En façade, Bolloré et ses lieutenants soutiennent inconditionnellement Morandini. En 2016, sa mise en examen pour un dossier de corruption de mineurs aggravée et un autre pour harcèlement sexuel n’empêche pas le propriétaire d’iTélé (devenu CNews) de lui proposer une quotidienne, provoquant un mouvement de grève sans précédent au sein de la rédaction de la chaîne et permettant de ne conserver que les personnes à la loyauté sans ligne rouge.
Malgré son statut singulier au sein de la chaîne “d’info”, Morandini est tenu à l’écart du reste de l’équipe, mais les dirigeants de la chaîne jouent le naturel, l’absence totale d’embarras : c’est un journaliste comme un autre, et tout va bien. Même après ses condamnations en première instance fin 2022, la réponse bien rodée est là : l’appel prolonge la présomption d’innocence. Morandini est considéré innocent, et il n’y a aucune raison de l’écarter de l’antenne. On lui fera même traiter du sujet des mineurs isolés le lendemain de sa condamnation (et, plus tard, interviewer un jeune homme victime d'un pédophile)
😩 QUI à la prod de #CNews a eu la riche idée de faire couvrir à #Morandini un sujet sur les mineurs isolés au lendemain de sa condamnation en 1e instance pour corruption de mineurs accompagnée d'une obligation de soins ? pic.twitter.com/oU9sW36nL8
— Sleeping Giants FR (@slpng_giants_fr) December 6, 2022
Mais en réalité, ils savent pertinemment que vis-à-vis de l’extérieur, ça ne passe pas. De l’embarras, il y en a, et un indicateur vient le prouver de manière irréfutable : les plages publicitaires.
Le prix des emplacements publicitaires dépend de l’audience. Une bonne audience équivaut à des emplacements chers, que la chaîne a tout intérêt à garnir. Nos relevés montrent de manière irréfutable une fuite quasi totale des annonceurs du créneau occupé par Morandini, à partir de l’annonce de ses condamnations

Agrandissement : Illustration 2

Dès octobre 2022, notre collectif alertait les marques. Le 5 décembre, la condamnation tombe et tout de suite le groupe Vivendi annonce : le présentateur reste à l’antenne. Mais les pubs, auparavant au nombre d’une quinzaine chaque jour, disparaissent. La régie pub de la chaîne a coupé les vannes avant que les marques se plaignent d’être casées là. Cette prudence de la part des responsables commerciaux de Cnews est-elle le résultat de nos alertes d’information aux annonceurs ?
Une semaine plus tard, la publicité reprend, mais frileusement. L’émission est interrompue pendant les vacances de Noël, les pubs reviennent massivement durant cette période.
À la reprise, jamais plus de 5 spots, avec des annonceurs triés sur le volet : deux ou trois marques fidèles, à gros budget, qui sponsorisent activement la chaîne par ailleurs, des toutes petites sociétés qui n’ont pas les moyens de s’insurger de ce placement et qui ne sont pas présentes sur les réseaux sociaux (donc ne peuvent pas être alertées par nos soins), de l’autopromo pour Canal+ ou des ONG qui se voient proposés des espaces offerts et n’ont donc aucun pouvoir de protester sur un placement entourant l’émission de Morandini.
Lorsque de temps en temps une marque connue y apparaît, nous l’alertons, et elle n’y reste pas longtemps.
La preuve que c’est bien le dossier judiciaire pour corruption de mineurs de Morandini qui gêne, et pas une décision de déserter ce créneau horaire ? Lors des congés ou des jours fériés, quand l’émission n’est pas programmée, les pubs reviennent instantanément.

Agrandissement : Illustration 3

En conservant Morandini à l’antenne malgré des casseroles qui lui auraient valu une mise à l’écart immédiate sur tous les autres médias, Bolloré se prive de la conversion directe de l’audience en rentrée financière. Il mécontente les marques qui se retrouvent là sans l’avoir demandé, et son discours sur la présomption d’innocence, qu’il n’applique qu’à son animateur (et à Gérard Depardieu) tranche singulièrement avec la ligne éditoriale de la chaîne fustigeant l’éducation à la sexualité à l’école qui traumatiserait les enfants.
Mais y a-t-il vraiment contradiction ? N’est-ce pas, dans les deux cas, nier l’existence des violences sexuelles faites à des mineurs, mépriser les victimes et refuser de sensibiliser les enfants à ces questions ?