Il y a un moment assez difficile à passer dans ce qu'on peut entendre des incitations à la haine, des autres donc de soi, portées par le journaliste et éditorialiste qui prétend avoir la stature d'un homme d'Etat et de pouvoir. On a toléré ses limites et approximations intellectuelles et historiques lorsqu'il débinait son monologue sur une chaine d'info en continue sans quasiment aucune contradiction. On s'est dit que la pluralité et la diversité des opinions était suffisante pour que les raccourcis et confusions développés puissent être noyées dans un flot de mots et de paroles du reste du champ médiatique. Et puis. Et puis on l'a vu ensuite se mettre à porter la cravate, et pour ceux comme moi qui était habitué à le voir s'exprimer sans dans telle ou telle émission, ce changement était le signe évident d'autre chose : une campagne politique qui ne dit pas son nom. J'ouvre au passage une petite parenthèse : on peut se demander ce que signifie cette cravate, et pourquoi il faut la porter quand on concourt à la prise du pouvoir ? On se rappel comment certains députés ont été montré du doigt lorsqu'ils ont refusé de la porter à l'Assemblée Nationale. Est-ce parce qu'il faut toujours se tenir prêt à participer à tout instant à un office religieux, une réunion spirituelle, un colloque ? À passer un examen de passage de vérification de ses valeurs devant un parterre de juges qui auraient à donner leur avis ? Chacun se fera sa propre réponse selon ce qu'il sait, ce qu'il observe, ce qu'il imagine.
Les deux facettes d'un même pouvoir
Si je m'égare un peu sur ce pouvoir en place, si diabolique et qui tente de nous ensorceler par ses pratiques occultes, c'est avant tout par soucis de transition. Il est maintenant évident qu'il y a des passerelles qui existent entre des ministres actuellement en place, leurs militants et sympathisants, et l'idéologie réactionnaire, autoritaire et par certains aspects totalitaire. Le pouvoir en place a aussi joué avec le feu : on se rappelle des infamantes arrivées en pleine hémicycle de mots comme « islamo-gauchisme », « wokisme ». Quelle bouffonnerie! Mais c'est aussi, et c'est un point important, le symptôme d'une profonde ignorance ethnologique et anthropologique de la société toute entière. D'ailleurs, qui se rappelle avoir déjà entendu parler d'ethnologie et d'anthropologie à l'école, ces choses étranges et mystérieuses? La vie étant par nature mystérieuse, chassez le mystérieux, et il reviendra au galop. Ajoutez à cela les limites et lacunes intellectuelles de certaines des têtes de gondoles journalistiques et médiatiques : impressionnant de les entendre bêler en troupeau, ou aboyer et hurler en meute, c'est selon la forme et la taille de leurs dents. Ajoutez-y aussi une situation sociale plus que difficile après une très longue crise économique complétée par une longue crise sanitaire, et vous avez alors tous les ingrédients d'une vinaigrette bien corsée. Remarquez, la vinaigrette de nos jours, certains la laissent dans un bol à côté de la salade pour que chacun puisse faire à sa sauce, dans son assiette...
Il faut admettre que de notre côté, les humanistes, les progressistes, la mise à plat n'a jamais été faite assez explicitement. Il y eut un peu de suffisance, il faut le reconnaitre, et beaucoup trop d'implicite dans nos démonstrations. Notamment lorsqu'on a pu pensé qu'il suffisait de voir des équipes sportives complètement créolisées remporter des trophées pour qu'on n'explique pas encore plus en détail ce que cela signifiait. Kopa, Platini, Zidane, M'Bappé pour les numéro 10. Griezmann, Benzema, Papin, Cantona, Guivarc'h, Djorkaeff, Ginola, Giroud, en attaque. Hernandez, Pavard, Barthez, Thuram, Dessailly, Deschamps, Kanté au milieu et en défense : qu'elle est belle notre France! Les prénoms? Raymond, Michel, Zinedine, Kilian, Antoine, Karim, Jean-Pierre, Eric, Stephane, Youri, David, Olivier, Théo, Benjamin, Fabien, Lilian, Marcel, Didier, N'Golo. Malheureusement il aurait fallu parler aussi des femmes de ménage, des ouvriers, des buralistes, des boulangers, des artisans, des employés de bureau. Bref, des travailleurs du quotidien, « invisibles » pour un homme de télévision et de presse, mais bel et bien réels. Il aurait fallut les montrer. Sans parler de l'armée qui nous a libérée de l'idéologie nazie et suprémacisme aryen, sur le front sud de Provence au milieu du XXème siècle. Aux batailles de Monte-Cassino en 1943, pour les troupes françaises, il y avait essentiellement des soldats de l'Armée d'Afrique (plus précisément Afrique du Nord). Faut-il le rappeler? Mais comme les seuls à s'être emparés du thème de l'identité ont souvent été les plus réactionnaires - celui qui a commencé la confusion a été Sarkozy avec le nauséabond Buisson -, et bien voilà où on en est. On aurait tout simplement pu leur répondre par leurs propres mots, puisque ces gens ont poussé la perversion enfantine jusqu'à son paroxysme: pointer du doigt un autre alors qu'en fait c'est eux-même qu'ils décrivent. Notre France, si tu l'aimes pas, et bien quitte-la! Encore aujourd'hui, à tous ceux qui disent « charges » plutôt que de « cotisations », et qui ne jurent que par le libre-échange et l'abaissement au strict minimum de l'imposition, qui devrait être le même pour tous, une dime qui ne dit pas son nom : vous pouvez aller voir ailleurs si on y est! Allez voir en Angleterre, aux Etats-Unis, terres où, c'est bien connu, rayonnent le bien-être, la bonne-bouffe et le mieux vivre. Vous êtes libres, prenez vos responsabilités. Vous n'aimez pas notre modèle social, profondément égalitaire ? Alors, partez! Nous, on reste, et on partage, sans distinction.
Le paragraphe qui va suivre est aussi valable aussi pour une bonne partie du pouvoir en place. Ce journaliste-éditorialiste, devenu candidat à une élection démocratique, et ses (nouveaux) soutiens sont d'un autre temps. Du XVIIIème siècle? Du XIXème siècle? Du temps où les théories évolutionnistes, aujourd'hui largement rejetées, étaient dominantes? Peut-être. Peut-être un blocage non-résolu qui remonte à leurs ancêtres, va savoir. Ce possibles nœuds potentiellement incompris, peut-être refoulé, pourrait bien en faire des sociopathes. Pour que chacun puisse juger par lui-même, voici quelques marqueurs de ce que sont des comportements sociopathe: « incapacité à se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux (répétition de comportements passibles d'arrestation, par exemple) », « tendance à tromper par profit ou par plaisir (mensonges répétés, utilisation de pseudonymes, escroqueries) », « absence de remords ou d’empathie (indifférence, besoin se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui) ». Qu'on se rassure, ce ne sont pas les premiers, il n'y a qu'à voir la brochette de ministres en place et les casseroles judiciaires qu'ils trainent. Je vous avais prévenu, le paragraphe est valable pour une bonne partie de ces droitiers prétendument centriste. Les deux facettes d'un même pouvoir. Mais s'ils ont pu se hisser jusque là, c'est qu'un espace est laissé et existe pour que la sociopathie puisse s'exprimer, dans les arcanes du pouvoir mais aussi dans la sphère médiatique. Pour m'être récemment arrêté le temps de quelques heures sur ce que cet ancien éditorialiste et nouvelement candidat débine et laisse croire dans une émission d'échange avec des téléspectateurs (celle du mercredi 9 février sur BFM), notamment pour comprendre sa pensée, et donc l'analyser pour la combattre, je peux maintenant préciser avec le début de connaissances anthropologiques et ethnologiques auxquelles j'accède que les nombreuses références qu'il mobilise sont en fait par nature fausse, puisqu'elles ne prennent pas en compte le contact rapproché de la France avec d'autres ethnies, qui s'est accéléré depuis 500 ans : esclavage puis esclavagisme des Noirs, colonisation, colonialisme, puis ensuite décolonisation noyée dans les préoccupations capitalistes, donc migrations organisées de main-d'œuvre pour faire fonctionner l'appareil productif. Si on remonte plus loin, l'ancêtre de la France est l'espace dominé par le groupe ethnique des Francs, qui serait originaire des rivières du nord de la France et de la Belgique. Notre territoire métropolitain est le résultat d'une extension du domaine royal et du ratachement de certaines provinces. Rome ne s'est pas faite en un jour.
Un fait anthropologique
D'un point de vue anthropologique, la société française est, par ces faits historiques et anthropologique, multi-ethnique, donc forcément aussi un peu pluri-culturelle. Au fond, a-t-on déjà eu un jour l'idée d'interdire les restaurants étrangers - italien, thaïlandais, vietnamien, américain, japonais, turque, grec, libanais - car ils dénaturaient notre culture autochtone? Ils peuvent essayer de refaire l'histoire dans tous les sens, et d'imaginer toutes sortes de scénarios avec des « si », mais rien ne viendra à bout de leurs obsessions: la France a autrefois fait le choix, lorsqu'elle fut un royaume, puis ensuite une République, avec d'autres nations européennes, de coloniser une partie du monde, puis parfois ensuite d'y faire venir hommes et femmes pour travailler et la défendre militairement. C'est le pouvoir central de l'époque qui a permis à ces projections vers l'extérieur d'avoir lieu, ainsi n'importe quel personne ou groupe de personnes souhaitant proposer un projet de société et accéder au pouvoir de le mettre en œuvre ne peut pas renier cette partie de notre histoire car de fait il ne serait tout simplement pas Français. Ce mélange est notamment visible dans les compétions sportives. Le sport, qui est par essence une forme d'expression et un concentré de rivalités civiles, autrefois militaires, entre nations, entre ethnies. Tensions et rivalités qui ont été catalysées afin qu'elles se transforment en un instant pacifique, le moins violent possible. Miracle et magie du sport. Si, lorsqu'on complète cette très rapide démonstration avec ce qu'à toujours été la France, c'est-à-dire un espace de dialogue et un savant mélange, alors on est dans une situation assez simple, bien qu'extrêmement paradoxale : un candidat à une élection démocratique de la République, qui plus est pour mener notre pays depuis tout en haut, refuse d'accepter la France telle qu'elle est. Refuser cette partie de l'héritage, c'est refuser l'entièreté de l'héritage. Que certains le voient comme une richesse ou d'autres comme une dette, dans tout les cas ce fait anthropologique est là, visible sur sur notre peau. Quand on hérite, c'est tout ou rien. La France est par nature un mélange, un carrefour, notamment celui de l'Europe occidentale. Une façade terrestre et deux façades maritimes, dont un océan et une mer quasi-fermée. De tous temps princes et princesses, rois et reines, ont fait venir des artisans, artistes, ingénieurs, savants, etc. À l'époque beaucoup d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Hollande, d'Autriche. Parfois d'ailleurs. Toutes ces immigrations choisies et subventionnées ont eu lieu pour faire progresser les sciences et la recherche, l'université. Ce candidat refuse ainsi d'accepter sa propre identité: sa famille a été embarquée dans le bateau France lorsque ses ancêtres ont été au contact de notre nation qui à l'époque colonisait encore. Il y en a un autre comme ça, c'est le ministre de l'immigration Danois : parait-il socialiste, dans tous les cas le fils d'un immigré éthiopien, qui participe maintenant la chasse à d'autres immigrés, notamment ceux qui cherchent et ont besoin d'une terre d'asile car en proie à des persécutions dans leurs contrées d'origine. Va comprendre.
La VIème République: l'occasion de regarder en face à la fois hier et avant-hier
Nous ne pouvons à présent plus faire l'impasse de cette analyse, car nous sommes collectivement responsables de tout ce que notre société produit, tant matériellement que philosophiquement, culturellement. Que ce soit en tant qu'homme ou femme de gauche, mais aussi plus généralement en tant que citoyen, fermer les yeux sur ce ou ces phénomènes médiatiques et symptomatiques qui surgissent, c'est aussi refuser de nous regarder en face et d'admettre nos limites, y compris spirituelles. La France est une République depuis 1789, aujourd'hui dans sa version 5.0. Ce candidat anormal est un produit médiatico-politique de notre 5ème République. Le constat qui est fait à travers ces lignes pourrait être suffisant pour convaincre que cette dernière version de notre République est à bout de souffle. Le mouvement politique qui porte le plus le processus constituant qui nous mènera jusqu'à écrire collectivement et à travers les courants politiques une nouvelle version du logiciel n'a pas attendu l'irruption de cette anomalie pour en faire ce constat. Le Mouvement pour la 6ème République (M6R) remonte au moins à 2012 pour sa forme la plus vivace, mais date en fait de la fin des années 80. Mais la République doit aussi entamer le travail afin d'accepter de reconnaître que la France, tant dans son esprit que dans ses frontières, est née bien avant 1789.
Ces lignes n'ont pas pour but de faire l'apologie de quelconque forme de monarchisme, mais il faut reconnaitre que l'esprit frondeur, contradicteur, contre-pouvoir, remonte à bien longtemps. La royauté française fut aussi autrefois opposée au pouvoir de l'Eglise et du Pape. De ces tensions est même née une situation extraordinaire où il y eut jusqu'à trois papes en chrétienté! Aussi, les pouvoirs royaux centraux ont aussi eut pour rôle de se placer en contre-pouvoirs face à des seigneuries féodales locales qu'on qualifieraient aujourd'hui de tyran envers leurs sujets. Dans chaque société qui se structure et s'agrandi chaque personne, chaque entité est à sa place, avec une fonction. Dans la notion de noblesse il y a aussi la notion de service. Si l'aristocratie et la monarchie peuvent, à raison, en rebuter plus d'un car dans leurs formes les plus cyniques elles ont aussi beaucoup renvoyés à des privilèges illégitimes, à la préservation d'une caste, alors que dire de tous les nobles de notre société contemporaine, qui chaque jour servent sans recevoir ni titre ni privilège? Dans l'histoire, aucune caste de privilégiés qui exerce une forme de pouvoir tyranique sans remplir son rôle de serviteur ne s'est maintenue durablement en haut de l'échelle sociale.
Ce que nous dit cette anomalie, et en ayant pour but qu'elle ne se perdure ni ne se reproduise pas, c'est peut-être de nous regarder plus en face, de nous accepter. Car pour que quelqu'un qui porte autant en lui la haine, des autres, donc de soi-même, puisse prendre autant de place, c'est forcément que le travail introspectif qu'individus et groupes d'individus doivent faire pour accéder à un niveau supérieur de conscience, n'est pas encore complètement abouti. S'accepter. Accepter de se regarder. Regarder non seulement les avancées qui ont été permise par le processus révolutionnaire, cela alors que l'ancien régime monarchique était arrivé au bout de ses capacités à comprendre, dégager une vision et unir la société derrière lui. Mais accepter aussi de regarder l'héritage pré-révolutionaire de la France, notamment dans le savant équilibre entre les pouvoirs dans sa forme la plus aboutie, mais aussi notamment le mélange des cultures portée par les cours royales les plus ouvertes - française ou d'ailleurs, peu importe - sur l'ailleurs, sur l'autre. En ce sens, il se pourrait que l'apogée de ce génie français pré-révolutionnaire eut été atteint par François Ier, dernier roi-chevalier, c'est-à-dire souverain exerçant un pouvoir, mais aussi près de ses hommes au combat, frère d'arme, se confrontant à la mort lors de chaque bataille. Il faudrait une plus longue démonstration que ces quelques lignes qui sont avant tout une intuition, mais l'héritage encore bien vivant laissé par Charles De Gaulle - dont le nom pourrait être une déformation du néerlandais de Walle -, notamment dans ce qu'il avait compris de la place de la France dans le monde, puissance d'équilibre entre deux blocs, sont un bel exemple du rapprochement à faire entre pouvoir, vision et humilité d'un chef auprès et au même niveau que les siens, porté à la tête de la France par les circonstances de l'histoire, humble serviteur qui plusieurs fois une fois le conflit militaire terminé s'est de lui-même retiré, en cela très sûrement le dernier roi-chevalier français.
Lorsqu'un éditorialiste et journaliste a pu se frayer un chemin jusqu'ici - le suffrage universel direct de la République - malgré trois condamnations en justice pour « provocation à la haine et à la violence » et « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine », dont une tout récemment le 17 janvier 2022, et qu'il est tant cité un peu partout, alors nous n'avons plus d'autres choix que de comprendre, en tout humilité. « Humble » et « humilié » sont étymologiquement très proches. Entre humilité et humilié, il ne manque qu'un T. En langue scandinave c'est le même mot, ydmyk, à prononcer "udmuque". Aussi, myk signifie « doux ». Va comprendre.