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Billet de blog 13 avril 2025

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Les limites de la carte de Frontières

Soyons clairs, la “cartographie de l’extrême-gauche” récemment fabriquée par le média d’extrême-droite “Frontières” ne sert qu’un seul but, générer du buzz. Et même si elle a été moquée pour un contenu pour le moins … surprenant, elle a réussi. D’où vient-elle et comment a-t-elle été réalisée ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
cartes EG 2024 et 2025 © Sleeping Giants France

Elle est le fruit d’un recyclage : 

En mai 2024, alors que Frontières s’appelait encore “Livre noir”, le média réac décidait de proposer une “cartographie interactive et communautaire de l’extrême gauche française, recensant médias, syndicats, associations, structures sportives et personnalités marquantes de cette sphère médiatico-politique.”

Illustration 2
La cartographie de l’extrême-gauche par Livre Noir/Frontières en 2024

La cartographie de l’extrême-gauche par Livre Noir/Frontières en 2024 

Organisée vaguement en 7 grandes catégories, elle regroupait à peu près n’importe quelle personnalité ou association considérée comme progressiste par l’équipe de Livre Noir.

Parce qu’au-delà de l’opportunité d’une telle carte, de son utilité et de la cible à qui elle est destinée, pour réaliser correctement une telle cartographie, il faut y passer du temps, avoir de la méthode et appliquer un cadre déontologique exigeant. Tout ceci n’étant pas le point fort de Livre Noir/Frontières,  le résultat promettait d’être catastrophique. Il tient ses promesses.

Sous prétexte de vouloir remplir l’espace et faire sérieux, des ONG comme SOS Méditerranée, ou bien notre propre collectif, Sleeping Giants, se retrouvent donc à “l’extrême-gauche” ! Toutes les associations antiracistes ou militant pour les droits LGBT se retrouvent dans ce fourre-tout issu de l’esprit de quelqu’un tellement à l’extrême-droite que “France Terre d’Asile”, “Osez le féminisme” ou le Syndicat de la magistrature sont tous classés comme des dangereux gauchistes.

Faire une liste de ceux qui ne sont pas assez racistes, pas assez ouverts au fascisme ou trop tolérants vis-à-vis des personnes LGBTQ+, c’est une chose. Remplir les fiches, c’en est un autre. C’est du travail ardu. Nous n’avons pas encore vu ce type d’effort de la part de Livre Noir/Frontières.

Les fiches sont vides, et le média fait vainement appel à ses abonnés pour les remplir. Du grand journalisme !

La fiche de notre collectif, par exemple, ressemble alors à ça.

Illustration 3

La fiche "Sleeping Giants" dans la cartographie "Frontières" en 2024, section Antifascistes/ACAB


Avril 2025, le média Frontières cherche à se faire un nom et à se démarquer des autres publications d’extrême-droite. Il s’apprête à lancer son canal vidéo, dirigé par celui qui avait été viré du pôle vidéo de Valeurs Actuelles pour avoir fricoté trop ostensiblement avec un vidéaste identitaire ultra-violent.

Lui vient alors l’idée de recycler la vieille cartographie rangée dans les tiroirs, d’y passer un petit coup de peinture et de la resservir. Mais auparavant, il faut vraiment compléter les fiches parce que ça ne fait vraiment pas sérieux. Ouh là ! Du travail !

Heureusement, maintenant il y a… l’IA !

Un bon coup de ChatGPT à peine édité et voilà. Du coup, notre fiche donne maintenant ceci : 

Illustration 4

La fiche "Sleeping Giants" dans la cartographie "Frontières" en 2025, section Sans-Frontiéristes

Dedans deux signes qui ne trompent pas. Quasiment depuis nos débuts, l’extrême-droite s’échine à diffuser les fake news disant qu’on serait financés à grands frais par Soros, et que nous harcèlerions et menacerions les annonceurs.
Là, on apprend donc que notre collectif est 100% bénévole et mettrait la pression aux annonceurs … en les félicitant (Name and Praise) !
Seule une IA, même en lui demandant un descriptif à charge, peut laisser échapper des vérités comme celles-ci

Mais des fiches remplies (que de toute façon leurs fans ne liront pas) ne suffisent pas à faire du buzz. Chez Frontières, on joue all in, en élargissant encore plus la définition d’extrême-gauche, pourtant déjà étirée au-delà des limites de son élasticité naturelle.


Ainsi dans cette nouvelle version 2025, on trouve classé à “l’extrême-gauche”, catégorie “Sans-Frontiéristes” : Emmaüs, Amnesty International, mais aussi la Croix-Rouge Française ou le Secours Catholique ! Ça ne s’invente pas.

Illustration 5
Cartographie Frontières "les sans-frontiéristes"

Le buzz a été fait. On a parlé (certainement trop) de Frontières. Mais si ça a pu motiver ceux déjà convaincus par l’idéologie réac identitaire, de telles outrances démontrent l’incapacité de ce média à produire quoi que ce soit de sérieux. On voit bien que l’objectif de Frontières est d’attirer vers lui le public de militants au détriment des autres médias de la fachosphère, et pas d’élargir le cercle.

Pour tous les autres (donc l’extrême-gauche selon la définition de Frontières), cette opération de com a été vue comme une énorme farce, et ceux qui se retrouvent dans cette carte le considèrent comme une forme de reconnaissance ironique. Si seulement ce média n’attirait pas les fanatiques ultra-violents et les groupuscules néo-nazis, on pourrait en rire plus franchement.

Et faites attention, si vous aussi vous pensez que Marine Le Pen pourrait être considérée de droite, vous risquez de vous retrouver dans la prochaine version !

En attendant, rendons à Frontières ce qu’il mérite : l’oubli.

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