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Billet de blog 29 septembre 2024

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Lotte Kopecky conserve son titre mondial

Au terme d’une course chaotique, Lotte Kopecky conserve son titre de championne du monde dans un sprint à six, devant Chloé Dygert et Elisa Longo Borghini. Demi Vollering, 5ème, est la grande battue du jour.

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194 coureuses étaient alignées au départ à Uster. 68 pays étaient représentés lors de cette course, la Belgique étant l’équipe la plus nombreuse (8 concurrentes) devant la France, les Pays-Bas, la Pologne et les Etats-Unis (7).

Une circonstance tragique

C’est dans un contexte particulier qu’a commencé la journée. Le décès de Muriel Furrer (Suisse) a été annoncé hier par l’Union Cycliste Internationale (UCI) des suites d’une chute intervenue lors des championnats du monde junior jeudi. Le monde du cyclisme est évidemment bouleversé par cette nouvelle tragique.

Muriel n’avait que 18 ans, et des photos d’hommage ont abondamment été relayées sur les réseaux sociaux. Une minute de silence a été observée par les athlètes avant le départ.

Un circuit usant dans conditions épouvantables

Le circuit final de 26,8 kilomètres à Zurich a été parcouru quatre fois et demi, après un départ excentré à Uster.. Il comprenait deux difficultés majeures : le Zurich Bergstrasse, 800 m à 7,1 % de pente moyenne et un passage à 17 %, puis peu de temps après la côte de Witikon, 2,6 km à 5,7 %. De quoi opérer une belle sélection sur les 154,1 km de course au total.

Illustration 1
Le profil de la course en ligne femmes

La victoire était donc promise à une concurrente qui passait bien les bosses, mais qui, à moins de parvenir à s’isoler - ce qui n’était pas évident étant donné que les 15 derniers kilomètres du circuit étaient plutôt favorables – devait disposer d’une bonne pointe de vitesse pour régler un petit groupe au sprint. Et cela n’a pas manqué d’arriver, puisque la victoire s’est jouée entre 6 coureuses.

La difficulté du parcours n’a été qu’accentuée par des conditions météo compliquées. Du départ, donné à 12h45 à Uster, jusqu’à l’arrivée à Zurich, c’est un temps excécrable qui a accompagné les femmes. Les concurrentes ont donc évolué sous une météo terrible, avec de la pluie pendant l’intégralité de la course, et une température aux alentours de 10°C.

Mais en dépit du fait que la route était détrempée et que le circuit était majoritairement urbain, très peu de chutes ont eu lieu pendant la course. Et c’est tant mieux. Seules quelques concurrentes sont parties à la faute, mais rien de grave.

La course

Sur le papier, la Belgique et les Pays-Bas faisaient, comme bien souvent, figure de favorites. L’équipe de Belgique pouvait compter sur Lotte Kopecky, la tenante du titre, pour défendre son maillot face à une Demi Vollering (Pays-Bas) motivée, encore frustrée de sa deuxième place sur le Tour de France Femmes avec Zwift il y a un peu plus d’un mois maintenant (la troisième édition de la course a eu lieu du 12 au 18 août, entre Rotterdam et l’Alpe d’Huez).

En plus de ces leaders incontestables, les formations nationales pouvaient compter sur de solides collectifs. Pour la Belgique, Justine Ghekiere par exemple n’a pas manqué de dynamiter le final, elle qui avait remporté la septième étape du Tour de France cette année. Du côté des Pays-Bas, impossible de ne pas citer Marianne Vos qui, malgré son âge avancé (37 ans) continue de performer et a montré aujourd’hui qu’il fallait encore compter sur elle.

Une échappée matinale de trois coureuses s’est rapidement formée. S’y trouvaient Nina Berton (Luxembourg), Sara Martin (Espagne) et Caroline Baur (Suisse). Mais la pluie ayant rendu la course nerveuse, leur avance n’a jamais excédé les deux minutes. Leur périple s’est terminé au début du premier tour de circuit, à plus de 100 km de kilomètres de l’arrivée.

Pendant ce même tour, un contre a pris forme, composé à la base de 9 femmes, à une centaine de kilomètres de la fin. C’est la Néo-Zélandaise Niamh Fisher-Black qui en a été à l’origine, suivie par huit participantes, puis deux de plus lorsque Mischa Bredewold (Pays-Bas) et Franziska Koch (Allemagne) sont revenues avec un temps de retard. Le groupe a compté 35 secondes d’avance à 75 kilomètres de l’arrivée, mais a finalement été repris quelques kilomètres plus tard.

Après un gros tempo des Pays-Bas et quelques accélérations de Vollering, le groupe de tête s’est réduit à treize à 45 kilomètres de la fin. La course, très usante du fait de la météo et de son intensité, a produit quelques surprises : la vainqueure du Tour de France Femmes 2024 Katarzyna Niewiadoma (Pologne) a été distancée à un peu moins de 50 km de la fin, voyant ses ambitions s’envoler, elle qui était présentée comme l’une des potentielles favorites au même titre que Vollering et Kopecky. Avant elle, c’était d’autres grands noms tels que Pauline Ferrand-Prévot (France), Cecilie Uttrup Ludwig (Danemark) ou encore la grimpeuse italienne Giai Realini qui ont craqué.

Un quatuor de tête s’est formé avant d’entamer le dernier tour, composé de Ruby Roseman-Gannon (Australie), Justine Ghekiere (Belgique), Marianne Vos (Pays-Bas) et Riejanne Markus (Pays-Bas). Au son de cloche sur la ligne, le groupe disposait d’une minute d’avance sur un peloton qui n’avançait pas et a vu revenir de derrière quelques concurrentes précédemment distancées. L’avantage de l’échappée est même monté jusqu’à 1’25 selon les temps de l’organisation.

Néanmoins il aura suffi d’un coup de pétard de Demi Vollering, suivi d’une attaque de Longo Borghini pour condamner cette tentative.

Après une succession d’attaques des deux femmes, un groupe de quatre s’est présenté pour la victoire, rejoint par deux coureuses à la flamme rouge. Lotte Kopecky, Demi Vollering, Elisa Longo Borghini, Chloé Dygert, Liane Lippert et Ruby Roseman-Gannon se sont disputé le titre mondial, dans un final palpitant et quelque peu chaotique.

Après 154,1 kilomètres de course sous la pluie et 4h05 d'effort, c’est finalement Lotte Kopecky (Belgique) qui a réglé le sprint et conservé sa tunique pour une année de plus. Chloé Dygert (Etats-Unis) et Elisa Longo Borghini (Italie) complètent le podium.

Illustration 2
Lotte Kopecky règle un petit groupe au sprint conserve son titre de championne du monde © B.Papon/L'Equipe

Le top 10 complet :

1. Lotte Kopecky (BEL)

2. Chloé Dygert (USA)

3. Elisa Longo Borghini (ITA)

4. Liane Lippert (ALL)

5. Demi Vollering (NEL)

6. Ruby Roseman-Gannon (AUS) tmt.

7. Justine Ghekiere (BEL) +1’06

8. Marianne Vos (NEL)

9. Riejanne Markus (NEL) tmt.

10. Blanka Vas (HON) +3’

Une équipe néerlandaise désunie

Ce qui a frappé pendant cette course, c’est la gestion des Pays-Bas. L’équipe était sûrement la plus solide au départ, avec Demi Vollering, l’immense favorite, vainqueure du Tour de France Femmes 2023 et 2ème cette année pour seulement 4 secondes ; ainsi que de belles cartes comme la grande Marianne Vos (aux 255 victoires professionnelles), Puck Pieterse (récente championne du monde de VTT Cross-Country) ou encore Pauliena Rooijakkers (troisième du Tour de France 2024).

Malgré un collectif très fort, le titre leur a échappé. Leur stratégie n’a pas manqué d’interroger les commentateurs.

Pendant toute la course, la formation nous a donné la sensation d’être désordonnée. En effet, alors qu’un beau groupe a pris forme à environ 100 kilomètres de l’arrivée, comprenant deux Néerlandaises (Markus et Bredewold), leurs coéquipières ont roulé derrière elles et fait revenir le peloton à 75 km de l’arrivée. Il aurait été intelligent de profiter de cette situation de supériorité numérique à l’avant pour mettre la pression sur les autres formations, telles que la Belgique, seulement représentée par Justine Ghekiere.

En fait, Vollering a paru impatiente. Elle a voulu attaquer dans tous les sens, mettre tout le monde en difficulté. Ainsi, dans l’avant-dernier tour, alors que le peloton était regroupé, elle a accéléré dans la première bosse du circuit (la Zurich Bergstrasse, 800 mètres à 7,1 % de pente moyenne avec un passage à 17 %), puis la deuxième (la côte de Witikon, 2,6 km à 5,7 %). Résultat : toutes ses coéquipières étaient au rupteur, et il ne lui restait que Pieterse, Roijakkers et Vos, ces dernières étant revenues après avoir été lâchées par cette accélération.

Sur la fin de l’avant-dernier tour, un groupe de quatre de tête est parvenu à se former et a compté plus d’une minute d’avance sur le début du dernier tour. On y trouvait Justine Ghekiere (Belgique), Ruby Roseman-Gannon (Australie) ainsi que deux Hollandaises : Marianne Vos et Riejanne Markus. Là encore, la situation de supériorité numérique était profitable aux Néerlandaises, qui pouvaient rester passives et laisser d’autres nations travailler, comme l’Italie pour Longo Borghini par exemple. Mais que nenni, les Pays-Bas roulaient encore dans le peloton.

Et sur tout le dernier tour, Vollering a multiplié les tentatives, a tenté à de maintes reprises de s’échapper mais sans jamais placer d’attaque tranchante. Du Vollering. Ainsi, alors qu’elles étaient un groupe de tête de sept à 10 km de l’arrivée dont trois Néerlandaises, la deuxième du dernier Tour de France a attaqué, mais n’est parvenue qu’à lâcher ses deux coéquipières (dont Vos qui avait une chance au sprint) et Justine Ghekiere.

Illustration 3
Demi Vollering a tenté d'attaquer de nombreuses fois, comme ici à 10 km de l'arrivée, sans succès © Capture d'écran France TV

Finalement c’est un groupe de six qui s’est disputé le titre, et Vollering termine cinquième, frustrée, ayant tout essayé mais sans n’avoir jamais mis en place de réelle stratégie efficace pour épuiser ses adversaires en faisant relayer son équipe pour placer l’attaque décisive dans le dernier tour.

Tout n’est quand même pas noir pour les Pays-Bas qui remportent la course en espoirs (moins de 23 ans) avec le phénomène Puck Pieterse, nom que vous entendrez régulièrement dans les années à venir, et que l’on entend déjà souvent, en VTT notamment.

C’est d’ailleurs la dernière année que les deux courses sont disputées en même temps puisqu’à partir de 2025, les deux compétitions auront lieu séparément.

Côté français

Certes l’équipe de France ne possédait pas la grande leader capable de distancer tout le monde à la pédale. Mais malgré tout, le collectif des sept Françaises s’affirmait comme l’un des plus consitants et homogènes.

Paul Brousse, sélectionneur de cette équipe, était bien sûr réaliste concernant les forces en présence : le titre semblait compliqué d’entrée, mais il savait avoir l’« un des meilleurs collectifs sur le papier ». Son envie était de déstabiliser les grosses formations en ayant un été d’esprit offensif et opportuniste.

Parmi les sept, de grands noms tout de même : Juliette Labous, la championne de France, Pauline Ferrand-Prévot, championne olympique de VTT ou encore Cédrine Kerbaol, vainqueure d’une étape du Tour de France cette année. Sans oublier Marion Bunel, Evita Muzic, Jade Wiel et Léa Curinier bien sûr. Bref, un beau collectif, homogène, capable de dynamiter la course.

Cependant, la performance des athlètes n’a pas été à la hauteur de leurs espérances. Revenue après trois ans d’absence sur la route, Pauline Ferrand-Prévot a abandonné après avoir été lâchée tôt dans la course, tout comme Jade Wiel et Léa Curinier, sans qu’elles n’aient pu jouer un quelconque rôle. De même, Marion Bunel, vainqueure du Tour de l’Avenir cette année (l’équivalent du Tour de France chez les U23) et qui pouvait prétendre au titre chez les espoirs a terminé à la 57ème place, à 11 minutes de Lotte Kopecky.

Juliette Labous est la mieux placée (12ème à trois minutes), mais ne s’est pas beaucoup montrée, mis à part une tentative d’attaque rapidement avortée à 43 km de l’arrivée.

Nous pouvons imaginer la déception chez les coureuses françaises qui comptaient utiliser tout leur potentiel, mais ont finalement été relativement invisibles durant ces championnats du monde.

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