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Billet de blog 16 décembre 2011

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Attention aux espèces opportunistes !

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ATTENTION AUX ESPÈCESOPPORTUNISTES !

Comme de multiples témoignages littéraires l’ont souligné,dont celui de La Fontaine avec ses fables, la nature a toujours été une sourceinépuisable d’inspiration pour les hommes. De nombreux auteurs ont souvent faitle rapprochement entre les sociétés animales et les sociétés humaines dont ilsont souligné de multiples similitudes. Qu’il s’agisse du respect de lahiérarchie, de la défense du territoire, de la compétition pour la sélectiondes meilleurs ou du grégarisme que l’on retrouve dans toutes les sociétéshumaines de la planète, les comportements humains font tout à fait penser àceux des animaux malgré la conscience en plus ! Parmi ces similitudes, lachute actuelle de la biodiversité a été l’occasion de souligner le fait que sicertaines espèces apparaissent en mauvais état de conservation, d’autres aucontraire ont tendance à proliférer. Ces espèces sont appelées opportunistes enraison de leur remarquable faculté d’adaptation aux changements affectant lesécosystèmes aujourd’hui du fait du changement climatique ou des impacts del’agriculture intensive. C’est ainsi qu’en matière d’avifaune, la raréfactiond’espèces emblématiques comme l’outarde canepetière ou la pie grièche estaccompagnée par la prolifération d’étourneaux et par l’augmentation notable des populations de corvidés (pies,corneille et geais). Même chose en matière halieutique avec l’actuelleprolifération des silures dans nos grands fleuves. Ces espèces opportunistescontribuent alors à aggraver la situation précaire d’autres espèces par le jeude la compétition interspécifique.

L’intérêt de cette notion est évident si on la transpose àla vie politique et économique. Combien de fois n’a-t-on pas constaté que danstous les lieux de pouvoir où existe une compétition pour accéder à desfonctions prestigieuses ou des sources de revenus importantes, ce sont toujourscertaines catégories d’individus qui réussissent à émerger au détrimentd’autres ayant des qualités reconnues, mais avec moins d’aptitude à laperformance. L’individu le plus carriériste, doué pour la conquête etl’exercice du pouvoir, va alors pouvoir l’emporter sur ses concurrents moinsaptes à son acquisition et son exercice. Dans toutes les organisations oùexiste des enjeux de pouvoir, ce phénomène existe qu’il s’agisse desentreprises, des syndicats ou des partis politiques. Dans ce dernier cas, onpeut même dire que la sélection naturelle favorisant l’émergence des espècesopportunistes est la règle. Mais la particularité de la compétition politiqueest qu’elle se fait normalement au nom de l’intérêt public et d’un ensemble devaleurs revendiquées en tant que telles. L’opportuniste est alors toujours unpeu obligé d’avancer masqué au regard de la cause politique qu’il est censé défendre.Ce n’est pourtant pas l’intérêt de la cause défendue qui est à l’origine de sessuccès mais son aptitude à faire les bons choix tactiques, à savoir êtreprésent au bon moment, manipuler les plus naïfs et contracter les meilleuresalliances. C’est ainsi que dans les partis politiques, ce sont toujours lesplus aptes à posséder ces qualités qui finissent par l’emporter pour exercer unleadership au détriment de concurrents possédant d’autres qualités, parmi lesquelles le sens de l’intérêt public, mais moins doués pour accéder au pouvoiret s’y maintenir.

Une chose est, en tous les cas, certaine au vu del’expérience que l’on peut avoir de la vie politique : l’aptitude àaccéder au pouvoir est généralement inversement proportionnel à la solidité desconvictions. L’opportuniste est tout à fait à l’opposé du militant naïf qui ades convictions chevillées au corps. Son profil est parfaitement adapté à lasociété technicienne pour la quelle les finalités humaines n’ont plus aucuneimportance et que seuls compte les moyens qui finissent par être considéréscomme des fins en soi. Mais il peut paradoxalement s’établir des complicitésentre les deux, car en même temps, l’opportuniste a besoin de la naïveté, de lafidélité et surtout de l’admiration de son entourage. Delà les phénomènes decour bien connu dans tous les lieux d’exercice du pouvoir, particulièrementdans le domaine politique. Tout leader a besoin de ses fans, ou parfois de sessujets, pour avoir l’impression d’exister !

Les infidélités del’opportuniste à la cause qu’il est censé défendre en résultent toujours, etprennent souvent la forme de convictions successives évoluant en fonction descirconstances. Souvent idéaliste au temps de sa jeunesse, le réalisme finit parl’emporter avec l’âge pour parfois tourner au cynisme. Cela estparticulièrement vrai d’un parti politique aussi récent que celui des Verts quiau départ prétendaient « faire de lapolitique autrement » pour ensuite chausser les bottes usées desprofessionnels de la politique ! De ce constat, il y a, pour ceux qui tiennentà rester fidèles aux valeurs fondatrices de ce que devrait être un intérêtpublic, une leçon à retenir, à savoir qu’il faut toujours surveiller de prèsles manœuvres de l’opportuniste et prévoir même dans certains cas sonélimination du jeu politique. Dommage que le « mégalomètre » n’aijamais été inventé, il serait utile autant dans le monde politiquequ’économique !

D’où la question politique essentielle représentée parl’existence de procédures de contrepouvoirs dont Montesquieu en son temps deMonarchie absolue avait fait l’éloge et qui nous manquent tant aujourd’hui faceau pouvoir de l’argent et de la technique.

Simon CHARBONNEAU

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