AUSTÉRITÉ ET CRISE ECOLOGIQUE
L’annonce de la démission de Delphine BATHO pour cause du budget amputé du ministère de l’écologie a été l’occasion de voir une idée reçue reprise abondamment par la composante politique du mouvement écologiste, à savoir que la protection de l’environnement a besoin de davantage d’argent public pour être efficace, ce qui bien entendu n’est pas faux en soi. Mais alors, cette idée reçue se heurte de plein fouet à la politique actuelle dite d’austérité menée par le gouvernement pour cause de crise financière, en fait structurelle à une société qui a fait de la croissance économique son horizon indépassable, mais pourtant limité comme l’expérience est en train de nous le montrer. D’où la question que l’on peut se poser : l’austérité constitue-t-elle vraiment un fait négatif en matière de protection de l’environnement ?
A y réfléchir sérieusement au vu de l’approfondissement rapide de la crise écologique depuis cinquante ans, on peut se poser la question dans la mesure où les financements tant publics et privés ont surtout servi à détruire l’environnement plutôt qu’à le protéger. On peut citer à cet égard le cas exemplaire du programme pharaonique des lignes ferroviaires à grande vitesse dite LGV qui fait l’objet aujourd’hui de coupes budgétaires sombres remettant en question pour l’Aquitaine la réalisation de nouvelles lignes nouvelles vers l’Espagne et vers Toulouse pour des dizaines de milliards d’euros, provoquant ainsi la colère de nos grands élus persuadés de l’utilité publique de ces réalisations de pur prestige technologique au détriment des dépenses de fonctionnement indispensables à la sécurité publique. Et tout cela alors que la modernisation des lignes existantes concernant les transports du quotidien nécessite des financements beaucoup plus modestes et reste sans impacts environnementaux. Mais, bien entendu, cela ne constitue qu’un exemple parmi les nombreux grands projets inutiles et imposés représentés par les autoroutes, les centrales nucléaires comme l’EPR ou le projet ITER ou encore les grands stades olympiques et aéroports. La vérité est qu’en situation de crise économique structurelle, la priorité financière ne doit plus être donnée aux investissements en travaux neufs mais à ceux consacrés à la réhabilitation et à leur fonctionnement, contrairement au dogme de la croissance ! Moins d’argent pour détruire l’environnement ne peut que constituer un bienfait pour les générations futures !
La vérité est que depuis déjà pas mal de temps, la poursuite aveugle de la croissance qui anime toujours la politique gouvernementale, est à l’origine d’un processus d’endettement permanent rendant impossible cette dernière. D’où l’incontournable récession actuelle qui rend l’austérité obligatoire, mais surtout nous oblige à revenir sur toutes nos représentations politiques héritées des trente glorieuses. Nous ne sommes plus en 1970, il y a là un principe de réalité indépassable qui nous contraint à inventer une nouvelle voie pour l’avenir située en dehors des rails de la croissance !!
Ceci étant dit, il ne s’agit pas ici de nier l’impact désastreux de la politique actuelle d’austérité pour les catégories sociales les plus défavorisées qui est d’ailleurs paradoxalement conçue uniquement dans l’objectif utopique de redémarrage de la croissance, pourtant source de concentration croissante de richesses et de destruction d’emplois. Il ne doit pas y avoir d’amalgame avec toutes les catégories sociales et surtout pas pour celle des privilégiés dont l’empreinte écologique est complètement disproportionnée au regard de son importance démographique et donc pour la quelle l’austérité serait une bonne chose.
Quoiqu’il en soit, ce nouveau contexte historique né de la crise de 2008, devrait obliger chacun de nous à revoir complètement son mode de vie énergivore et consommateur de ressources naturelles, par de là les politiques de transition écologique fondées sur le recours à de nouvelles technologies. La situation actuelle, surtout celle qui nous pend au nez, est suffisamment grave pour qu’une réaction de la conscience individuelle et collective ait lieu nous suggérant que nous ne pouvons plus vivre au dessus de nos moyens comme nous l’avons fait jusqu’à présent au détriment de notre patrimoine naturel. Au lieu de le dénoncer, le contexte actuel d’austérité pourrait alors constituer une opportunité historique pour inventer une nouvelle voie qui ne soit plus celle sans issue dans la quelle nous nous sommes stupidement enfermés.
Simon CHARBONNEAU Universitaire retraité et militant écolo blanchi sous le harnais de ses convictions.