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Billet de blog 26 décembre 2024

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Le suicide d'un cheminot vaut plus que des réactions excédées

Après le suicide de Bruno Rejony sur son lieu de travail, certaines réactions médiatiques ou politiques ne semblent pas prendre la pleine mesure de la gravité du geste de ce conducteur de train, préférant se concentrer sur les conséquences pour les usagers.

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Mardi 24 décembre, le soir du réveillon, Bruno Rejony s'est suicidé sur son lieu de travail.

Ce conducteur de 52 ans proche de la retraite, qualifié de "mec en or, mais torturé" par un proche sur RMC, était engagé au sein de la CGT. Il est décrit comme "très sympathique, très posé, très combatif, toujours bienveillant" par Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire : "Il prenait toujours du temps pour expliquer les situations et les luttes qu’ils portaient. En public, il ne renvoyait pas une telle souffrance personnelle."

Une souffrance qui l'a pourtant conduit à commettre l'irréparable. D'après les premiers retours de l'enquête, le geste de Bruno semble d'abord lié à des difficultés personnelles. Mais se donner la mort sur son lieu de travail n'a rien d'anodin, surtout si on en croit les dires de ses collègues : "De mémoire de cheminot, c'est la première fois que j'entends qu'un conducteur se jette de sa cabine TGV en pleine voie", a relaté, mercredi sur franceinfo, Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First.

De l'indécence à l'abject chez BFM TV

Comme on peut s'y attendre, les premières réactions de la SNCF et des médias se sont surtout concentrées sur les conséquences de cet acte tragique pour les usagers. On peut effectivement être soulagé en apprenant que le suicide de Bruno Rejony n'a fait aucun blessé parmi les passagers du train. Mais certains reportages recueillant les réactions excédées des usagers frôlent l'indécence quand on connaît la cause des multiples retards de train ce soir-là.

Petit zoom sur un reportage de BFM, sobrement intitulé "Des milliers de naufragés de Noël". Pendant une minute, les commentaires de passagers "exténués, excédés", qui vivent "un réveillon cauchemar". Les personnes interviewées n'étaient peut-être pas au courant du drame qui venait de se jouer, puisqu'il était simplement qualifié "d'accident de personne".

Mais la chaîne ne s'est pas donné la peine de restituer le contexte, préférant axer le reportage sur ces pauvres familles qui n'ont pas pu retrouver les leurs à Noël. On se contentera de ce commentaire abject du journaliste en plateau : "Ça ne leur rendra pas leur soirée mais la SNCF a annoncé que ceux qui ont été impactés seraient remboursés à hauteur de 100% du prix de leur trajet." Pas une parole pour la famille ou les collègues de Bruno.

Du côté du ministre des Transports

Dans la même veine, les réactions du ministre des Transports Philippe Tabarot parlent d'abord des "conséquences importantes pour les usagers", avant d'accorder, dans un second temps, "une pensée émue pour sa famille et la famille cheminote".

On peut tout de même saluer cette remarque, presque salutaire, lors d'une interview sur RMC : "Beaucoup de gens n'ont pas pu passer le réveillon en famille, mais il y avait aussi derrière ça un drame humain : il y a une famille qui a été particulièrement endeuillée..." Nous n'en saurons pas plus, puisque c'est à ce moment que le présentateur choisit de couper le ministre.

Quel suivi psychologique pour les fonctionnaires ?

À chaud, le suicide de Bruno Rejony engendre d'abord la colère des usagers à la télé, et du public sur les réseaux sociaux. On considère cet acte comme un geste égoïste, sans jamais poser la question du suivi psychologique des cheminots. Pourtant, Bernard Aubin a bien rappelé que les examens psychotechniques déjà mis en place étaient un dispositif insuffisant : "On place la personne dans une situation de stress, explique-t-il. Si on voit qu’elle perd ses moyens, elle ne sera pas sélectionnée. Mais c’est plutôt une mesure d’aptitude qu’un bilan psychologique."

À défaut de trouver des réactions compatissantes à la télévision, on peut lire des portraits édifiants de Bruno Rejony, où ses proches le décrivent comme un homme "sensible et d’une intégrité rare"

Si vous ou l'un de vos proches a des pensées suicidaires, la ligne 3114 est le numéro national de prévention du suicide. Un professionnel de soins (infirmier ou psychologue), spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute afin d’évaluer votre situation et vous proposer des ressources adaptées à vos besoins ou à ceux de vos proches. La ligne est ouverte 24h/24, 7j/7. L’appel est gratuit et confidentiel.

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