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Billet de blog 1 octobre 2024

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Infiltré dans la fachosphère de Twitter/X

À quoi ressemble X pour un sympathisant d'extrême droite ? Les algorithmes de recommandation délivrant des contenus radicalement différents en fonction des affinités de l'utilisateur, que voient les « patriotes proches de la droite nationale » comme ils préfèrent eux-mêmes se nommer, lorsqu'ils ouvrent ce réseau social ? Immersion en eaux troubles.

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Un profil qui se fond dans la masse

C'était il y a près d'un an. Alan s'y est collé. Lui qui avait définitivement fermé son compte X dès l'arrivée d'Elon Musk en a ouvert un nouveau.

Photo de profil de quinqua mâle blanc généré par IA, nom d'utilisateur avec un drapeau français, bio patriotique de celui qui aime la culture française et ses plus dignes symboles : attributs féminins généreux, pinard et saucisson. Il appellera son personnage fictif "Gontrand"

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Ce qui aurait pu être le profil de Gontrand (on ne montre pas le vrai pour ne pas griller sa couverture) © Sleeping Giants France

Gontrand s’abonne à 4 ou 5 "stars" de la fachosphère : un ancien de Génération identitaire devenu cadre zemmourien, un avocat très médiatique habitué de CNews, et quelques twittos (Xos ?) connus pour leur influence dans le microcosme fascisant de X. Ensuite il suffit de laisser l’algorithme de recommandation faire le reste et de s'abonner aux comptes proposés.

Une communauté avide de liens

Ce qui frappe dès le départ, c'est la facilité qu'a Gontrand à obtenir de nouveaux abonnés. Quelques tweets classiques sur "c'était mieux avant", "tout se perd ma pauv'dame" et "où va la France" suffisent. Le plus compliqué est de trouver aussi des post à rediffuser (retweeter) qui soient suffisamment populaires, émanant de personnalités appréciées par la fachosphère, et pas trop militants. 

On en trouve. Gontrand acquiert ainsi quelques abonnés, et prend conscience de la multiplicité des # communautaires : #JambonBeurre, #TeamPatriotes,... pour certains, quelques messages privés suffisent à intégrer la troupe, pour d'autres, Alan les inscrit dans le profil sans rien demander à personne.

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Un des innombrables appels du “chef” de #JambonBeurre à l’abonnement mutuel entre ses membres © Capture X

Et le nombre d'abonnés atteint la centaine, puis 200…

La bulle faf de Twitter/X est assez large mais surtout soudée. On se coopte, on s'abonne mutuellement, les mailles du filet se resserrent et la teneur très spécifique du contenu présenté à ce type d'utilisateurs commence à se dessiner.

L'obsession migratoire (Trad : le racisme décomplexé)
 

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Chanson raciste "humoristique" © Capture X

Ça saute aux yeux, même si on pouvait le pressentir. Une monomanie accapare la majeure partie des discussions. C'est le point central de la pensée, le seul sujet véritablement digne d'intérêt. On se croirait dans “L'Heure des Pros” si l'Arcom et la justice n'existaient pas ou sur un courrier des lecteurs non modéré de Valeurs Actuelles. Si l'immigration, les étrangers, les musulmans n'étaient pas jusqu'ici les principales préoccupations de Gontrand, ça ne peut que le devenir très vite.

En langage plus ou moins codé, la haine primaire, brutale, s'étale librement, est reprise, likée et retweetée. Qu'on en fasse des mèmes, de l'humour, des chansons, des commentaires cyniques ou des lâchages, qu'on y parle de racailles, de chances pour la France, de migrants, de petits anges partis trop tôt, de sauvages, d'islamistes, de bogmoules, de barbares, de muzz, c'est toujours la même population qui est visée, le même racisme qui s'exprime. 

Illustration 4
© Capture X

Parce que sous le vernis de la "culture", de la religion, de la délinquance ou de l'incivilité, c'est bien l'origine et la couleur de peau qui gênent. Les "y'en a des biens" n'y changent rien, les auteurs de ces posts sont racistes, pour certains sans même en avoir vraiment conscience, baignant en permanence dans ces eaux boueuses et ressassant leurs justifications bancales jusqu'à l’auto-suggestion.

Au final, c'est pourtant simple : ils embaucheront Antoine plutôt qu'Ahmed, et, serviables, prendront en stop Michel ou Francine mais pas Mamadou ou Fatiha.

L'angoisse irrationnelle mais permanente d'être submergé et remplacé jusqu'à devenir étranger dans son propre pays grandit, même si elle n'a aucun fondement, même si elle est démentie par la vie courante. S’il était réel, Gontrand focaliserait sur ça dans la vraie vie, serait effrayé ou furieux à la vue d'une femme voilée, se crisperait lorsqu’il croiserait un "arabe", craindrait pour sa vie en entendant des jeunes un peu trop mats de peau discuter un peu trop fort.

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Le discours xénophobe, dopé par la télé de Bolloré © Capture X

Et lorsqu'il s'agit d'opinion politique, tous ces militants numériques vont bien entendu critiquer et railler l'ensemble de la gauche, du centre et de la droite jugée trop molle, mais la plupart du temps au travers du prisme de l'immigration et de leur xénophobie. Islamogauchistes ou islamowokistes ont remplacé les gauchistes (gauchos/gauchiasses) et les communistes (cocos, rouges) d'antan.

Le péril Woke

Une partie de la fachosphère semble en proie à un conflit intérieur. Exprimer frontalement son racisme ou son homophobie lui est manifestement difficile (à commencer par les personnalités publiques qui s’exposeraient à des sanctions judiciaires).

Alors pour se justifier vis-à-vis d’elle-même et des autres, elle va se poser d’abord en victime. Pour cela il lui faut imaginer de puissantes entités organisées pour lui vouloir du mal : ça a été d’abord le “lobby LGBT”, puis la diabolisation des antiracistes, des antifascistes, des féministes, des méchants juifs incarnés par Soros, pour enfin finir par regrouper tout ça dans un concept flou mais bien pratique, le wokisme.

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Un “idéologue” de la fachosphère parvient à caser “Woke” dans son post en dépit d’un énorme contresens. Who cares? © Capture d'écran du compte X de Jean-Yves Le Gallou


De harceleur homophobe, transphobe, misogyne, xénophobe et un brin facho, on devient la victime du wokisme, une idéologie délirante qui voudrait nous imposer ce qu’on doit penser (en gros, ça reviendrait à respecter l’autre, ses différences, et autoriser le premier à montrer les secondes).

Toutes les haines, les discriminations peuvent alors être présentées comme une opposition saine à une idéologie liberticide. 

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Le wokisme nous “impose” des hommes en jupe au détriment des “blancs normaux” © Capture d'écran du compte X de Psyhodelik

Un couple d’hommes à la télé ? On ne dit plus “Je peux pas supporter les p…s !” mais “On tente de nous imposer l’idéologie woke !
Avouons que ça sonne quand même mieux et que c’est plus présentable sur CNews.

Dans la fachosphère de X, on avale du woke jusqu’à l’écoeurement, car c’est là aussi que se construit le discours, que naissent les petites phrases et les éléments de langage.

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© Capture d'écran du compte X d'Éric Zemmour

Et le terme permet de discréditer sans nécessiter d’explication les ONG d’aide aux réfugiés, les actions anti-racistes, l’apparition publique de personnes homosexuelles ou trans, ou les revendications d’égalité femme-homme.

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© Capture X

La nostalgie des années 70-90, misogyne, raciste et homophobe

Est-ce cela, le conservatisme ? La période d'avant leur manque, celle où on pouvait lâcher tranquillement des remarques racistes ("mais c'est pour déconner, Mohammed !"), siffler les gonzesses et mettre la main au panier de la serveuse, où le cuissage était un droit, où ça faisait sourire que Josette ait eu ses mercredi en cédant aux avances du patron, où on se marrait en pliant le poignet pour mimer Gérard de la compta qui était de la jaquette… le bon vieux temps.


Ils l'ont idéalisé, y ont passé un filtre, ont oublié les difficultés économiques, la précarité, la dureté du travail, les doigts broyés par les machines, l’amiante qu’on respirait à plein poumons, oublié qu'il pleuvait aussi, que les fêtes de village se terminaient parfois au surin, et que des filles qui se faisaient engrosser contre leur gré dans un coin sombre devaient rencontrer une dame pour "le faire passer".

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Nostalgie d’une France totalement fictive “qui ne reviendra plus jamais” Notons que la présence de jambes surnuméraires ne rend pas à leurs yeux cette image moins crédible © Capture X

Les jeunes, eux, sont nostalgiques de cette période qu'eux-mêmes, et peut-être leurs parents n'ont pas connue, qu'ils reconstituent en passant une couche d'enduit sur des récits déjà lissés.

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Couverture de Valeurs Actuelles - Août 2015 © Valeurs Actuelles

Une nostalgie de carton-pâte, des faux souvenirs par procuration d'une vie scénarisée de parc d'attraction où le soleil brillait en permanence, où tout le monde était bien blanc, où on chantait du Sardou et où Jean-Marie Le Pen pouvait dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
Pas étonnant que la cérémonie d'ouverture de la coupe du monde de rugby et ses relents de naphtaline les ait tant séduits.

La sanctification des faits divers

Illustration 12
Une sélection de faits-divers de la presse régionale par un compte spécialisé © Capture d'écran du compte X de FdeSouche

Pour fédérer les troupes, il faut des points d'ancrage. Les faits divers les fournissent. Présélectionnés à l'aune de l'idéologie raciste ou homophobe, ils grandissent rapidement ou s'éteignent dans la boîte de Pétri de la X-fachosphère.

Des comptes spécialisés à forte audience, qui se présentent comme des “revues de presse” sont chargés de la présélection, d’injecter dans la sphère matière à commentaire raciste ou discriminatoire. Leurs yeux sont rivés sur la nationalité, ou à défaut le prénom des suspects.


Des détenteurs de la carte de presse qu’on hésitera à qualifier de journalistes, parfois à un poste important au sein de médias d’extrême-droite, se livrent au même exercice et acquièrent ainsi une “net-cred” auprès de leur base. Dans les commentaires, bien sûr, c’est open bar.

Illustration 13
Pour susciter les commentaires racistes et donner crédit aux préjugés,  on n’hésite pas à déterrer des faits divers datant de 5 ans © Capture d'écran du compte X d'Amaury Bucco (Valeurs Actuelles, CNews, C8)


Ce sont des centaines de ces faits-divers, vrais ou faux, déformés, mutés, qui grouillent chaque jour, parfois lancés par une personnalité, parfois glanés dans la presse étrangère, parfois construits autour d'une vidéo amateur. Les plus vendeurs sont repris par des figures influentes, commencent alors à être abordés par les blogs fafs puis les sites de "réinformation". Une dernière sélection et les plus prometteurs s'épanouissent sur Causeur, Valeurs Actuelles ou CNews. Ils auront alors peut-être droit au matraquage dont la télé de Bolloré a le secret : 3 ou 4 jours d'émission sur CNews et TPMP, des plateaux différents qui déroulent mot pour mot les mêmes arguments émétiques, érigent ces faits divers en "fait de société" jusqu'à ce que les autres médias, par lâcheté ou compromission, se sentent obligés de les reprendre.


Avec un peu de chance, un membre du gouvernement expliquera alors qu'il "prend ce problème très au sérieux" et que "toute la lumière sera faite sur cet événement", finissant de le graver dans l'esprit des Français et préparant ainsi à la surenchère du prochain.
Alan repère les fils de discussion les plus animés, et abonne Gontrand par paquet à ceux qui y participent. Ils s'abonnent à lui en retour. Gontrand a rapidement plus de 500 abonnés, puis 800, 1000...

L'insensibilisation et la préparation à la violence


Regarder le fil d'info de Gontrand est maintenant une vraie épreuve. C'est insupportable. C'est devenu une succession de vidéos devant lesquelles n'importe quelle personne saine d'esprit détournerait le regard. Mais ici on s'y attarde, on s'en délecte, on les partage à l'infini, on en remplit l'espace. Ces vidéos sont dignes des snuff movies des années 80 que seuls quelques individus malades s'échangeaient sous le manteau. Elles sont maintenant accessibles à toute la population à partir de 13 ans. On croirait "Vidéo gag" scénarisé par un psychopathe.

Le plus "soft", ce sont les bagarres, les KO brutaux, les acharnements à coup de pieds dans les têtes.
Pour faire monter le sentiment de peur et la haine raciste, ce sont des non-blancs qui agressent une personne avec qui le twitto s'identifie. Jamais de contexte, l'image suffit. Et s'il faut un contexte, il est inventé ad hoc pour rendre la scène plus proche du spectateur.

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© Capture X

A l’inverse, on a également la glorification de la vengeance personnelle et des milices, présentant toujours un européen s’en prenant à un “étranger”, bien sûr toujours en réaction à ses méfaits (d’après le commentaire)

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© Capture X

Il y a des degrés supérieurs : les agressions au couteau ou à la machette, où la chair est tranchée "en vrai". L'accumulation de brutalité sanglante fait monter le sentiment de danger, de méfiance envers l'étranger, et la certitude que pour se défendre face à une telle violence, tous les moyens seraient justifiés.

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© Capture X

Et on en arrive rapidement aux vidéos montrant des blessures graves ou des décès, parfois de la cruauté envers les animaux, on y reviendra.

Ces vidéos se classent en 3 grands types :

  • celles destinées à choquer en montrant les atrocités de "l'ennemi", sa sauvagerie, sa bestialité qui justifie sa déshumanisation et une riposte sans état d'âme. C'est le partage de la propagande de Daech, des atrocités des talibans et des tortures qui seront présentées à tort ou à raison (mais tout le monde s'en fiche) comme perpétrées par des islamistes.
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    Un cadre politique partage une vidéo de propagande islamiste © Capture d'écran du compte X de Jean Messiha

  • celles qui galvanisent les troupes, les font rêver à la "contre-attaque" : des meurtres racistes perpétrés par des milices, des vendettas personnelles sanglantes titrées "un père protège sa fille d'un migrant pédophile", des victimes qui se vengent en écrasant le voleur avec leur voiture, en le poussant sous un bus, en le lynchant. Les commentaires sont clairs : les spectateurs jubilent, y trouvent du plaisir, un soulagement. Tout sentiment de justice ou d'humanité a disparu. C'est la torture ou la peine de mort expéditive, sans procès, et ils en redemandent.
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    Plus de 2 millions de personnes ont vu cette vidéo de meurtre au couteau faussement présentée comme une réponse proportionnée à une agression © Capture X

  • Enfin, celles qui présentent la mort sans idéologie claire, et qui contribuent à l'insensibilisation à la violence. Ou, encore mieux, qui montrent un jeune de 14 ou 15 ans se tuer ou se blesser gravement (il n’y a jamais de contexte ou de bilan des accidents montrés) en faisant l'idiot en scooter. Là, rire général, "bien fait pour la racaille", "un sauvage de moins". La bestialité et la sauvagerie brillent alors dans l’œil de ceux qui regardent.
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© Capture X


Certains responsables politiques d’extrême-droite se sont fait une spécialité de relayer ces vidéos ignobles, au mépris des victimes, de leur famille ou de la décence élémentaire qui consisterait à ne pas montrer ces vidéos gore à des enfants de 13 ans.

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Un cadre politique partage la vidéo d’un jeune voleur tué par un bus, diffusée par un raciste multi-condamné. © Capture d'écran du compte X de Bruno Attal

Ce déferlement permanent de violence explicite, convainc tous ceux qui la regardent que la réalité, c'est devenu ça. Ils en sont témoins, ça se passe toute la journée sous leurs yeux, le danger est permanent, leur vie ne tient qu'à un fil, à un regard de travers face à des hordes de sauvages armés de couteaux. Et ceux qui ne voient pas la même chose qu'eux sont des wokistes qui ferment les yeux face à la réalité, des islamo-gauchistes soumis à l'ennemi.

Le dénigrement des contre-pouvoirs

Leur vision terrifiante et hallucinée de la société actuelle s'emboîte avec l'idéalisation de l'ancien temps et les conduit à haïr le "système", qui ne ferait rien pour endiguer le déclin. Pire, le système est complice. Non, il est l'organisateur conscient et calculateur de notre perte, son but est de nous exterminer pour satisfaire aux désirs d'une entité secrète qui œuvre dans l'ombre.

Le complotisme antisémite qui fleurissait auparavant (nouvel ordre mondial, great reset, responsabilité du "grand remplacement"…) a momentanément perdu en visibilité dans cette partie de la fachosphère, mais reste rampant.

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Un compte complotiste d'extrême-droite partage des éléments de propagande aux relents antisémites © Capture d'écran du compte X de NouvelOrdreMondial

Ceci posé, tout événement devient une volonté politique de nuire à la population. Une paranoïa intense s'est installée et les institutions qui n’œuvrent pas dans le sens désiré deviennent des rouages de la machine qui doivent être détruits. Ainsi, la totalité des institutions sont montrées du doigt, dans une victimisation délirante : la justice rouge qui récompense les meurtriers mais embastille les lanceurs d'alerte, le Conseil d'État qui valide uniquement les décisions défavorables aux patriotes, le Conseil Constitutionnel qui fait appliquer des lois iniques et liberticides, l'éducation nationale qui formate les esprits pour leur faire adopter de force les théories woke et les changements de sexe, les ONG, les associations antiracistes, la convention des droits de l'homme ou des droits de l'enfant, la CEDH, le TPI, chacune y a droit.

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© Capture d'écran du compte X de François Asselineau

Il faut raser tout ça. Pour assurer la liberté d'expression, il faut supprimer les entités qui la garantissent. Il faut être Charlie mais rétablir le délit de blasphème, la liberté doit être totale mais les homos doivent se cacher, les trans doivent être mis à l'asile, les écolos en prison, les gauchistes exilés, les enfants d'immigrés déportés et les antifascistes ont bien mérité qu'on leur casse la gueule.

Illustration 24
© Capture X

La liberté qu'ils demandent n'est pas universelle, il s'agit d'avoir enfin la liberté de violer tous les principes de la République, de pouvoir condamner sans preuve et sans procès, de séparer les français "de souche" (blancs) des autres, d'imposer une religion. Oh, on accepterait toutes les autres couleurs de peau, mais à condition que l’autre soit soumis, qu'il prouve en permanence qu'il est reconnaissant et qu'on puisse l’expulser au moindre faux pas. La liberté dont ils rêvent est celle dont jouissent les gardiens des camps d'un régime fasciste.

Mais avec des potichiens


Pour finir avec ce qui pourrait être une note plus légère est l’incroyable amour de ce microcosme pour les animaux de compagnie, et plus spécialement pour les chiens. Alan en profite, invente à Gontrand le malinois "Juju", reposte des vidéos de chiens et dépasse les 1500 abonnés. Les animaux sont vénérés et tout manquement à leur considération voue son auteur aux gémonies. C'est vraiment la seule note positive qu'on peut trouver dans le bourbier.
Ce serait un formidable espoir en une possible rédemption si cela ne contrastait pas autant avec la sauvagerie crue et l'absence totale d'humanité de tout le reste. Une vidéo de cruauté envers un animal ne fonctionnera jamais mieux que si l’auteur peut être identifié comme issu de l’immigration.
Et la lutte contre la maltraitance envers les animaux est souvent prétexte à exprimer une soif de vengeance, une surenchère d'appels à des sévices ou à des exécutions sommaires envers les auteurs. L'attendrissement pour une portée de chiots peut jouxter le commentaire glaçant "un de moins" à l'annonce d'un bébé mort dans un canot sur la Méditerranée. C'est la douche écossaise.

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Le même compte partage des mèmes pro-animaux (avec un commentaire raciste) ainsi que des textes néo-nazis, xénophobes, complotistes parfois issus de personnes recherchées par les autorités © Capture X

Une échelle vers l'enfer

Leur échelle de valeurs n'a plus de barreaux depuis longtemps, et la plupart des intervenants ont sombré comme on se ferait happer par une secte apocalyptique.
Ils ont construit un monde imaginaire dans lequel ils vivent tous, loin de la réalité, et ce monde horrible court à sa perte. Notre manière de vivre, nos libertés, notre sécurité, nos enfants, notre famille, notre pays seraient menacés de mort et déjà sous le feu d'un ennemi bien identifié et facile à reconnaître dans la rue.
Seuls les membres du groupe s'en rendraient compte, et seraient les résistants face à l'inaction coupable de tous les autres. Devant une menace pareille, confirmée à chaque seconde par les "informations" et par ce qu'ils voient de Twitter/X depuis leur bulle, seul un sursaut, l'action radicale, le basculement dans la guerre civile pourraient encore nous sauver.

Illustration 26
© Capture X

Ce glissement vers la préparation au conflit armé fait frémir. Les milices ou actions terroristes ne s’organisent généralement pas sur X, mais à la vue de ce qui émerge dans cet espace public, on imagine bien que sur les messageries privées comme Telegram, nos craintes se transforment probablement en réalité.

Les pires choses ont aussi une fin (heureusement)

Gontrand a dépassé les 2000 abonnés. Parfois, il est « tagué » quand un membre de la sphère cherche des comptes importants pour diffuser un message raciste.

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© Capture X

Mais Alan, lui, est fatigué et écœuré par ce qu'il voit au travers les yeux de Gontrand. Alors il va faire partir son personnage en vacances et mettre le compte en sommeil.
Histoire de s'éloigner un peu des directs au menton, des coups de couteau, des appels au lynchage, de cette marée de violence et de haine qui monte comme un cheval au galop chaque fois qu’il ouvre X.

Alan et toute l'équipe de Sleeping Giants France

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.