Des relations pour tous
Hier la prise de conscience de l'existence d'entités ni humaines ni animales était actée par le simple fait que des humains en parlent, les évoquent, tentent de décrire les parties qui les composent. Chacun avec pour trait commun l'importance de maintenir un lien, d'entretenir une relation. Aujourd'hui chaque jour un peu plus de monde continue de pousser pour aller plus loin. En menant le raisonnement jusqu'au bout, on pourrait en venir à se demander si des nations ou des sociétés humaines organisées qui luttent ouvertement ne participent pas en fait fondamentalement et avant tout au maintien de ce lien, au maintien d'une relation. Après tout, des ennemis qui se battent en viendront toujours à plus tard construire la paix, ensemble. À contrario, ceux qui luttent en secret en créant de la division par la manipulation dans un monde en paix, ou bien dans le même registre tous ceux qui tentent de créer des cercles exclusifs, c'est à dire excluant, ou de juger qu'untel ou une autre serait digne ou mériterait d'être sauvé plutôt que d'autres, ceux-là travaillent à ce que la relation cesse, car elle n'est pas rendue possible pour tous. Ils façonnent faussement la croyance en une relation réservée comme un privilège à un petit cénacle de soit-disant initiés. Est-ce que ceux qui déclarent ouvertement une guerre ou une attaque ne participent pas simplement à l'établissement d'un lien, bien que de nature violente, à la vue et au su de tous ? Ils participeraient peut-être à l'accélération du phénomène de conscientisation de l'importance du lien, de la relation. Car dans un espace en paix, la connaissance même de l'existence d'un conflit ailleurs n'incite-t-elle pas tous ceux qui sont à priori pas en conflit, ceux qui ne sont pas encore affectés, à se mettre en relation entre eux, à se mettre en mouvement vers d'autres qu'eux ? Se prétendre en paix en se parant de ses attributs tout en ayant une intention foncièrement belliqueuse et violente n'est-il pas la pire des impostures et perversions, action masquée, trompant le monde tout en prétendant en prendre soin?
Reprendre le fil de l'écriture, surtout lorsque la pause fut longue, est à la fois libérateur et égoïstement jouissif. Poser son esprit sur du papier afin de structurer ce qui nous traverse est absolument salvateur. Mais au-dessus de ce ressenti personnel, c'est en fait cet instant collectif, ce rassemblement de matière que guide l'esprit au dessus du cadre temporel que les religieux de la science tentent d'imposer, qui prime sur tout le reste. Ces lignes sont vos lignes. Ces lignes sont nos lignes. Ces lignes sont le vivant qui, en dialoguant avec elle, se libère de la machine et de l'outil technique dominant de l'époque. Un vivant en lutte dans sa relation avec la science. Un vivant critique vis-à-vis d'une science prétendument raisonnable et cartésienne mais en fait transformée en religion archaïque dont on ne peut plus ne serait-ce que remettre en question, discuter, le dogme.
Ils sont cernés
Ils sont cernés et n'ont maintenant plus nulle part où aller. C'est d'ailleurs peut-être une des raisons qui expliquerait leur violence de désespérés. Leur petite clique tente bien d'organiser la fuite vers l'espace mais malheureusement pour eux toute la meute des chiens de garde ne pourra pas monter à bord. Au fur et à mesure que la quantité de support numérique à disposition cessera de grandir, de croître, alors mécaniquement leur logique s’effondrera car elle a intrinsèquement besoin de toujours plus de matière. La métaphore du feu qui se consume correspond bien à la situation. Ces lignes ont d'abord été écrites sur du papier, et pour accentuer ce qu'elles tentent de matérialiser alors il eut fallu qu'elles ne soient jamais retranscrites sur un support numérique. Mais l'état de guerre ouverte et généralisée étant maintenant un fait qui se confirme chaque jour un peu plus, et bien que stratégiquement il eut été peut-être plus recommandable de rester discret quant à ses intentions et d'attendre prudemment pour s'assurer de sa force, se montrer au grand jour, qui plus est sur un support à priori non propice à la soutenabilité à long terme, est d'abord un moyen de faire sortir le garde de caserne pour tenter de dissuader les belliqueux les moins déterminés – mais aussi les plus intelligents - de continuer de menacer notre monde. C'est aussi une preuve d'amour ultime, car l'ouverture est sincère. Nous rejetons leur absolutisme radical et dogmatique en une science ruine de l'âme car sans conscience, mais nous prenons soin de les avertir sur un canal qui leur est encore accessible. Attendre pour prendre le temps de diffuser ces écrits de main en main, de bouche à oreille – les formes de transmission que nous plaçons souvent sur un piédestal – aurait contribué à garder quasi-secrète une lutte qui doit maintenant continuer d'exister au grand jour. De toute façon ils ont tellement gâté le verbe et le sens des mots jusqu'à la nausée, ils ont élevé le mensonge au rang de normalité et fait du non-sens dans les conversations une valeur quasi-cardinale pour empêcher tout développement structuré de l'esprit, qu'il est de plus en plus difficile de trouver un vrai camarade dont on puisse intuitivement savoir, même sans l'avoir beaucoup fréquenté, que sa fiabilité et sa droiture sont des valeurs sur lesquelles en cas de besoin compter. Leur science a le goût et l'odeur du sang de ceux qui imposent par la force. Leur science se meurt car elle refuse de revenir sur des acquis qui ne sont valables et vérifiés que dans un certain espace temps. Leur science est fausse car elle n'a pas réussi à mettre en place des mécanismes pour la relation avec le reste du vivant.
La petite cadence de l'horloge face à la grandeur de l'immensité du Temps
Le garde est sorti de sa caserne en leur montrant l'arme avec laquelle il peut éventuellement se défendre. Mais le garde est avant tout en paix car il est encore temps. La probabilité qu'il ne fasse pas usage de son arme sera aussi élevée que la quantité d'humilité dont feront preuve ceux qui tiennent encore une majeure partie des rênes de la grande horloge du monde moderne, chacun à leur petit niveau, du monde façonné par la giga-machine techno-thermo-industrielle. Le garde est en paix mais il est maintenant sorti. Il sera inutile de tenter d'établir un lien avec lui sans qu'il ne perçoive toute prise d'initiative étrangère de dialogue comme une menace. Des dialogues sont possibles. Les éléments diplomates et ouverts sont nombreux, ils sont même légion. Mais puisque leur route et leur recette sont fausses – ce depuis maintenant trop longtemps – et que la période est à présent critique, l'approche, l'angle et le ton employé devront drastiquement, profondément et sincèrement être retravaillés. À vrai dire, la raison, concept qu'ils prétendent établir comme valeur cardinale, voudrait qu'ils baissent les armes et entrent en silence comme de nouveaux étudiants arrivant en cours de cursus, comme un nouveau venu dans une grande famille. Les méthodes et techniques de communication, c'est-à-dire les moyens pour l'échange des positions de l'esprit de chacun afin d'élaborer une langue – une danse dans le cas du non-verbal – de compréhension et de respect mutuel, elles-aussi, devront être maniées avec parcimonie, précaution et justesse. Bien que leurs costumes si propres ne permettent à priori pas de s'attendre à des agissements aussi sales, leurs manipulations sont tellement connues et sont si grossières qu'en persistant d'en faire usage ils ne feraient que perdre du temps. Bien qu'ils maîtrisent éventuellement l'horloge et aient souvent tenté d'imposer la cadence, le Temps, lui, nous appartient à tous. Tout simplement car nous n'en n'avons maintenant plus besoin de plus. Car chaque jour notre intelligence collective nous aide à essayer d'en avoir une compréhension un peu plus complète, objectif ultime dont la nature même, très probablement d'essence divine, est de ne jamais pouvoir être pleinement atteint, objectif en quête permanente et perpétuelle. Chaque jour qu'Il fait, le Temps nous aide à essayer de cerner son sens profond.