Slimane Ait sidhoum

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Billet de blog 4 avril 2025

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Le dernier des géants.

Les révolutions à travers l’histoire ont toujours eu cette tendance morbide à dévorer leurs initiateurs. L’exemple nous est donné par la révolution d’Algérie entre 1954 et 1962 contre le colonialisme français.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les révolutions à travers l’histoire ont toujours eu cette tendance morbide à dévorer leurs initiateurs. L’exemple nous est donné par la révolution d’Algérie entre 1954 et 1962 contre le colonialisme français. Cette séquence dans la longue marche vers l’indépendance qui a commencé pour les Algériens en 1830 a connu des drames, des massacres mais aussi des assassinats commis par les révolutionnaires entre eux, et le livre-enquête de Farid Alilat, intitulé, Un crime d’Etat, règlement de comptes au cœur du pouvoir algérien, le rappelle si bien. Ainsi, l’auteur plonge dans la genèse de cette guerre sanglante pour rappeler certains faits et dates qui ont conduit jusqu’à l’assassinat de Krim Belakacem, l’un des fondateurs du FLN et signataire des accords d’Evian permettant à l’Algérie de devenir un pays indépendant. Il est inutile de rappeler ici toutes les péripéties et les luttes internes au sein du mouvement de libération nationale mais juste parler en premier de l’élimination d’Abane Ramdane en  décembre1957 à Tétouan. Cet assassinat odieux d’un des architectes de la révolution commandité par les fameux trois B, c’est-à-dire les colonels Krim Belkacem, Boussouf et Bentobal. Or, en cautionnant l’élimination d’Abane Ramdane, Krim Belkacem avait déjà creusé sa tombe. En effet, Abane Ramdane en révolutionnaire intraitable a commencé à poser problème aux chefs de la résistance algérienne qui résidaient à l’étranger, quand il a commencé à dénoncer leur train de vie dans les palaces étrangers et le peu de considération qu’ils avaient pour les combattants de l’intérieur. Exécuté de sang-froid après avoir été attiré dans un véritable traquenard au Maroc, le FLN mettra plus de huit mois pour déclarer sa mort. Pendant ce temps les compagnons de lutte magouillaient entre eux pour se placer dans les positions de tête en vue de prendre le pouvoir après les Français. En effet pendant que Krim Belkacem s’échinait à négocier avec la France le cessez le feu, Boumediene et Ben Bella avait eux formé le ticket qui prendra les rênes du pouvoir le 5 juillet 1962. Krim Belkacem qui croyait avoir plus de légitimité que tous les autres, se sent floué par ces deux hommes. Au départ, il se contentera du siège de député à la première assemblée nationale mais en voyant les dérives autoritaires de Ben Bella, il s’exilera au Maroc pour fonder son parti politique d’opposition qu’il appellera le MDRA. Après le coup d’Etat de Boumediène contre Ben Bella en 1965, ce dernier ne tolérera aucune opposition qu’elle soit interne ou externe. C’est là où va germer l’idée d’éliminer Krim Belkacem malgré les négociations entre Krim Belkacem et les émissaires de Boumediène, car cette probable réconciliation gêne une partie du sérail. Lui aussi, il sera attiré dans un guet-apens à Francfort en Allemagne en octobre 1970. Le livre de Fraid Alilat, retrace dans le détail les moments qui ont précédé l’assassinat en donnant les noms des éléments du groupe qui s’est occupé de ce crime odieux, mais le vrai commanditaire reste inconnu jusqu’à présent. Le livre ouvre des pistes sérieuses mais l’homme de l’ombre n’est pas encore prêt à livrer tous ses secrets.

Slimane Ait sidhoum.

Farid Alilat, Un crime d’Etat, règlement de comptes au cœur du pouvoir algérien, Flammarion, 2025.

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