PHILIPPE BAZIN, CHRISTIANE VOLLAIRE
CREAPHIS EDITIONS 19€
« Le milieu de nulle part » est un très remarquable et étonnant ouvrage qui combine avec une efficacité prenante et surprenante les inscriptions croisées d’un photographe et d’une philosophe, en une démarche profondément originale faite de talent et d’abnégation - tant s’efface le geste même qui donne à voir et à entendre l’insupportable au quotidien.
L’insupportable est la situation de personnes réfugiées, en majorité des tchétchènes, dans des centres d’hébergement et des centres de rétention près de la frontière orientale polonaise. L’ouvrage met en interaction le travail photographique réalisé dans ces lieux improbables et le travail philosophique élaboré à partir des entretiens avec les réfugiés eux-mêmes mais aussi avec des responsables d’ONG polonaises ainsi que des fonctionnaires en charge de ces centres.
L’ensemble forme un tout profondément cohérent, qui nous adresse, avec une force et une rigueur sans détours, un questionnement imparable.
Point de phrases creuses, aucune « illustration » - jamais de clichés - la philosophe et l’artiste ont pris ici rendez-vous en ces lieux qui ne sont en effet nulle part et qui composent et condensent en cet ouvrage l’exact opposé d’un « no man’s land »: un espace où s’hébergent d’immenses malheurs en transit.
Ces écritures en regard, ici de lieux sans êtres là de récits sans visages, rendent compte avec une force bouleversante de ces cris étouffés, de ces lieux incertains et de ces réalités insupportables qui, sans la mise en œuvre de ces deux talents, resteraient trop aisément ignorés.