Le constat indéniable du changement climatique
Le premier chapitre du texte s’intitule « La crise climatique globale ». Le Pape y fait le constat du changement climatique contemporain, et de ses nombreuses conséquences à travers le monde : "Nul ne peut ignorer que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous." Et il n’oublie pas d’alerter sur le fait que ces dommages causés par l’activité humaine pourraient rapidement être irréversibles -si ce n’est pas déjà le cas- : « Certaines manifestations de cette crise climatique sont déjà irréversibles pour des centaines d’années au moins, comme l’augmentation de la température globale des océans, leur acidification et leur appauvrissement en oxygène. ». En effet, rappelons nous de l’étude menée par 29 scientifiques, publiée le 13 septembre 2023, qui explique qu’en plus des 6 limites planétaires déjà dépassées (le changement climatique, la déforestation, la perte de biodiversité, la quantité de produits chimiques synthétiques, la raréfaction de l’eau douce et l’équilibre du cycle de l’azote), 2 autres sont sur le point d’être franchies (l’acidification des océans et la concentration de particules fines polluantes dans l’atmosphère). Seul l’état de la couche d’ozone reste en dessous de sa limite, et tend même à s’améliorer.

Agrandissement : Illustration 1

Le Pape le dit bien, il est juste encore de temps de faire quelque chose, non pas pour sauver la planète et notre environnement, mais bien pour éviter les dégâts les plus catastrophiques de l’activité humaine : « Nous avons juste le temps d’éviter des dégâts encore plus dramatiques. ». Pas très joyeux, en effet, mais plutôt réaliste.
Le Pape dénonce en effet les climato-sceptiques du monde entier,. Comment peut-on, encore aujourd’hui, nier ce constat si évident : l’activité humaine, au moins depuis les révolutions industrielles du XIX° siècle si ce n’est avant, a un fort impact sur l’environnement et cause de graves dommages sur notre planète. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Et pourtant, comme le dit le Pape François, « Ces dernières années, de nombreuses personnes ont tenté de se moquer de ce constat. Elles font appel à des données supposées scientifiquement solides, comme le fait que la planète a toujours connu et connaîtra toujours des périodes de refroidissement et de réchauffement. ». Mais le Pape répond : « Elles oublient de mentionner un autre fait pertinent : ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une accélération inhabituelle du réchauffement, à une vitesse telle qu’il suffit d’une génération - et non des siècles ou des millénaires - pour le constater. ». Il est vrai que la planète a déjà connu des changements climatiques et en connaîtra toujours (l'optimum climatique médiéval entre 900 et 1300, avec un adoucissement des températures, ou le petit âge glaciaire entre 1500 et 1800, qui a entraîné disettes et famines dans l'Europe de l'Ouest), mais celui-ci se distingue par une ampleur hors-norme, et ne provient pas d'activités climatiques naturelles mais bien de l'action humaine (d'où le terme d'Anthropocène utilisé depuis 2016, où l'on retrouve le terme anthros d'origine grecque, signifiant Homme).
La responsabilité des pays riches
« Je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture. » Voici ce que dit le Pape François dans le deuxième paragraphe de son texte. L’auteur se désole en effet d’un manque de coopération internationale, et surtout d’un manque d’intérêt des puissances du monde pour cette question : « Malheureusement, la crise climatique n’est pas vraiment un sujet d’intérêt pour les grandes puissances économiques, soucieuses du plus grand profit au moindre coût et dans les plus brefs délais possibles. ». C’est dans cette phrase tout le système de vie et de consommation occidental que le Pape vise. Il qualifiera en effet plus loin le modèle occidental d’« irresponsable ». C’est en particulier les Etats-Unis, deuxième pollueur du monde derrière la Chine, qu’il cible. Avec un mode de vie de surconsommation et de surexploitation des ressources naturelles, leurs émissions par habitants sont en effet parmi les plus élevées au monde (1,7 fois plus élevées que la Chine, plus de 2 fois plus importantes que l’UE, et 40 fois plus hautes que les pays à faible revenu, selon des chiffres de le Banque mondiale de 2020).
Comme il le dit dans son exhortation, ce sont avant tout les pays riches et les populations riches qui sont responsables du changement climatique, et non pas les populations pauvres comme certaines personnes tentent de le faire croire ("Dans une tentative de simplifier la réalité, certains attribuent la responsabilité aux pauvres parce qu’ils ont beaucoup d’enfants, et ils cherchent même à résoudre le problème en mutilant les femmes des pays les moins développés. Comme toujours, il semblerait que ce soit la faute des pauvres.") : "La réalité est qu’un faible pourcentage des plus riches de la planète pollue plus que les 50 % les plus pauvres de la population mondiale.". Un appel à la reconnaissance des véritables responsables de ce réchauffement climatique.
L'appel à la coopération internationale
C’est l’avenir de nos enfants dont il est question, et qu’il faut à tout prix préserver. Pour cela, le Pape ne voit pas d’autre solution qu’un réel « multilatéralisme », à construire entre les pays du monde pour former une véritable coopération par rapport aux enjeux environnementaux. L’auteur du texte regrette que la crise financière de 2007-2008 et la pandémie de covid-19 n’aient pas permis d’enclencher cette mécanique d’accords internationaux et d’entente entre les puissances. Il parle en effet d’« opportunités perdues » à ces moments-là.
L’homme se permet donc de « rêver » quant à la prochaine COP, à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis. Il souhaite des discussions entre les dirigeants sur les moyens de mettre en œuvre une transition énergétique, avec des règles qui soient « efficaces, contraignantes et facilement contrôlables ». Rappelons nous que son précédent texte Laudato si’ avait précédé les accords historiques de Paris, dans lesquels les dirigeants du monde se sont mis d’accord pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, avec un objectif de 1,5°C.
Une coopération difficilement concevable malgré tout
Toutefois, il est difficile d’attendre quelque chose de cette COP 28. Outre le fait qu’elle soit dirigée par le Sultan-al-Jaber, président d’une compagnie pétrolière mondiale, les récentes COP n’ont jamais abouti à de grands accords. Même les accords de Paris, avec la limite de 1,5°C, ne semblent pas vraiment contraindre de nombreux pays qui continuent de polluer sans se soucier de l’environnement, ce qui laisse craindre que les 1,5°C ne soient bientôt dépassés.
Le Pape le dit lui-même, « Malgré de multiples négociations et accords, les émissions mondiales ont continué à augmenter ». En effet, la seule diminution récente des émissions de CO2 mondiales a pu être observée en 2020, au moment de la pandémie de covid-19 qui a arrêté l’activité économique de nombreux pays pendant plusieurs mois. Aucune avancée notable donc pour l’environnement, comme le constate tristement le Pape.

Agrandissement : Illustration 2

Le Pape conclut son exhortation par ces mots : « Espérons que ceux qui interviendront seront des stratèges capables de penser au bien commun et à l’avenir de leurs enfants, plutôt qu’aux intérêts circonstanciels de certains pays ou entreprises. Puissent-ils montrer ainsi la noblesse de la politique et non sa honte. ».