L’HUMANITÉ A-T-ELLE PERDU LA BOULE ?
En ce début du mois de novembre, ont été organisées à Bordeaux trois journées des « Tribunes de la Presse » consacrées à la crise climatique qui doit prochainement faire l’objet de la grande conférence internationale COP21 à Paris. Ces journées étaient intitulées « la terre a-t-elle perdu la boule ? », un titre destiné à accrocher l’attention du public. Mais, à la suite des évènements sanglants qui ont touché Paris, eux même consécutifs aux guerres menées au Moyen Orient, on peut se demander si ce n’est pas l’humanité et non la planète qui a perdu la boule ! Pourquoi donc rapprocher ces deux évènements apparemment étrangers l’un avec l’autre ?
Pourtant il y a des signes communs d’une schizophrénie généralisée de notre oligarchie qui illustre la montée d’un chaos planétaire dont l’humanité est à la fois la proie et la cause. Par exemple, face à la crise climatique, on nous annonce que des laboratoires travaillent actuellement à des solutions avancées par la géoingéniérie ; autrement dit l’esprit prométhéen de la technoscience va sauver la terre après avoir contribué à la saccager ! Ainsi célèbre-t-on aujourd’hui en haut lieu l’oxymore de la « croissance verte » ! Décidément, les leçons du passé tirées du rôle joué par les innovations scientifiques nées de la révolution industrielle dans la crise écologique n’ont servi à rien ! De même, face aux actions sanglantes du terrorisme islamique qui paradoxalement utilise internet en rêvant d’un retour mythique du califat, nos dirigeants éclairés veulent sauver les « valeurs de la République » en instaurant un régime policier « provisoire » mais sans doute en réalité permanent. Il ne s’agit donc rien moins que de sauver la liberté en instaurant progressivement un processus dictatorial par des lois répressives. Sur le plan économique, c’est la même forme de schizophrénie puisqu’il s’agit de faire redémarrer la croissance pourvoyeuse d’emplois en poussant le feu de notre compétitivité, par exemple en incitant les entreprises et les services à robotiser leurs activités. Mieux protéger l’environnement en détricotant le Code de l’Environnement et mieux résoudre la crise sociale en révisant le Code du Travail ! Et ainsi de suite !!!! Toute cohérence échappe donc au discours politique !
La vérité est que nous en sommes arrivés aujourd’hui à un point tragique de l’histoire de l’humanité qui semble avoir totalement échappé à toute forme de contrôle et de maîtrise. La rapidité de l’évolution en cours est actuellement telle qu’elle laisse sur son chemin des générations et des peuples entiers traumatisés par ce que mon père appelait « la grande mue ». Ma génération a connue en agriculture les derniers représentants de la traction animale alors qu’aujourd’hui nos agriculteurs labourent au volant de monstres climatisés en attendant l’agriculture robotisée, réservée à une poignée d’entrepreneurs ! Aujourd’hui avec l’avalanche en cours du numérique, le monde politique comme économique pousse à une connexion généralisée des citoyens et des usagers et des consommateurs. Mais avec quelles conséquences sur le plan des libertés et des équilibres psychosociologiques, sur celui de notre consommation en énergie et sur notre production de déchets électroniques ? Où sont donc les études d’impact réalisées à ce sujet ? Inutile ! Fonçons donc sans nous inquiéter des conséquences qui ne manqueront pas de se manifester comme elles ont commencé à le faire depuis le début de l’ère industrielle mais à une échelle sans commune mesure avec le passé en raison de la puissance de nos moyens. Toujours plus vite à l’aveugle, telle est la devise de notre société ! Dans de telles conditions historiques, il n’est pas étonnant alors que l’humanité soit en passe de perdre la boule !
En l’état actuel d’un monde sans repères ni finalité et ayant perdu toute dimension humaine, seul un sursaut spirituel venant d’abord de chacun de nous pour ensuite prendre une dimension collective peut nous faire échapper au désastre en redonnant un sens à l’aventure humaine. En attendant, apprenons à résister au désastre en cours en rendant notre vie le plus possible cohérente avec nos convictions pour donner un témoignage d’espoir aux générations à venir !
Simon CHARBONNEAU