Au Mexique la préservation des langues indigènes, des lois coutumières et des cultures ancestrales s'essoufle dans un monde en voie d’uniformisation. À travers leur mouvement de sécession, les indigènes prennent eux-même en charge la conservation de leur patrimoine culturel et continuent d'expérimenter la démocratie directe.

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Les conséquences locales d’un problème global
L’événement a eu lieu plus d’un an après l’investiture du nouveau président du Mexique, André Manuel Lopez Obrador (AMLO). Au CIDECI de San Cristobal de las Casas, dans le Chiapas, on pouvait percevoir l’intégralité du spectre ethnique du pays et écouter leurs revendications politiques.
Le premier jour, les représentants des communautés indigènes ont exprimé leurs soucis d’intégration territoriale. On a entendu notamment, l’indignation des nahuatls de l’Etat de Mexico sur le mégaprojet phare d’AMLO : la création de l’aéroport international de Santa Lucia, à 53 kilomètres de celui qui dessert déjà la capitale.
Carlos, nahuatl révolté, s’exprimait ainsi : « Le gouvernement, les entreprises et l’ONU simulent et minimisent les dégâts écologiques et sociaux qui affectent la zone ». En effet, si le projet aboutissait, le futur complexe aéroportuaire et hôtelier participerait à la surexploitation des aquifères et priverait une partie des communautés proches d’approvisionnement en eau. De plus, la pollution sonore gênerait des dizaines de villages et perturberait le cycle migratoire de certains oiseaux.
Autre exemple, Marta, maya de Campeche (Yucatan) a dénoncé les conséquences de l’agro-industrie dans sa région : « Ils ne sèment pas la vie, ils sèment la mort », avant d’ajouter : « La défense du territoire, c’est avant tout la défense de nos graines ». Les traditions d’agriculture durable comme celle du milpa qui consiste à cultiver le maïs, la courge et les haricots de manière complémentaire sont menacés dans la péninsule. Les grandes industries profitent du climat favorable aux cultures, s’installent et utilisent fréquemment des pesticides. Notamment le glyphosate qui met en danger la santé des paysans locaux et la soutenabilité des sols.
Les interventions successives des représentants de communautés indigènes sonnaient comme de véritables réquisitoires contre l'irresponsabilité du gouvernement fédéral. Éternel époux de la machine capitaliste, il s'empare des fleuves, des lacs, des forêts et des montagnes sur la totalité du territoire mexicain.

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26 ans plus tard, les zapatistes restent debout
Le symptôme du décalage entre la politique fédérale et les réalités locales a resurgi en 1994 avec l’apparition de l’EZLN qui revendique le respect des identités et coutumes indigènes. L’arrière-plan historique de la conflagration entre les civilisations précolombiennes et hispaniques continue de peser, aujourd’hui dans le fonctionnement des institutions du Mexique.
Le deuxième jour, après les multiples interventions de la veille, c’est la commanderie de l’EZLN qui a pris la parole en grande pédagogue, sur les sujets de l’autonomie politique et de la démocratie directe. Les thèmes des hôpitaux autonomes accessibles à tous, de l’organisation politique et de la jeunesse, futur du mouvement, ont été abordés. Toutefois, c’est celui de la place des femmes qui a généré le plus d’attention. « Que si ! Nous pouvons participer aux assemblées et faire le travail ! ». Ces mots, prononcés par une anonyme fière de ses 26 années d’expérimentations politiques égalitaires respiraient l’espoir.
À noter que les villages autonomes possédent des "comissions de vigilances" composées uniquement de femmes qui dénoncent les abus sexistes dans les communautés. Si ce système de garde-fou n'est pas encore parfait, il reste tout de même nécessaire. Aujourd'hui, dans les villages autogérés, elles affirment avoir autant de chances que les hommes de représenter politiquement leur communauté, de participer aux travaux collectifs ou encore, de rejoindre l'armée. Notons que les journées du 26 au 29 Décembre qui suivaient étaient consacrés à la très attendue rencontre internationale des femmes qui luttent (deuxième édition).
Le successeur du fameux sous-commandant Marcos, le sous-commandant Moisés, a conclu l’intervention sur une note poétique et provocatrice : « Contrairement à nos politiques, nous ne nous servons pas nous-même, nous servons et servirons toujours le peuple ».

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*Par souci d'anonymat, les prénoms des intervenants ont été modifiés.