Imaginez que vous êtes tranquillement assis devant votre écran à savourer une comédie du genre « Le gendarme de Saint Tropez » et puis qu’on vienne vous déranger pour vous annoncer que vous êtes un « héros ». Là, la surprise est grande car vous pensez que c’est un canular. Mais de fil en aiguille, en vous relatant certains faits du passé, vous comprenez qu’on ne plaisante pas avec vous et qu’à partir de là, votre destin va basculer dans une autre dimension. C’est ce qui est arrivé à Michael Hartung, propriétaire d’un magasin de location de vidéo en déclin. C’est comme ça que l’histoire du « Héros de Berlin » de Maxim Léo devient passionnante parce que les lecteurs veulent connaître la suite. L’instigateur de toute cette affaire n’est autre que le journaliste Landmann qui à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du mur de Berlin cherchait une personnalité qui incarnerait le renouveau des figures de la résistance allemande contre le communisme. Landmann en journaliste aimant fouiner dans les archives a pu découvrir « une sorte de héros » oublié par l’Histoire pour essayer de rompre avec la routine des célébrations rituelles usées jusqu’à la corde. Au départ, Hartung n’y croyait pas tellement à cette histoire d’avoir envoyé à l’ouest tout un train de 129 voyageurs au moment où pour passer de l’autre côté du mur, relevait du miracle. En effet, Hartung insiste auprès de son interlocuteur qu’il s’agissait d’un malentendu. Par inadvertance en tant que cheminot, il avait fait un mauvais aiguillage, ce qui avait permis à ce train de la liberté de rejoindre le monde occidental. Landmann qui tenait le sujet de sa vie ne voulait pas en démordre et en édulcorant la réalité, il a pu convaincre Hartung de jouer le jeu. Ce dernier ne savait pas qu’à partir de là, il avait mis le doigt dans un engrenage infernal. Les médias qui sont friands de nouveauté, s’emparent de l’histoire de Hartung pour devenir ainsi l’invité le plus chouchouté de la presse allemande. Au départ, Hartung qui s’ennuyait dans sa vie de tous les jours avait pris ça comme un jeu, puis avec le temps, le mensonge devint lourd à porter surtout quand la présidence allemande lui propose de prononcer un discours devant le Reichstag. Le recul, le poids de cette nouvelle célébrité très pesante l’aident à revoir ses prétentions à la baisse et à tenter de renoncer à tout pour se concentrer sur ses retrouvailles avec sa fille et l’amour naissant qu’il a pour une avocate. Ce roman foisonnant donne à comprendre comment se fabrique les légendes médiatiques mais aussi comment parfois la lucidité humaine triomphe de la cupidité et du paraître.
Slimane Ait sidhoum.
Maxim Léo, Le héros de Berlin, Actes-sud 2023.