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Billet de blog 25 avril 2022

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Les urnes ou la rue ?

C'est le débat à la mode en ce moment. La gauche révolutionnaire qui considère que c'est la rue qui fait tout changer les choses et la gauche de gouvernement qui considère que c'est le travail politique qui fait tout changer les choses. Bon, arrêtez de nous gonfler avec ce débat qui nous prouve simplement qu'on a 30 ans de retard sur la droite.

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C'est le débat à la mode en ce moment. La gauche révolutionnaire qui considère que c'est la rue qui fait tout changer les choses et la gauche de gouvernement qui considère que c'est le travail politique qui fait tout changer les choses. Bon, arrêtez de nous gonfler avec ce débat qui nous prouve simplement qu'on a 30 ans de retard sur la droite.

À droite, ils ne s'emmerdent pas avec ces débats en carton, ils y vont comme des malpropres. Considérons le travail de terrain comme le "la rue" du droitard, parce que la droite dans la rue c'est plutôt lolilol, big up aux foulards rouges, à jamais dans nos cœurs. Les chefs d'entreprise, les propriétaires, c'est leurs militants. Et ils ne passent pas 3000 ans à s'engueuler pour savoir quiqui fait le truc mieux que quiqui et comment quoi. C'est un putain de bloc qui écrase tout sur son passage. Quand ton patron refuse de te payer tes heures sup' tout en t'imposant des projets irréalisables dans le temps imparti, c'est de la militance de droitard bien sale. Il te dit : "les 35h c'est de la merde". Quand il te vire sans raison valable parce que les actionnaires aimeraient bien palper un peu plus de dividendes, ton patron milite pour plus de flexibilité. Pareil quand ton proprio te loue un appart de merde au double du prix et ne fait rien pour le mur blindé de champignons et la fuite d'eau qui te pourrit la vie. Pareil quand une entreprise décide de fermer une usine pour aller la foutre en Chine. Pareil quand un bourgeois paie 0 impôt, et planque sa fortune au Panama. Pareil quand un sous-bourgeois traite la caissière comme une merde, etc, etc. Ils font du militantisme, là, c'est la street du droitard, poto. Ils imposent concrètement leur vision de la société. Et derrière, les politiciens suivent. Ils ne vont pas soutenir publiquement, parfois condamner, et même s'ils condamnent, les militants ne vont pas s'en offusquer et cancel leurs politicards. Car ils savent que ces derniers vont tout faire pour leur offrir le cadre légal afin de pouvoir dire un jour : "mais c'est la loi monsieur". Simplement, en cet instant, ce n'est pas le moment. Les droitards se font confiance entre eux. Ainsi on ne parle plus de fraude fiscale, mais d'optimisation, c'est légal, monsieur. Il y a 10 ans tu pouvais gagner miraculeusement aux prud'hommes sur un licenciement abusif après 5 ans de procédures, maintenant tu fermes ta gueule parce que c'est légal, madame. Les flics peuvent arrêter quelqu'un juste parce qu'il est Arabe, c'est légal monsieur. Les droitards ne perdent pas leur énergie à se demander quel est le meilleur mode d'action. Ils avancent et ils détruisent tout sur leur passage.

Et sur ce point on a grand intérêt à les imiter, parce qu'on est réellement pathétiques à se tirer dans les pattes entre les militant.e.s de terrain, les assos, les penseur.se.s, les manifestant.e.s, les politicard.e.s, les syndicalistes. Au lieu d'avancer et se soutenir quand c'est possible. Et quand c'est pas possible, pas grave, ça le sera la prochaine fois. On ne peut pas attendre une dévotion absolue et en toutes circonstances à une cause, à un groupe ou à une action. C'est cette logique qui conduit à élire un président. On a l'impression que tout le monde attend qu'on arrive à un genre de tout cohérent, qui serait au top sur toutes les idées, tous les combats, mais posez-vous deux secondes, c'est complètement con d'attendre ça. Il faut prendre conscience que chacun.e agit à son niveau, impacte son cadre de lutte, selon les contraintes de ce cadre de lutte, mais que bien souvent, ça modifie positivement le cadre de lutte des autres. Il est normal qu'un politicard affiche un programme bien moins radical que celui d'un.e militant.e de la rue. Bien souvent, dans leurs têtes, il va y avoir le même programme. Mais il n'est pas possible de l'afficher dans son cadre de lutte actuel, car il a défini que ce programme est ce qu'il est possible d'afficher de plus radical à un instant T, selon les forces en présence, l'ambiance sociale, le niveau de radicalisation du public, de son équipe, des coups qu'il est prêt à prendre, ceux qu'il peut encaisser. Faut faire confiance un peu. Du moment que la direction globale est la bonne, on prend, on fait bloc, on soutient et on avance, bordel. Quand les gilets jaunes crament l'intégralité des champs elysées, on sait tous que ça vise juste et que ce n'est pas un dommage collatéral. En tant que gj on peut soutenir, en tant qu'asso radicale, on peut ne pas condamner, en tant que politicard, on peut condamner les violences tout en soutenant les gilets jaunes sur le fond. Si en face le journaliste est content d'entendre ça et que ça permet de passer aux revendications. Allez on prend, on soutient et on avance. Comme beaucoup, j'en ai beaucoup voulu aux syndicats de ne pas avoir appelé à la grêve générale durant les gj, j'ai vécu ça comme une trahison de plus. Puis j'ai relativisé (très récemment). Pas mal de syndicalistes étaient là chaque samedi. Une grêve générale, c'est un peu comme claquer ton unique super-pouvoir de la game, tu le fais sur des revendications claires, nettes et précises, et ton prochain, tu le claques dans 50 ans (au passage, il nous reste ce super-pouvoir pour le nouveau mandat de Macron, c'est plutôt cool). Puis vu la gueule du code du travail et les attaques constantes du starteupeur des étoiles, il y avait de quoi être sur la défensive. Et les réformes retraites et chômage qui approchaient, je veux dire, il y a pas mal de raisons d'économiser ses forces pour la bataille suivante. Et peut-être que la bataille des retraites n'aurait pas été remportée s'ils avaient appelé à la grêve générale. Peut-être qu'elle n'aurait pas été remportée sans les gilets jaunes, qui ont harcellé et épuisé la macronnie pendant 1 an. Peut-être que les 15000 amendements de la FI, ont permis de garder la question des retraites bien au chaud, et fait gagner du temps à la mobilisation de la rue pour prendre de l'ampleur. Peut-être que ça a aussi prouvé aux yeux de l'opinion publique que le projet n'était pas viable, écrit bourré à la va-vite et avec les pieds. Peut-être qu'une opinion publique hostile à une réforme pareille, ça incite un gouvernement à l'enterrer. Peut-être que ça a été un plus pour amener encore plus de gens dans les manifs. J'en sais rien, je suis pas scientifique, mais je crois que tout cela est vrai. La bataille a été remportée. Non grâce à une unique force ou un seul mode de lutte, mais grâce à l'association de toutes ces forces qui ont tiré la corde dans la même direction, pour une fois.

C'est ça la lutte. C'est pas de se poser la question de savoir si c'est mieux de faire comme ci, comme ça, avec untel ou sans untel. Ça c'est vain. La plupart des luttes victorieuses s'obtiennent en coordonnant tous les différents modes d'action possibles, avec de la propagande, des actions, des démonstrations de force, de la diplomatie. Chacun balance sa flèche comme il peut en visant la même cible en espérant la foutre au sol.

Et là on a, dans l'immédiat, une possibilité avec les législatives. On peut se retrouver avec une large partie de l'assemblée formée par des député.e.s FI. Non, ça ne va pas changer radicalement le pays comme ça, moi je n'y crois pas une seule seconde. Mais on sera bien content.e.s d'avoir une assemblée qui bloque la macronnie pendant qu'on s'organise sur le terrain. On sera bien content.e.s lorsque les débats des macronnistes seront systématiquement entravés avec des idées de gauchistes au lieu de tout valider comme des robots. On sera bien content.e.s quand une dissolution d'asso militante sera bloquée par l'assemblée et qu'elle pourra continuer le taf. C'est un putain d'outil qui se présente à nous. Alors on y va, on vote, on soutient, et on avance. La gauche est une boite à outils en fait. C'est sûr que la FI ce n'est pas une masse ou un pied-de-biche, plutôt un tournevis. Et franchement, ça peut faciliter le travail un petit coup de tournevis bien placé pour desserrer deux-trois vis avant d'attaquer au pied-de-biche. Par contre si chacun prend un outil pour faire son truc dans son coin en dénigrant le taf des autres outils, sans chercher à prendre en compte leurs limites et en refusant toute coordination, ça donne la piteuse gauche actuelle. Va construire une cabane avec juste un pied-de-biche ou juste un tournevis, ça va ressembler à rien. Par contre en utilisant tous les outils de la boite, on peut se construire un putain de palace, les gens.

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