Je suis seule chez moi, mon chez moi que je partage avec mon conjoint depuis 4 ans. Un bel après-midi. Rentrée plus tôt que d’habitude, je profite du temps libre inespéré. On sonne à la porte. Je vois qu’il s’agit de LUI (appelons-le IL).
IL est un homme assez connu, j’ai fait sa rencontre dans le cadre professionnel quelques mois auparavant. Un homme charmant, intelligent, élégant. Je l’ai croisé de temps en temps, toujours dans un contexte public, pro. Nous parlions alors de sujets divers, parfois mon conjoint était présent, parfois non.
Donc IL est devant ma porte.
Je suis étonnée, surprise par cette visite inattendue.
J’ouvre, le salue, puis me dirige vers le salon.
À peine ai-je le temps de me retourner pour lui proposer un café qu’IL se jette sur moi. Explosion de violence instantanée, je suis abasourdie, rien, absolument rien laissait présager cette agression. Je le repousse, dégoûtée et ahurie, je l’engueule. Rien n’y fait. Je cesse de me débattre une fraction de seconde pour chercher une arme, enfin, quelque chose dont je pourrais me servir. Sur ma table basse, à porté de main, un gros vase lourd. Je le saisis, je le tiens au dessus sa tête et avec une voix glaçante et déterminée je lui dis : “Si vous ne partez pas à l’instant, je vous tue. Je vous tue.”
IL a compris, j’ai de la chance, il a compris que je n’hésiterais pas un instant.*
IL part.
Mon plus grand regret ?
Je n’ai pas appelé la police.**
Je m’en veux terriblement.
Alors quand les hommes viennent réclamer “mais pas tous les hommes”, je suis de marbre. Pas tous les hommes mais potentiellement n’importe quel homme. Ça commence par le père, oncle, frère, grand-père puis n’importe quel homme, chacun est un danger potentiel. Un ami, un collègue, un inconnu, un confident, un époux ou amoureux. Il n'y a pas de violeur type ni de victime type.
Si vous êtes une femme vous êtes toujours à l’affût, consciente du danger.
Si vous êtes une femme, n’avez-vous pas le droit de vivre (ou d'être) seule à la maison et ouvrir la porte à quelqu’un que vous connaissez ? C’est à cause des hommes, ce sentiment d’insécurité, même chez soi.
Si vous êtes une femme, vous pouvez raconter une histoire comme celle-ci mais c'est rarement l’unique histoire ou une histoire unique. Vous choisissez de parler d’une et de garder le silence sur d’autres.
Si vous êtes une femme, vous faites l’effort de ne pas faire d'amalgame malgré maintes expériences.
Donc #AllMen.
Mais !
J'aime les hommes qui sont dans ma vie. Je refuse que les salauds violeurs, agresseurs, masculinistes déterminent qui j’aime, comment je m’habille, où je vais et à quelle heure, si je bois un verre de vin ou non…
Et à qui j’ouvre la porte !
Rachel
Co-fondatrice Sleeping Giants France
* à aucun moment je souhaite sous-entendre que toute femme peut échapper au viol. Il y a eu un dénouement positif pour moi parce que le vase était là, parce que j’ai dit la phrase et parce qu’IL l’a entendue. De nombreuses variables incontrôlables.
** j'ignore pourquoi je n'ai pas contacté la police. Sans doute le "il n'y a pas de preuves" a joué mais aussi parce que je n'étais pas encore consciente de l'importance de porter plainte, si pas pour moi, pour les autres.