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C'était en octobre 2023. Nous surveillions alors un site raciste, tendance identitaire breton, que nous avions démonétisé en prévenant les régies publicitaires de la nature des textes qui y sont publiés.
Surpris d'y voir à nouveau un bandeau publicitaire, nous comprenons rapidement qu'il s'agit d'un placement consenti, de gré à gré, qui ne passe pas par le système classique de publicité Web. Et manifestement, l'entreprise en question est idéologiquement en phase avec le site sur lequel elle s'affiche

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Sur le site, régionalisme oblige, le drapeau français a été remplacé par un drapeau breton, mais tous les codes sont là.
Le mot "identité" bien en vue, une aversion pour les marques "woke" (quelle qu'en soit la signification) et le dessin d'un sanglier qui rappelle le logo du Bloc Identitaire. Devenu "Les Identitaires", ce groupuscule néofasciste et raciste a ensuite servi de matrice à Génération Identitaire, aujourd'hui dissous.

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Logo "Les Identitaires" et logo "APER"
Ces bandeaux de pub sont ensuite apparus sur d'autres sites emblématiques de la fachosphère, les très nauséabonds FdeSouche, Riposte Laïque ou Résistance Républicaine, et des pages de pub ont été achetées sur l'hebdo Valeurs Actuelles (dans 23 numéros depuis octobre 2023).
Pour son site Web, Valeurs Actuelles envisage un temps de faire de même, proposer des bandeaux APER via un accord direct avec la marque.
✊ Sur le web, #ValeursActuelles abandonnerait-il enfin la pub programmatique au profit d'encarts publicitaires consentis ?
— Sleeping Giants FR (@slpng_giants_fr) November 8, 2023
Un test est mené en ce moment sur leur site, avec une marque qui passe déjà des pubs sur la version papier. pic.twitter.com/QJFyMlgFYk
Des "vêtements identitaires" pour lutter contre les "marques woke" ? Ça peut prêter à sourire, mais dans la fachosphère c'est pris au sérieux.
C'est le business plan des deux personnes qui ont fondé la société "ID MERCATORIA", propriétaire de la marque identitaire "APER".

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Extrait du graphe ID Mercatoria © Pappers
- Amaury Hervouet Des Forges, via sa société Roccapital
- Alain Avril, figure de l'investissement immobilier basque, où il fait travailler toute sa famille.
Alain Avril s’est illustré en 2017 avec le rachat de l’ancien tribunal de Bayonne avec Nicolas Olano, qui a fait sa fortune dans le transport, pour en faire la "Galerie du Palais". Ce rachat à la mairie avait été contesté par des élus d’opposition et des voisins : la SCI “Galerie du Palais” d’Alain Avril les attaque en retour pour recours abusif. La Galerie du Palais accueillera finalement des boutiques et la rédaction du quotidien régional "Sud-Ouest".
Mais Alain Avril travaille principalement avec des membres de sa famille. Aussi est-on surpris de le voir directeur général d'une société d'investissement, la "Financière Oïkos", dont le président est Claude Chollet.
Pour les chanceux qui ne connaissent pas, Claude Chollet, c'est l'OJIM, un site d'extrême-droite qui se pose en observateur des médias et des journalistes, et se spécialise dans les portraits vomitifs à la limite de la diffamation. Chollet a participé à la naissance du GRECE, le think tank d'extrême-droite "ethno-différencialiste". Un charmant personnage, qui pour booster l'intérêt de ses abonnés avait promis de démasquer les membres de notre collectif dès 2019. On attend toujours.
Mais revenons-en aux slips patriotes : Alain Avril, dans une interview donnée au média identitaire TV Libertés (on ne sort pas du microcosme), expose l'idéologie qui sous-tend son petit business. Nous avons donné de notre personne et avons écouté l'intégralité de cette interview pour que vous n'ayez pas à le faire. Et on va vous traduire
D'après lui, l'idée de vêtements anti-woke serait née ainsi :
"J'étais un peu gêné de voir ces marques qu'on qualifierait aujourd'hui de woke, où vous avez une représentation dans leur publicité très importante de la diversité ethnique et sexuelle, même si ça ne pose aucun problème à n'importe qui d'entre nous. Mais quand vous avez des surreprésentations, je trouve ça un peu gênant.
Et en parlant autour de moi, je m'aperçois qu'effectivement, même des gens qui ne sont pas forcément de notre bord politique se trouvent aussi gênés."
Il était donc choqué de voir des personnes d’une autre couleur de peau et d’une orientation sexuelle différente de la sienne dans les publicités. Du coup, il a demandé dans son entourage et s'est rendu compte que le racisme et l’homophobie étaient très répandus. Assez pour constituer un marché ?

Achetons vite un slip antiwoke
"Donc au-delà des positionnements de prix, des difficultés du marché, nous arrivons non seulement avec des vêtements, mais avec un concept qui est de dire arrêtez d'acheter des vêtements à des gens qui nous nient."
Le concept n'est donc pas tant de favoriser la production ou la main-d'œuvre française que de "punir" les marques pas assez blanches-catholiques-hétérosexuelles.
Le nom et le logo de la marque viennent du sanglier, "aper" en latin, et il se garde bien de faire le lien avec les identitaires, insistant sur la différence : "On a tenu absolument à ce que le nôtre charge de la droite vers la gauche. Un symbole." Oui. Bon.
Et pourquoi les vêtements ?
"Le vêtement, c'est une composante visible de l'identité. Je veux dire, bon, les rappeurs s'habillent de cette façon-là. Les jeunes de banlieue s'habillent de cette façon-là.
Et vous vous dites, il y a aussi une identité française. Elle correspond à des codes vestimentaires."
Car, bien sûr, les rappeurs et les jeunes de banlieue ne seraient pas français et ne contribueraient donc pas à cette pseudo "identité française"... dont les codes vestimentaires seraient le boxer, le t-shirt et la chemise à carreaux. On se demande ce que pensent les bûcherons canadiens de cette appropriation culturelle…
Qu'en est-il de la production et de la fabrication ? 100% françaises ?
En tout cas 100% coton –pas bio car ce serait woke–, coton qui fait la fierté de notre agriculture nationale (ah non ? tiens ?), parfois cousu en France et parfois… au Portugal !
"On est obligé de faire aussi quelques concessions pour aller travailler et faire travailler nos amis portugais"
Tant qu'ils ne sont pas musulmans, ça va. Mais ont-ils vérifié ? Clients identitaires, méfiez-vous !
Pour se payer un magnifique T-Shirt emblématique de notre civilisation Française, avec la statue de la liberté (immigrée française aux USA) grand-remplacée par Elon Musk (immigré sud-africain aux USA), les fiers identitaires n'auront à débourser que la modique somme de 32€50.

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Viva the Liberty de payer une blinde pour un T-shirt moche !
Et pour commander, il faudra qu’ils aillent sur le site de la marque, qui, faute de goût impardonnable dans le milieu ultranationaliste, est enregistré en .com et pas en .fr !
Pour les motiver à le faire, Alain Avril explique que dans le prix, il y a le prix de la pub. Et que cette pub permet de faire vivre les sites sur lesquels il la place :
"Je pense qu'il est temps, aujourd'hui, que nous autres Français identitaires passions à s'intéresser à des activités économiques qui pourraient nous être propres et qui nous permettront de nous défendre. À travers APER, nous finançons des sites."
Nous sommes heureux de le rejoindre sur ce point. Les annonceurs publicitaires doivent être conscients qu'en plaçant leurs pubs sur un média, ils le financent et contribuent à son développement. Donc à l'inverse, quand ce média ne correspond pas à leurs valeurs, ils devraient en retirer leur pub.
C'est l'action principale de notre collectif, leur poser la question et les responsabiliser. Que les médias racistes et intolérants soient financés seulement par des entreprises qui partagent cela, nous ne demandons rien d'autre.
Et pour conclure, le slogan mûrement réfléchi :
"Alors si vous ne voulez pas porter la même flanelle que notre ami Plenel, vous pouvez avec APER en être assuré."
Tiens, nous on demanderait bien à Edwy où il achète ses chemises woke. Pas vous ?