Quel avenir pour Le JDD ? Absorbé par Bolloré pour compléter sa collection de médias, pourra-t-il survivre à la concurrence sur le marché très restreint de l'extrême-droite catholique ?
Juin 2023 : Bolloré impose une nouvelle équipe à la tête du JDD, dont il est en train de finaliser l’acquisition. Geoffroy Lejeune, l'ex rédac-chef de Valeurs Actuelles, amène dans ses bagages une garde rapprochée de 4 ou 5 lieutenants, dont Charlotte d'Ornellas ou Raphaël Stainville. Le virage ultra-droitier du JDD est acté.
À Valeurs Actuelles, il y avait de toute façon de l'eau dans le gaz. Lejeune avait mis la main sur la rédaction, endossant toutes les casquettes et menant la barque à sa manière. Mais les résultats n'étaient pas là. Le nombre d'abonnés chutait et le propriétaire, l'homme d'affaires libanais marchand d'armes à ses heures perdues, Iskandar Safa (aujourd'hui décédé), ne voyait probablement pas d'un très bon œil les comptes de l’hebdo plonger.
Sur la version papier, plus aucune marque connue ne plaçait de pub, et le site web avait été vidé de ses publicités à la suite de nos actions.
On imagine que l’empressement confinant au désespoir de Lejeune de trouver rapidement 15000 abonnés à la fin 2022 était en fait la conséquence d’un ultimatum qui lui avait été adressé : redresser les comptes ou la porte. Ce sera la porte.
En effet, malgré les grands moyens déployés par l'équipe de Valeurs Actuelles : #JeSuisLaPourVA lancé en grande pompe, messages vidéos de soutien de figures de la fachosphère dont des "stars" de CNews, victimisation outrancière où notre collectif sert d'épouvantail,... l’opération est un fiasco. 7000 abonnés seulement, acquis via une promo d’abonnement à 1€. On verra par la suite que ces abonnements de soutien ne seront pas reconduits.
Mi-2023, Geoffroy Lejeune, viré de Valeurs Actuelles, est donc nommé par Bolloré à la tête du JDD, qui est alors en difficulté mais encore bien vivant. La centaine de journalistes, mécontents de voir leur journal devenir un relais de la propagande d'extrême-droite, entame une grève historique qui durera 40 jours. Mais fidèle à sa méthode déjà éprouvée avec iTélé/CNews, Bolloré ne bronche pas et finit par "laisser partir" tout le monde avec de solides indemnités. La place est nette, il a maintenant les mains libres.
Comme pour CNews, l’équipe est réduite à quasiment rien, l’information est remplacée par des éditos “c’était mieux avant”, sur une ligne ultra-droitière parsemée de faux scoops et d’exploitation des faits divers orientés. On met à contribution des animateurs de CNews pour pondre des tribunes et remplir les pages. Mais les annonceurs, eux, désertent l’hebdo et les emplacements de pub ne sont pas vendus. La direction se dit que ça va passer, ce ne sera pas le cas (jusqu'à aujourd'hui en tout cas).
Seul LVMH, par ailleurs en négociation avec Bolloré pour lui racheter Paris Match, reste fidèle au nouveau joujou du milliardaire breton et achète ses 1 ou 2 pages chaque semaine. Un apport bienvenu mais sans doute insuffisant par rapport à la perte de revenu publicitaire persistant.
Le marché de la presse d'extrême-droite, déjà saturé avec Valeurs Actuelles ou Causeur, complété par CNews à la télé et, sur Internet, par une pléthore de sites de "réinformation" ne constitue probablement pas une réserve de lectorat suffisante pour supporter un gros hebdo de plus.
Les ventes en kiosque et abonnements du JDD continuent de plonger.
Mais Bolloré, en croisade idéologique, ne compte pas chercher un autre marché. Il doit s’approprier celui-ci.
Il laisse tomber le supplément mensuel du JDD, le JDD magazine (mode - culture - luxe), et monte à la va-vite JDNews, nouvel hebdo mettant à profit les équipes et les moyens de CNews, en quête d’une image plus jeune et plus dynamique que le JDD. De la culture et de la mode, il ne reste que quelques pages, suffisamment pour séduire les marques de luxe dont le budget com fait briller les yeux de Laurence Ferrari parachutée à la tête du nouvel hebdo.
Le JDNews sort le mercredi, concurrençant directement Valeurs Actuelles, toujours en chute libre et qui paraît le même jour.
Campagnes de pub télé (sur CNews et C8) pour le nouveau bébé, insertion du magazine du mercredi dans le journal du dimanche, on voit que le succès de ce nouveau titre tient à coeur à Bolloré et son équipe. Bolloré cherche-t-il à siphonner le lectorat de Valeurs Actuelles et à éliminer la concurrence ?
S'il parvient à couler Valeurs Actuelles, y aura-t-il de la place pour le JDD et le JDNews, ou à terme, le JDD est-il condamné à disparaître au profit du nouveau venu qui s'intègre mieux dans la panoplie médiatique Bolloréenne ? L'hebdo dominical est de moins en moins acheté en kiosque, les abonnements fondent, les annonceurs boudent le print et ont quasiment déserté le site Web (là, on y est pour quelque chose). Quel intérêt Bolloré a-t-il de le conserver ?
Une fois l’image de marque encore accrochée au JDD pressée jusqu’au dernier jus, la coquille vide sera-t-elle abandonnée au profit d’un seul gros hebdo d’extrême-droite, rebrandé aux couleurs de CNews ?
Il ne resterait alors plus qu’à changer le nom de la radio Europe1 en E1News, et le broyeur multimédia catho-réac dont rêve Bolloré serait définitivement en place.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.