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Billet de blog 3 mai 2023

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Confessions d’une jeunesse légèrement dépassée

Les jeunes générations doivent faire face à des problèmes bien réels, mais plutôt que de les écouter, certains préfèrent les fustiger et les infantiliser. Dans un monde où la jeunesse doit se battre pour se faire entendre, Monsieur « Je ne me posais pas toutes ces questions à votre âge » devrait peut-être réviser sa vision de l'avenir.

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Monsieur Beigbeder chafouine en dressant le bilan de sa vie : il semblerait que l’hédonisme ne soit pas une fin en soi pour l’hétérosexuel légèrement dépassé qu’il est. C’est avec une énergie similaire qu’il avait drastiquement méprisé le livre de Léna Mahfouf, sous prétexte que la jeune femme n’a pas de légitimité littéraire. Si les influenceurs se mettent à écrire, nous ne sommes pas sortis de l'auberge, expliquait-il. Et lorsque le Ministre de l’Économie décide de prêter sa plume à l'exercice, qu’en dire ? Amusant de constater que les propos de Madame Situations, ayant pour objectif d’aider les jeunes à lutter contre la déprime, mettent en rogne Frédéric, tandis que les voltiges de Le Maire sur « le renflement brun de l’anus » ne semblent même pas l’effleurer. Amusant, et effarant. Il semblerait que nous soyons aux prises de figures qui ne souhaitent pas mener les bons combats. Et quels repères donner à la jeunesse qui se retrouve coincée au milieu de ce débarras ? 


Les jeunes d’aujourd’hui, ce n’est plus ce que c’était. Ils sont paresseux, pervertis, superficiels et « curieux de nullité » pour reprendre l'amusante expression de Lucien de Rubempré, dans l’adaptation cinématographique d’Illusions Perdues. Intéressant, n’est-ce pas ? Ce désir de fustiger celles et ceux qui incarnent l’avenir. Est-ce par peur ? Par rejet de ce sur quoi ces nouvelles générations tentent d’alerter ? Hier encore, tandis que j’écoutais la radio, une jeune militante s’exprimait sur les raisons de ses engagements et ses inquiétudes pour l’environnement, la place des femmes dans la société, la précarité étudiante, la réforme des retraites et le durcissement d’une démocratie arborant des allures de régime autoritaire. Autant de sujets qui font que quand on a 20 ans aujourd’hui, on doit choisir tous les matins de continuer à vivre, de continuer à se battre pour se faire entendre, considérer et respecter. Le présentateur, tout droit sorti d’une Fable de La Fontaine, tant son comportement m’a paru archaïque et caricatural, ne trouve rien d’autre à lui répondre que « Je ne comprends pas pourquoi vous vous prenez la tête, vous êtes jeune, soyez insouciante. Moi, à votre âge, je ne me posais pas toutes ces questions.» Justement Monsieur, ce n’est pas vous, c’est nous. Une génération en proie au Covid, au réchauffement climatique, aux attentats, aux violences policières, à l’infobésité. Je ne cherche pas à nous victimiser, seulement à rappeler qu’on porte sur les épaules un poids un peu lourd pour des personnes qui ne devraient pas se poser trop de questions. L’imbécile heureux : ça ne fonctionne plus. On nous somme alors de nous engager. Mais, est-ce que vous pensez que ça me fait plaisir de me rendre à une manifestation autorisée pour défendre mes droits, où l’on se fait intoxiquer à la lacrymo et amputer à coups de grenades : oui, peut-être.

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