La loi Kasbarian-Bergé (aussi appelée loi anti-squat) a permis une augmentation et une accélération drastiques des expulsions en France. Elle s'inscrit dans une dynamique plus large de fragilisation* et touche aussi les squats installés depuis plusieurs années.
Le squat de la rue Gambetta à Montreuil a été expulsé brutalement le 10 octobre 2024. Le jour même, la mairie publie une déclaration dans laquelle elle « dénonce fermement cette expulsion qui ne fait qu'aggraver des situations déjà précaires et inacceptables », assure que « Montreuil continuera à agir » et demande « Le maintien de ces familles dans un minimum de stabilité. » Un mois plus tard, aucune solution viable n’a été proposée aux familles.
Pour dénoncer cette hypocrisie, le collectif Gambetta, les habitante·e·s du squat et d’autres organisations ont décidé de manifester mercredi 18 novembre devant la mairie de Montreuil.
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Au cours de la manifestation, différentes personnes prennent la parole pour dénoncer les conditions d’insécurité et de précarité auxquelles elles font face depuis l’expulsion.
Fanta, une ex résidente du squat, raconte courageusement les comportements horribles dont elles sont victimes en vivant à la rue : « Des jeunes viennent nous proposer de l’argent pour abuser de nous. Parfois ils nous suivent. […] Si je n’avais pas la force de le combattre, j’allais faire comment ? Il allait me violer ». Comme d’autres qui l’ont précédée, elle demande pardon à la mairie, et implore sa pitié.
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Viennent ensuite des représentant·e·s :
Sabrina Ali Benali, candidate au sein du Nouveau Front Populaire en 2024, invite les habitant·e·s de Montreuil à se mobiliser pour faire à nouveau de cette ville un endroit d’accueil.
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (association Droit au Logement), rappelle au maire Patrice Bessac son droit de réquisition de bâtiment public, et ses actions passées pour soutenir le droit au logement.
Une annexe d'école inoccupée depuis trois ans
La manifestation continue en direction du métro Croix de Chavaux, et le groupe s’arrête au niveau de l’annexe – abandonnée – de l’école Berthelot. Les habitant·e·s du squat de la rue Gambetta et d’autres manifestant·e·s entrent par le portail ouvert, et investissent les lieux. Cette occupation est pour elles et eux l'occasion de montrer à la mairie que des solutions existent : ce bâtiment, inoccupé depuis trois ans, pourrait être réquisitionné pour les loger.
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L’occupation dura seulement quatre heures.
Malgré la présence d’organisations comme Médecins du monde, Solidaires; de montreuillois·e·s et de journalistes, Patrice Bessac n’a pas hésité à réquisitionner la force publique et signer un arrêté municipal d’expulsion à peine deux heures après le début de l’occupation. Cette décision peut paraître banale, mais au même moment dans la même mairie une délégation de membres du collectif (incluant des familles avec enfants en bas âge) était reçue.
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Alors qu’auparavant Mr Bessac se contentait d'inaction ou de rétorquer qu’il était du ressort de la préfecture d’agir, il s’oppose maintenant directement aux occupations. Comble de l’hypocrisie, il a même omis de se référer au préfet avant de réquisitionner la force publique, faisant une entorse aux procédures. Le préfet aurait dû délivrer une mise en demeure aux habitant·e·s avant une telle intervention.
C’est un arsenal de 7 camions de la BAC, et une dizaine de motos la BRAV-M qui est déployé, pour cinquante manifestant·e·s incluant une dizaine d’enfants. Par sécurité et face à l’agressivité des forces de l’ordre, les familles occupant le jardin de l’école décident de sortir en groupe et de rejoindre le parvis de l’Hôtel de ville. Un reportage réalisé par une personne sur place le soir témoigne de ces évènements.
« Le plus choquant ce n'est pas l'expulsion. »
La nuit tombée les manifestant·e·s sont toujours regroupé·e·s devant la mairie afin d’interpeller les élu·e·s au sortir du conseil municipal, mais personne ne vient à leur rencontre. Seules les forces de l’ordre en surnombre resteront jusqu’à la fin du conseil municipal, dont les membres ont été évacué·e·s par l’arrière pour éviter toute rencontre.
Comme le résume l'une des membres du collectif: « Le plus choquant ce n'est pas l'expulsion. C'est la BRAV-M déployée, le maire qui prend lui-même l'initiative d'expulser sans proposer de solution de logement; et le fait qu'aucun travailleur ou travailleuse social·e ne soit venu voir les personnes manifestant. »
Cette répression - sans précédent pour le risque que présentaient les manifestant·e·s - est le fruit d’une intention claire de la part du maire (PCF). Plus qu’une énième expulsion, c’est un message hostile et d’indifférence qui est envoyé.
*entre autres la loi n° 2015-714.
**les photos ont été prises au cours de la manifestation, si vous souhaitez les utiliser merci de me contacter.