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Lien 13 juillet 2017

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Vaccination obligatoire : la bonne mauvaise idée

La nouvelle ministre de la santé et de la solidarité, Mme Agnès Buzyn, a décidé, rapidement après sa prise de fonction, de rendre obligatoire 11 vaccins . Pourquoi un tel empressement, alors même que les jurys du comité de concertation citoyenne, mis en place par le ministère, n'étaient absolument pas en faveur d'un élargissement de l'obligation vaccinale?

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Aujourd'hui, en France, 3 vaccins sont obligatoires , la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite. Notre nouvelle ministre, assez rapidement après la prise de ses fonctions, a annoncé qu'elle réfléchissait à la possibilité d'une extension de l'obligation vaccinale à 11 vaccins (poliomyélite, tétanos, diphtérie, coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C) pour une durée de 5 à 10 ans. Selon elle, il serait « urgent » de les rendre obligatoires, car on retrouve, par exemple, une couverture vaccinale pour la rougeole ou la méningite trop faible pour une efficacité optimale. De plus Agnès Buzin, notre ministre, ajoute que l'obligation serait levée lorsque la confiance dans la vaccination sera acquise.

Effectivement, en France, il y a une perte de confiance dans la vaccination. Un sondage IPSOS d'octobre 2016 montre que seulement 69% de la population accorde sa confiance à la vaccination, alors que 73 % accorde sa confiance à l'homéopathie . Il s'agit d'un problème majeur quand on sait l'efficacité de ces vaccins: en effet grâce à la vaccination la poliomyélite a disparu en France ! La coercition paraît une décision discutable pour améliorer la confiance dans la vaccination .

En 1995, Mr Douste Blazy , alors secrétaire d'état à la santé, décide la mise en place d'un vaste plan de vaccination contre l'hépatite B qui en 4 ans touchera plus de 20 millions de personnes. Cette campagne de vaccination a été effectuée dans les écoles (375.000 enfants en 1995-1996 et 313.000 l'année suivante, des enfant de 6ème), sans demander la permission aux parents, ce qui a profondément choqué. A cette époque la pratique de ce vaccin dans les cabinets de médecine libérale commençait à se généraliser avec le consentement éclairé des parents. Cette campagne qui devait initialement concerner uniquement les jeunes de 10-11 ans sera étendu à un éventail bien plus large de la population suite au message alarmiste de deux laboratoires fournissant ces vaccins (SmithKline Beecham et Pasteur Mérieux MSD-Aventis Pasteur) comme par exemple : «l’hépatite B tue plus de gens en un jour que le sida en un an » alors même qu'Antoine Flahault, de l’Inserm, maître de conférence à Paris VI, affirmait pour sa part, qu’il y avait entre 630 et 1 000 décès par an au maximum. Les chiffres fournis par les laboratoires pharmaceutiques étaient eux 3 à 5 fois plus élevés ( 3000 à 5000 décès en France chaque année selon eux) .
En 1998 plusieurs articles sortent , se questionnant sur le lien entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de cas de sclérose en plaque. Les deux laboratoires pharmaceutiques sont poursuivis en justice par une soixantaine de victimes de la sclérose en plaque dès 1999.  Après 17 ans de procédure, la justice prononce un non-lieu, mais la confiance dans la vaccination est durablement entamée (http://www.la-croix.com/Sciences/Sante/La-justice-exonere-vaccin-contre-hepatite-B-2016-03-15-1200746868) . La couverture vaccinale de 1998 est basse et il faudra 20 ans pour restaurer la confiance dans ce vaccin (http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-aprevention-vaccinale/Couverture vaccinale/Donnees/Hepatite-B)

En 2009/2010 , période de la grippe H1N1, Roselyne Bachelot décide de commander 50 millions de vaccins, alors même que l’ECDC, agence européenne chargée de la gestion des crises épidémiques, confirme rapport après rapport, la relative faiblesse de cette grippe. Nos voisins allemands par exemple ne font rien. Mme Bachelot, est conseillée par des « experts » eux mêmes payés par le laboratoire pharmaceutique fabriquant ces vaccins (http://www.lemonde.fr/epidemie-grippe-a/article/2010/01/26/l-oms-justifie-sa-gestion-de-la-grippe-a_1296718_1225408.html)…. Sur ces 50 millions de doses, seulement 6 millions seront injectés. Cette opération a coûté selon une commission du sénat entre «1,8 et 2,2 milliards d'euros» (http://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/01/06/9973-h1n1- cout-plus-dun-milliard-deuros)

En janvier 2016 , Mme Marisol Touraine, ministre de la santé sous le gouvernement Hollande, annonce la mise en place d'une grande concertation citoyenne pour l'évaluation de la politique vaccinale. Elle confie la présidence d'un comité d'orientation au Pr Fischer qui est chargé d'établir un rapport sur la base du travail de deux jurys, un jury de professionnels de santé et un jury citoyen, qui répondront à 6 questions, dont les conditions d'une extension de l'obligation vaccinale. 

La réponse du jury de professionnels de la santé est claire: « Le principe d’obligation vaccinale n’instaure pas la confiance, pire, il est contre-productif. Au titre de la liberté individuelle, le citoyen se place dans une position de défiance, voire de défense.» Selon ce même jury l'obligation devrait «s’effacer au profit d’une adhésion de la population à l’acte vaccinal » Le jury ajoute que l'obligation « reste acceptable en cas de situation épidémiologique grave à risques majeurs » (http://concertation-vaccination.fr/les-jurys/les-jurys-de-professionnels-de-sante/)

La réponse du jury de citoyens n'est pas unanime. La moitié se prononce pour la levée de l'obligation pour tous les vaccins, y compris pour les vaccins obligatoire actuellement. Cela serait positif pour deux raisons. Tout d'abord pour que «tous les vaccins soient sur un pied d’égalité et d’importance» En effet le jury pense qu'il y a une confusion entre obligatoire et recommandation. Ensuite «les gens se sentiraient moins contraints ce qui éviterait des résistances fortes à la notion même d’obligation» Tout comme le jury de professionnels de santé, cette partie du jury ajoute qu'une forte pédagogie ainsi qu'une importante campagne de communication devra être mise en place. Pour l'autre moitié du jury citoyen la levée de l'obligation s'accompagnerait d'une baisse de «la couverture vaccinale, puisque certains percevraient dans cette levée de l’obligation, une moindre importance du vaccin » Mais le jury citoyen ajoute unanimement «Nous  notons également un refus quasi épidermique du caractère obligatoire de la vaccination» (http://concertation-vaccination.fr/les-jurys/les-jurys-de-citoyens/)

De plus 10 000 citoyens ont pu apporter leurs contributions sur le site de la concertation citoyenne. Ces apports ont pour la plupart été ignorés selon le site formindep (http://www.formindep.org/L-obligationc-est-la-decision.html). Mais il en ressort tout de même ceci: «La question ouverte, placée en première place, a laissé court à des contributions critiques envers la vaccination. Ces critiques expriment un rejet envers le caractère obligatoire des vaccins, une défiance envers les laboratoires pharmaceutiques ainsi qu’une défiance envers le corps médical»

Le rapport de la concertation présidé par le Pr Alain Fischer (distingué par les Prix SanofiPasteur de 2013, et qui se dit «porte-parole des jurys»), annonce dès l'introduction: «le comité recommande l’élargissement temporaire des obligations vaccinales de l’enfant avec possibilité d’invoquer une clause d’exemption» Le rapport ajoute que cette obligation sera levée lorsque « la restauration de la confiance en la vaccination » sera de retour. Dès l'introduction, on peut se rendre compte que les avis des différents jurys ne sont pas respectés… Comme le dit le site Formindep, d'autre cas de «déni de démocratie» ont eu lieu  où l'«on voit ainsi le président Alain Fischer prôner la vaccination des garçons contre le HPV, détrompé par le Pr Daniel Floret qui expose que cela n’aurait pas grand intérêt ni pour la protection collective, ni pour l’intérêt individuel. Le président impose une idée personnelle dans le rapport final, qui n'a pourtant été évoquée ni par les contributions citoyennes ni par aucun des deux jurys. » On est de la même façon étonné que le rapport final préconise d' augmenter la confiance dans la vaccination en utilisant la coercition alors même que les deux jurys ont tous deux exprimé la défiance de la population face à la coercition, et que le contexte actuel n'est pas en faveur de telles mesures. (http://concertationvaccination.fr/wpcontent/uploads/2016/11/Rapport-de-la-concertation-citoyenne-sur-lavaccination.pdf)

On trouve plusieurs groupes opposés à l'extension de l'obligation vaccinale. Par exemple la société française de santé publique (SFSP). En effet en décembre 2016, la SFSP annonce: «qu'il est nécessaire de s’engager résolument vers la levée de l’obligation vaccinale et de permettre à l'usager de prendre et d'exercer toutes ses responsabilités» http://www.sfsp.fr/content-page/175-les-contributions-de-la-sfsp/3300-avis-de-la-sfspconcernant-les-recommandations-du-comite-d-orientation-de-la-concertation-citoyenne-surla-vaccination-3300

De plus, il est intéressant de constater que l’obligation vaccinale partielle française et italienne sont loin d’être associées à la meilleure couverture vaccinale globale au sein de l’Europe occidentale. Par exemple, l'Allemagne obtient une couverture vaccinale du DTP de 99%, alors mêmes qu'elle n'a pas d'obligation vaccinale, mais uniquement une recommandation (http://apps.who.int/immunization_monitoring/globalsummary/countries? countrycriteria%5Bcountry%5D%5B%5D=DEU)

Ce contexte (vaccination hépatite B, grippe H1N1, connivence entre les laboratoires pharmaceutiques et certains professionnels) peut expliquer la perte de confiance dans la vaccination et l'obligation paraît une décision plus que douteuse, qui comme le dit le jury de professionnels de santé, pourrait être néfaste.

Certes, l’obligation étendue contribuera probablement dans un premier temps à épargner quelques vies. Mais se posera immanquablement  la question de effets secondaires d'une campagne vaccinale de masse, et à terme, l' obligation vaccinale aura définitivement ruiné la confiance des français dans leurs autorités sanitaires. Les conséquences de cette perte de confiance seront lourdes et durables.

Des pistes, autre que l'obligation, sont apportées pour améliorer la couverture vaccinale française. Par exemple le jury de professionnels de santé demande: «une extension du remboursement à 100% pour les vaccins du calendrier vaccinal», comme le demande SFSP. La formation des professionnels de santé qui est jugée «rudimentaire» par le jury doit être améliorée pour donner les «informations nécessaires» au patient pour « sa prise de position ». Le jury citoyens ajoute qu' « aujourd’hui, ce qui entrave la confiance en la vaccination, c’est le manque évident d’information ». De plus les médecins libéraux doivent être mis au « centre de l’organisation de la vaccination collective et individuelle » sachant que les citoyens estiment que la « confiance envers notre médecin généraliste joue un rôle prédominant sur notre rapport à la vaccination ». Enfin, toute levée de l'obligation, devra être associée à une « surveillance de données épidémiologiques permettra d’évaluer la pertinence de cette nouvelle stratégie »

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