Sylvain Venayre, universitaire et historien, connu pour sa pertinence, nous livre cette fois-ci un essai passionnant intitulé, Les guerres lointaines de la paix, avec comme sous-titre, Civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle. Ainsi, dès l’introduction on comprend que le concept de « guerre » dans sa globalité, est un mot qui fait peur car très dérangeant par ce qu’il charrie comme atrocités, violence et victimes. Mais, c’était sans compter sur le génie du pouvoir politique qui a l’art et la manière de travestir la réalité en édulcorant les concepts, histoire d’atténuer ou de tout simplement neutraliser les effets néfastes d’une rhétorique ravageuse. Avant d’aller plus loin et de feuilleter les neuf chapitres de l’ouvrage, il faudrait s’arrêter sur le concept : « Guerres lointaines de la paix » et de dire de façon lapidaire qu’il s’agit : « de toutes les guerres menées par les grandes puissances européennes en dehors de leurs territoires respectifs pour « maintenir la paix ». Dans cet essai, Sylvain Venayre fait émerger quatre pays qui ont eu à leur actif le plus d’intervention à l’extérieur à savoir : La Grande Bretagne, La France, L’Allemagne et les États-Unis. Sans oublier que d’autres pays européens comme l’Espagne, la Belgique et le Portugal ont eu eux aussi leur part. On apprend que l’Allemagne avait déjà expérimenté dans ces guerres au sud-ouest de l’Afrique : « Les camps de concentration » et la notion : « d’extermination massive » avant que ça devienne à une échelle industrielle lors de la deuxième guerre mondiale. Cette histoire des guerres lointaines est partie d’une intention noble car elle coïncide avec l’année 1833, date où l’esclavage a été aboli par l’Angleterre, ces grandes nations avaient fait le serment de briser les chaînes de la servitude partout dans le monde pour rendre à tous les humains leur liberté. Cet idéal teinté de droits de l’Homme et de civilisation a été vite dévoyé pour devenir un désir d’hégémonie et de domination du monde. L’auteur nous rappelle l’histoire de la guerre menée contre la Chine et le Japon pour les faire plier, à accepter d’ouvrir leurs frontières aux produits manufacturés en Europe. Sans oublier toutes les campagnes guerrières contre les pays africains pour les asservir. Donc, l’argument de civiliser n’était qu’un prétexte fallacieux pour gagner des zones d’influence et des parts de marché qui allaient accompagner l’essor du capitalisme mondial. Heureusement qu’à la fin du dix-neuvième siècle avec le développement du journalisme et de l’invention de la photographie, l’opinion publique européenne devint plus sensible aux atrocités commises ailleurs, pour pousser certains politiciens à freiner leur appétit d’expansion et à modérer « la politique de la canonnière » utilisée à tort et à travers. « Les guerres lointaines » de Sylvain Venayre est un ouvrage très utile pour comprendre l’histoire du colonialisme et de la naissance de l’impérialisme et toutes les politiques d’ingérence qui continuent de perturber la marche du monde vers la paix et la fraternité entre les peuples.
Slimane Ait sidhoum.
Sylvaine Venayre, Les guerres lointaines de la paix, Civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle. Gallimard, 2023.