Dans le cadre de la mise en place du nouveau gouvernement, la rigueur affichée concernant le non-cumul des mandats apparaît comme une promesse de renouvellement de notre corps représentatif. Outre que cela satisfait la condition de disponibilité que l'on est en droit d'attendre d'un élu comme d'un ministre, la disposition fera, peut-être, souffler un petit vent frais de renouvellement au cœur du corps de nos édiles.
Chacun à sa tâche et une tâche à chacun, la chose est plaisante à imaginer.
Dès lors, pourquoi mettre en place cette machine infernale que sont les modalités de gestion des candidatures de ministres aux élections législatives ?
Rappel des faits :
Les ministres ne sont pas obligés de se présenter dans une circonscription, mais ils sont néanmoins une bonne vingtaine à le faire. Suite au scrutin, les ministres qui ne seraient pas élus seront sommés de démissionner de leur poste ministériel. Les ministres élus, quant à eux, seront sommés de démissionner de leur siège de député.
Ces dispositions confinent à l'absurde sur plusieurs plans.
D'une part, elles construisent une situation schizophrénique dans laquelle un ministre se présente devant le suffrage universel alors que tout le monde sait que son élection conduira à faire siéger quelqu'un d'autre (son suppléant) à l'assemblée nationale.
D'autre part, elles entretiennent une confusion gênante entre les modes de désignation des responsables. Si le président de la république et les députés reçoivent leur légitimité du suffrage universel, les ministres, eux, sont nommés par le Président de la République sur proposition du Premier Ministre. Il n'y a dans ces nominations, aucune intervention du suffrage universel et les ministres n'ont pas à revendiquer de légitimité par le vote. Le choix des ministres s'effectue, au moins peut-on l'espérer, sur la qualité intrinsèque des personnes dans le cadre de la tâche qui leur sera confiée, et non en fonction de sa légitimité populaire.
Quel est l'intérêt, en termes de fonctionnement constitutionnel, de mélanger ainsi les modes de légitimité ? Si le rédacteur de la constitution avait voulu placer les ministres sous le contrôle du suffrage universel, il aurait tout à fait pu imposer que ceux-ci soient nécessairement issus du corps des chambres. Cela n'a pas été le cas, et l'application de la règle présentée par Monsieur Eyraud (et appliquée précédemment sous la présidence Sarkosy) apparaît comme une aberration constitutionnelle.
Enfin, pour l'électeur de base, comment lire ces candidatures "virtuelles" autrement que sous l'angle du montage permettant de valoriser la médiatisation de la fonction ministérielle auprès de l'électorat. On sait qu'il est souvent plus aisé d'attirer les voix pour un personnage en vue que pour un candidat ne bénéficiant pas de l'exposition médiatique ministérielle. On comprend l'intérêt de cette organisation pour les partis au gouvernement, on en saisit moins la logique sur le plan, pourtant revendiqué, de la cohérence et de l'éthique ainsi que sur le plan de la logique constitutionnelle.
Erwan Queffélec