Qu’un grand éditeur en France s’intéresse à un prisonnier palestinien condamné à perpétuité par Israël, c’est déjà mettre en lumière un côté obscur que certains médias occultent. En effet, le récit poignant de Nasser Abu Srour intitulé, Je suis ma liberté, retrace sur une période de plus de trente ans le mauvais traitement que subissent des milliers de prisonniers arrêtés pour différentes raisons par le gouvernement Israélien. Entre interrogatoires musclées, conditions d’incarcération précaires et éloignement systématique des proches, Nasser Abu Srour dont la famille a perdu la maison suite à la guerre des six jours, a toujours vécu comme un nomade. Ballotté de camps en camps de réfugiés à univers clos, la vie devient bancale. Puis après sa condamnation suite à l’assassinat d’un officier de l’armée israélienne, il est toujours en partance dans une autre prison. Cette vie derrière les barreaux lui donne l’occasion de réfléchir sur la question palestinienne avec une acuité qui le met en porte à faux avec L’OLP et ses partenaires. Ses longues réflexions exprimées dans un langage poétique très baroque rappellent l’âge d’or de la poésie antique arabe, il les échange avec le mur de sa cellule à la fois interlocuteur et inspirateur. Ainsi, ce dernier devient un compagnon qui le conforte dans sa vision de la situation. Et, c’est dans cet univers carcéral inhumain que surgit Nanna, une jeune avocate palestinienne de retour au pays, qui a sur le cœur de l’aider à obtenir sa libération malgré les promesses des différents accords entre Israël et l’autorité palestinienne. Les fréquentes visites et les échanges fructueux entre l’éternel prisonnier et la jeune éprise de justice, se transforment en admiration mutuelle. L’amour naissant entre les deux éclaircit l’horizon et introduit un peu de bonheur dans ce huis clos déshumanisant mais la réalité reprend très vite son emprise sur les espoirs et les promesses. Cette œuvre écrite de derrière les barreaux est très touchante par sa sincérité et la détermination de son auteur, montre que ce conflit vieux de près de quatre-vingts ans n’est pas près de connaître son dénouement.
Slimane Ait sidhoum
Nasser Abu Srour intitulé, Je suis ma liberté, Gallimard, 2025.