à-vis des électeurs et il vaut mieux se faire discret sur le sujet, de peur de donner des « mauvaises idées » au populo. (Au populo, oui, plutôt qu’au peuple, mot qui fait peur : au bon brave populo qui joue au loto et dont la tête tourne en songeant à l’impossible gros lot, les innocents, les braves gens les pauvres gens : les cons !)  Ou bien, serait-ce que l’origine des richesses pourrait un jour faire question ? Ou alors tout cela à la fois ?

Tout de même,  il faut croire qu’elles ont quelques solides raisons d’inquiétude, ces grandes âmes qui nous gouvernent, si décidées à nous épargner le voyeurisme et le populisme que dissimule cette idée folle que le pouvoir menacerait de mettre en œuvre : la transparence financière et fiscale des élus de la République.

Pensez : une idée inadmissible ! Ne tapez pas au portefeuille,  entre gens de bonne compagnie, ça ne se fait pas…

Et cette sainte trouille, quel aveu!

Quelle ignominie, tout de même, que ces criailleries de privilégiés, de nantis, de rentiers, de boursicoteurs et d’initiés, qui pour le coup donneraient vraiment la preuve qu’ils s’en fourrent jusque-là: voyez-les tous tant qu’ils sont, de droite ou de gauche, complètement affolés à cette idée qui doit bien pourtant recéler quelque danger épouvantable pour la Nation pour qu’ils s’énervent comme ça !

Car enfin, nos députés, nos sénateurs, sont gens de raison, de pouvoir, de gouvernement : ils n’ont pas la réputation de s’affoler pour rien. Voyez nos chers élus comme ils  savent raison garder, et leur sang-froid, et leur calme.

Voyez nos braves capitaines, comme ils restent aux commandes en pleine tempête, impavides et héroïques, sans broncher : quand pourtant  la saison revient de mettre des familles entières à la rue, ils ne mouftent pas, quand tant de malheureux dorment sur les trottoirs, ils ne cillent pas, quand des cohues se forment autour des soupes servies sur les boulevards parisiens, ils ne voient rien. Et ils détournent la tête nos valeureux, honorables représentants, quand les gens se tuent de désespoir devant les pôles emploi, montent en haut des grues pour appeler à l’aide, ou bien plus souvent qu’on ne l’imagine, en plus des 13 000 suicidés et les 195 000 tentatives de suicide chaque année en France, vont mourir de honte et de désespoir dans leur coin comme le chantait Brassens du pauvre Martin,

En faisant vite en se cachant

Pour ne pas déranger les gens

Et ils nous traitent de voyeurs, ces salauds patentés, qui voudraient bien une fois pour toutes faire honte aux pauvres.

Et ils nous traitent de populistes, ces enfoirés qui pour un peu nous prendraient pour des hommes politiques, s’imagineraient presque qu’on leur ressemble, qu’on a les mêmes valeurs, les mêmes vies : indignez-vous, en somme, mais n’en demandez pas trop !

Et circulez y a rien à voir !

D’autant que lorsque ces riches honteux d’être riches parlent de voyeurisme, c’est bien parce qu’ils sont parfaitement placés pour savoir que leur fric a quelque chose d’obscène, et qu’il faut donc le dissimuler aux regards du peuple, et parce qu’il pue : car enfin, les élus qui ont du bien et qui l’ont gagné par leur travail n’ont rien à craindre de l’opinion publique.

Il faut croire qu’ils sont bien peu nombreux dans ce cas.

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